La Fille du Troisième

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Samedi 18 avril 2020 - Clamart, rue de la Fontaine. 09h54. 3e étage.

Lorsqu'Alba rentra chez elle, elle croisa son reflet dans le miroir de l'entrée. Elle avait le menton recouvert de sucre glace. Et l'estomac bien rempli. La petite dame du dessus avait insisté pour qu'elle reprenne un deuxième beignet au chocolat, elle allait exploser c'en était certain mais elle était polie. Et ça semblait amuser le petit-fils de la voir galérer à terminer de manger l'énorme boule grasse.

Elle reçut un message, son frère allait pas tarder à rentrer de sa nuit. Il aurait dû rentrer beaucoup plus tôt, mais il avait été obligé de rester plus longtemps pour régler un problème. Elle espérait qu'il irait immédiatement se coucher, histoire qu'elle soit au calme pour le reste de la matinée, au moins.

Elle avait commencé une toile mercredi soir, il lui tardait de la terminer. Elle avait imaginé un endroit, sans virus ni morts. Plongé dans une lumière puissante mais apaisante. Loin de tout, et en même temps à proximité du reste du monde. Il y avait beaucoup de fleurs, qui étaient en train d'éclore par la seule force du soleil. Et au milieu, un petit géranium !

Non pardon, je me suis trompée de tableau.

Parmi ces fleurs, un banc en vieux bois à la peinture écaillée. Ce même banc où elle aimerait venir s'installer à la lueur d'un coucher de soleil, et écouter la nature reprendre ses droits autour d'elle. Elle sentirait les battements des ailes d'un papillon dans ses cheveux. Un léger vent doux printanier s'enroulerait autour de ses chevilles.

Le manque de liberté la pesait chaque jour un peu plus. Et cette escapade à l'étage du dessus lui avait fait du bien, en réalité. Ok, elle était repartie de là-bas avec 18 kilos supplémentaires, mais elle avait adoré écouter la petite dame raconter des souvenirs, et voir le jeune homme blond se cacher sous la table, le visage cramoisi.

Ils lui semblaient proches et assez fusionnels, les deux. Elle trouvait ça beau et touchant, et surtout ça la renvoyait à sa propre grand-mère maternelle, qu'elle adorait mais qui malheureusement, avait quitté ce monde trop tôt.

Son frère rentra quelques instants plus tard, la salua de loin et alla directement dans sa chambre. Il était crevé, deux grosses cernes noires occupaient ses yeux sombres. Cool, elle était sûre d'être tranquille un moment. Elle se rua vers son chevalet, ouvrit les tubes de gouache et effleura la toile avec la soie de son pinceau.

***

Dimanche 19 avril 2020 – Clamart, 1 place Maurice Gunsbourg. 20h29

Mathieu jubilait, il allait pouvoir se défouler. Il avait patiemment attendu ce rendez-vous fixé par Maes, qui lui aussi trépignait de revoir son vieux pote. Sur le chemin entre son appartement et la salle d'entrainement, il avait croisé une voiture de flics mais ils l'avaient laissé tranquille.

Walid était déjà là, prêt. Il portait un maillot sans manche Venom, qui ne faisait qu'un avec son corps musclé et travaillé. Mathieu n'avait pas à rougir, sa silhouette avait forci ces derniers temps, certes, mais il était plutôt massif de base. Parfois c'était du muscle, de temps à autre, quand il se laissait aller, ça se transformait en gras. Mais pas bien longtemps, il supportait pas l'idée. Il avait pas perdu tous ces kilos pour les reprendre. Bon, là, avec le confinement et les goûters avec sa mamie, ça n'aidait pas. Il était déter à se bouger un max pendant une heure, c'était ça de gagné.

Déjà qu'on lui laissait le loisir de faire du vrai sport (Fifa ça compte pas !) alors que c'était interdit pendant le confinement. Il allait pas se prier, il avait d'ailleurs la bougeotte et sautillait en faisant faire des légers mouvements agressifs à ses points. Walid fermait les lacets de ses pompes et constatait qu'il était plus que chaud, le Polak.