Ce parc, ce banc. Notre rituel.
Mon chocolat à emporter dans les mains, je me délecte de la chaleur qu'il diffuse dans tout mon corps. Cette année il neige et les flocons viennent chatouiller mon nez et je souris.
Je souris parce que Lui la neige, il n'a jamais aimé ça. Lui, il la tolère uniquement s'il n'a pas à quitter son canapé « ton manteau blanc, est surtout vite gris dégueulasse et accessoirement dangereux ». C'est vrai que pour une personne aussi maladroite que lui, affronter la neige revient du parcours du combattant.
Et s'il ne venait pas ?
Pas à cause de la neige. Il a beau ne pas l'aimer, pour moi il a toujours fait cet effort.
« Pas le choix, je t'aime plus que je déteste la neige »
Lorsqu'il l'avait dit pour la première fois du haut de ses 8 ans, j'avais trouvé que c'était la plus belle preuve d'amour du monde. Douze ans plus tard, avec mon regard d'adulte, je pourrais remettre en doute son amour pour moi, mais dans l'esprit de ce petit garçon c'était la plus belle chose qu'il aurait pu me dire. Voyez-vous, il déteste vraiment la neige !
Mais là, ce que je veux dire, c'est « Et s'il ne venait plus ? »
Ces derniers temps, il s'éloigne. Je fais tout pour le retenir, je sens qu'il m'échappe.
J'invoque nos souvenirs, les promesses que l'on s'est faite, mais je n'aime pas le regard qu'il porte sur moi quand je le fais.
Au loin, j'entends la fanfare. Elle joue son morceau préféré « Thirteen » de Big Star.
Won't you let me walk you home from school?Won't you let me meet you at the pool?Maybe Friday I canGet tickets for the danceAnd I'll take you, ooh ooh
C'est bête, mais à cet instant je suis persuadée qu'il va venir et mon corps se détend à nouveau. Mes yeux se ferment et je me rappelle lorsque pour la première fois il me l'a chanté au creux de l'oreille. C'était il y a 5 ans. Mon meilleur ami, devenait aussi mon amant.
Would you be an outlaw for my love?
If it's so, well let me know
If it's no, well I can go
I won't make you, ooh ooh
Je crois qu'on s'est toujours aimé, mais aussi têtus l'un que l'autre - Lui dirait, moi plus que lui. Et je crois qu'il a raison - lorsque nous étions gamins, on trouvait que les amoureux c'étaient nuls et que l'amitié c'était trop cool. Je crois qu'on avait peur de bruler en enfer si l'un de nous osait contredire ça un jour. Mais heureusement, il a aussi toujours été le plus courageux de nous deux. Alors je l'avais suivi. Après tout, les enfers, ensemble, on pouvait les affronter.
Oui, mais seule est-ce que je le peux ?
Et s'il ne venait plus ?
J'angoisse à nouveau, je tente de retenir mes larmes. Il faut qu'il m'écoute, qu'il étende ce que j'ai à lui dire. Je crois que je n'ai jamais souhaité si fort qu'il m'écoute. Mais je suis la seule à m'égosiller et lui à rompre sa promesse.
Les effluves de mon chocolat chaud et l'odeur de la cannelle, me ramène de nouveau à lui. Depuis quelque temps j'en ajoute partout. Parce que depuis quelque temps celle-ci me manque. Pourtant, je détestais la cannelle. Mais je l'aime Lui, plus que je détestais la cannelle. Alors, j'ai appris à l'aimer à travers ses baisers. Mes lèvres viennent tremper dans le liquide sucré, me donnant l'impression de poser mes lèvres sur les siennes. Par touches délicates, cette épice est devenue celle que je préfère maintenant.
