CHAPTER 8 : LA PROJECTION

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De nouveau caché derrière ces étagères du magasin du coin. Je tourne la tête et rencontre son visage terrifié. Ma main se pose contre sa bouche. Nous ne devons faire aucun bruit. Nous ne devons pas bouger. Comme ce soir-là, Elena finit par se lever, les mains en l'air. Je dois empêcher la balle de partir. Je dois la sauver. D'un bond, je me lève aussi et me mets devant elle. Cependant, le maudit voleur ne se retourne pas. Il reste le dos tourné à regarder Joe mettre les billets dans le sac. Pourquoi rien ne semble se passer comme prévu ? Il ne dit pas un mot, pourtant il sait qu'Elena et moi sommes derrière lui. Je me rends compte que la pièce est silencieuse depuis mon arrivée. Je n'ai même pas entendu ce jeune délinquant entrer dans le magasin, ni menacer le gérant. Les lumières scintillent de plus en plus fort.

- Eh oh ! Tu m'entends ? Prends l'argent et casse-toi ! Dis-je au garçon cagoulé.

Il ne bouge pas. Il jette une dernière liasse de billets dans le sac et le met à son épaule.

- Tu as tout ce que tu voulais. Va-t'en maintenant.

Pourquoi suis-je le seul à parler ? Elena et Joe sont comme figés sur place. Tout paraît sortir d'une illusion. Il finit par se tourner vers moi avec son arme dans les mains. Mon coeur tressaute. Ses deux yeux bleus visibles à travers le tissu sur son visage me sont familiers. Il m'est impossible de respirer. Privé d'air, je me demande si je ne vais pas tomber dans les pommes. Il me regarde un moment, immobile. Il semble même apprécier m'observer suffoquer. Sa main rejoint son visage et il enlève sa cagoule. Ce n'est pas ce que j'espérais. Ce n'est pas réel. Impossible. Ne sachant plus si je suis vivant ou mort, je me vois tenir cette arme. Un autre moi. Nous sommes identiques. Enfin, à quelques détails près. Son sourire en coin maléfique me terrifie. Les traits de son visage présentent une effroyable terreur. Ce n'est pas moi. Ça ne peut être moi.

- Ne fais pas cette tête Louis. On savait tous les deux que ça arriverait, prononce-t-il avec exactement la même voix que la mienne.

Le plus étrange est qu'il me rappelle quelque chose. Cette part enfouie en moi. Ce mal-être. Cette petite voix diabolique qui me suit partout.

- Qui es-tu ?

- Ça ne se voit pas ?

Son sourire vient davantage me perturber. Il fait un pas vers moi, ce qui me fait reculer.

- Quelle heure est-il ? Me demande-t-il.

Je lève la tête vers la pendule et sans vraiment pouvoir y lire l'heure, ma bouche s'ouvre automatiquement :

- 23h41.

Avant que je n'ai le temps de réagir, il presse sur la détente. La balle part en direction d'Elena et vient percuter son thorax. Encore une fois. Sauf que cette fois-ci, c'est moi qui ai tiré. Je lâche un cri strident. Alors que mes genoux tombent sur le sol du magasin du coin, cette version noircie de moi dépose quelque chose dans le creux d'une de mes mains.

Un billet de 5 dollars.

Je me réveille en hurlant de nouveau. Cependant, c'est bien réel. Et je ne m'arrête pas. Je n'arrive pas à me calmer. Tout mon corps tremble dans mon lit. Je sens de la sueur sur chaque parcelle de ma peau. Je suis encore en train de faire une crise d'angoisse. Ma détresse respiratoire va finir par me tuer. Alors que la pièce est plongée dans le noir, j'attrape mon téléphone. Désespéré, je cherche le numéro d'Harry dans mes contacts. Mes doigts tapent sur son prénom comme si c'était la seule chose qui pouvait me sauver. Il décroche après de nombreuses sonneries. Je décide de mettre le haut-parleur.

- Louis ? Prononce-t-il, endormi.

Je ne peux prononcer la moindre chose. Il doit sûrement entendre mon souffle déréglé.

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