Prologue

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Cette obscurité étouffante, ces choses qui grouillent dans le noir, ces fichues voix qui n'en finissent plus de résonner dans ma tête... Comment faire pour ne pas sombrer, comment faire pour ne pas être emportée... Comment faire pour savoir si je n'avais pas déjà été emportée ?

Ah ah ah ! La folie avait ce quelque chose de douceâtre sur la langue. Pourquoi combattre, pourquoi ne pas se laisser aller ? De toute façon elle avait déjà gagné, la folie m'avait totalement ravagé. Les hallucinations avaient pris le pas sur mon esprit, c'était la seule explication, ça ne pouvait pas être réel, elle ne pouvait pas être réelle. Ma mère était morte, morte alors que je n'avais que trois ans. Cette chose ne pouvait donc pas être ma mère ! Elle était morte, morte !

Je me pris la tête entre mes mains sans cesser de rire, essayant de chasser ces fichues voix, sa foutue voix ! J'étais devenue complètement folle, il n'y avait plus rien à faire. Ils avaient dû mettre quelque chose dans l'eau qui aggravait ma folie. Elle était morte bon sang ! Morte, morte !

Je rampai le plus loin possible d'elle. Si je tentais de l'ignorer comme toutes les autres, elle partirait, me laisserait en paix. C'est ça, il ne fallait pas que je l'écoute, que je ne lui prête pas attention, elle n'était pas réelle après tout.

J'étais tentée de m'enfuir dans l'autre monde, mais les Ombres auraient tôt fait de me trouver et de me déchiqueter. Au moins elles mettraient un terme définitif à tout ça...

- Elle ne tiendra jamais, elle est en train de se briser, on va vraiment finir par la perdre.

Et voilà qu'elles aussi étaient revenues... Pourquoi se préoccupaient-elles de moi ? Qu'est-ce qu'elles me voulaient ?

- Faedre, tu dois tenir. Il faut que tu continues à te battre.

Pourquoi ? Ça ne servait à rien. Je ne savais pas pourquoi elles s'obstinaient ainsi ces deux voix féminines qui revenaient le plus souvent parmi les autres.

- Écoutes-moi, n'écoute que moi, ne te laisse pas aller, tu es la dernière chance de ce monde. Si tu lâches prise, ça en sera fini, tout ça n'aura servi à rien, ils seront tous morts pour rien, tous.

Je ne voulais pas écouter, je me recroquevillai encore plus sur moi-même, agrippant mon crâne. J'en avais assez, j'en avais assez... Je gémis en repoussant le sol de mes pieds, espérant m'enfoncer à l'intérieur du mur dans mon dos, oubliant la douleur de mes plaies encore fraiches. Ma mère était morte, morte, elle ne pouvait être là.

- Faedre !

Je sentis une secousse à l'intérieur de mon crâne, comme si on m'agrippait fermement.

- Écoutes-moi, je t'en supplie !

- Amène-la, c'est le seul moyen, je vais les retenir.

- Mais...

- Je sais, mais on n'a pas le choix, on doit gagner du temps et espérer. Guide-la. Si cela doit signifier la fin pour nous, qu'il en soit ainsi.

Il y eut un léger silence avant que l'autre voix lui souffle en réponse :

- Pour demain, au-delà de ce monde.

Pour demain... au-delà de ce monde... Des images me revinrent soudainement en flash. Mes amis, ma famille, ma cité...

- C'est ça, pars les retrouver encore une fois, pars.

Je me sentis enveloppée dans une douce chaleur, un cocon bienfaiteur, et je repartis, guidée vers la lumière de mes souvenirs.

Faedre - Tome 2 : Le nouvel ordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant