Chapitre 26 : Souvenir

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Sanhild ne pouvait que constater l'évidence : Gredor. Le fiancé de Larinda était donc bien pire que ce qu'elle avait pensé ! Stupéfaite, elle se dépêcha de souffler la flamme. Thoran s'était assis dans son lit et appelait un domestique.

Fuir. Laissant là le cadavre, Sanhild sauta sur ses pieds en silence.

Plongé dans le noir, le couloir lui paraissait infiniment long. La main de l'Officieuse se serait écorchée au mur sans son gant, tant elle pressait le pas. Bientôt, les cris de Thoran retentiraient. Si quelqu'un la surprenait dans cette tenue... Combien de personnes devrait-elle tuer pour espérer s'en sortir ? Une telle catastrophe ne serait pas sans conséquence. Elle frémit en songeant à ce que la mère supérieure ferait en apprenant son échec.

Une lueur, au loin. Sanhild se mit à courir. Un angle, deux portes. Enfin.

Personne quand elle regagna sa chambre. Elle alluma une chandelle le cœur battant à tout rompre. Vite, se dévêtir. Nettoyer son arme. Vérifier qu'elle n'était pas tâchée de sang. Cacher son matériel dans le double fond du coffre. Mettre sa chemise de nuit et se glisser dans le lit. Eteindre toute lumière.

Les innocents dormaient encore, à cette heure.

***

Sanhild n'avait pas été dérangée de la nuit mais, lorsqu'elle rejoignit la salle à manger pour le petit déjeuner, il fut évident que le meurtre avait été découvert.

Les invités discutaient plus qu'ils ne mangeaient et les rumeurs, alliées à de folles suppositions, tournaient dans la pièce en une valse effrénée. Ni Thoran, ni ses enfants n'étaient présents, ce qui permis à Sanhild de s'entrainer à parler de l'événement avec une parfaite innocence.

On disait qu'un corps avait été retrouvé dans la chambre du seigneur. Ou bien deux corps. Ou peut-être plus. Il y avait du sang partout. Des flèches. Du poison. Des flèches empoisonnées ensanglantées ! Thoran avait été blessé. Défiguré. Sauvé par les Six. S'était battu. N'avait rien vu. Il y avait encore un assassin en liberté. Ou deux complices. Ou toute une troupe. Bregan l'avait fait fuir. Il s'était battu. Il avait pris la poudre d'escampette. Il était blessé. Il avait disparu. Aodan voulait tous les interroger. Il était furieux. Il était abattu. Il avait fui avec son frère. Cierhan...

La jeune femme finit par quitter la pièce, ne supportant plus ces suppositions hystériques et incohérentes. Même en cette matinée, les couloirs étaient déserts, comme si les invités encore présents au château étaient trop terrifiés pour se déplacer d'une pièce à l'autre.

Sanhild avait dans l'idée de retrouver Aodan. Si elle avait réussi à abattre Gredor, elle n'oubliait pas que ce dernier était bien plus lié à Cierhan que la famille du seigneur ne le pensait. Elle se devait d'avertir au moins Aodan. Il était le seul qui prendrait peut-être la peine de l'écouter et qui aurait du poids dans les décisions qui seraient prises. Si elle n'avait pu aller le trouver durant la nuit, car elle aurait risqué de perdre sa couverture, elle pouvait à présent tenter une approche.

Pourquoi agir de la sorte ? La raison lui dictait que ce n'était que pour protéger Thoran et donc se permettre de rester plus longtemps pour mener l'enquête. Mais, au fond, elle savait bien qu'elle craignait pour la vie d'Aodan.

Sanhild se demandait également quelle était la part de vérité dans les rumeurs colportées par les invités. On parlait de plusieurs assassins et, si elle pensait bien-sûr à un simple fantasme créé par la peur, elle craignait aussi que ce ne fut vrai. Peut-être n'avait-elle pas vu tout ce qu'il y avait à découvrir cette nuit-là. Et si, après son passage, un second meurtrier avait fait irruption ? S'il s'agissait de Cierhan qui l'avait vue et attendait dans l'ombre que...

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