Tous les nègres meurent un jour

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Tous les nègres meurent un jour.
Inaya a toujours vécu autour de blancs. Ses parents sont fortunés, à un tel point qu'ils en ont renié leur culture africaine. Mais Inaya n'est pas comme ses parents. Elle est courageuse.
Chaque jours, dans les écoles, collèges, lycées aisés qu'elle fréquente, elle le vit depuis sa plus tendre enfance. Ce qu'elle appelait la Méchanceté. Ses parents lui apprirent plus tard que l'on appelait cela le racisme et lui apprirent à détester sa couleur de peau. Mais dans un coin de sa tête, Inaya luttait. Dans un coin de sa tête, des tonnes de réflexions sur ce qu'elle vivait fusaient à toute allure. Par exemple : pourquoi appelait-on les noirs Noirs et pas les Asiatiques Jaunes ou les Indiens rouges ? Pourquoi, même dans la propre communauté noire, on était aussi sexiste, aussi raciste et finalement aussi cruel que les blancs ?
Au fur et à mesure, Inaya appris à craindre les peaux claires plus encore que les chiens de garde du terrain de golf de ses voisins. Elle apprit à haïr sa culture et à oublier ses ancêtres.
Alors qu'elle avait 14 ans, sa mère se suicida. Cet événement marqua à vie Inaya, non pas qu'elle aimait sa mère, mais plus parce qu'elle ne comprenait pas la raison de son suicide.
Je vais vous l'expliquer : sa mère en avait tout simplement marre. Malgré toute la richesse, tout les bijoux, toute la culture du monde, son léger accent antillais qu'elle cachait le plus possible la faisait sans cesse passer pour la négresse de service. La mère d'Inaya détestait tant sa peau qu'elle se l'était blanchi et qu'elle avait forcé sa fille à faire de même, mais il ne suffisait pas de cacher la couleur pour passer inaperçu. Son nez épaté, son léger accent, mi antillais mi camerounais...
Bref, la riche femme en avait eu marre. Alors elle avait pris un couteau, était allé voir sa fille et, avant de s'égorger devant elle, avait déclaré presque tendrement :
"Tu ferais mieux de m'imiter, ma fille. Tout les nègres finissent par mourrir."
Inaya continua de grandir jusqu'à ses dix-huit ans, ou son père la jeta de chez elle. Oui, elle finit à la rue.
Une question qu'il fallait qu'elle se débrouille toute seule, quelque chose comme cela.
Que fit Inaya ? Elle se prostitua. Elle tenta bien d'autres solutions, je vous épargnerai de tout les détails, mais elle tenta par exemple de dire qu'elle était la fille du grand homme d'affaires qu'était son père. On lui pouffa au nez avec mépris, lui disant que toutes les jeunes noires à la rue se faisait passer pour elle pour survivre.
Finalement, la période de sa vie la plus agréable fut celle-ci, maintenant qu'elle y pensait. Elle n'avait jamais été aussi proche de sa culture, dans un quartier de noirs, entouré par la culture africaine. Tout le monde s'entraidait. Le coiffeur lui donnait un peu d'argent, elle lui ramenait des clients. La femme du videur de la boîte lui demandait de surveiller les infidélités de son mari, etc...
Inaya ne s'en était jamais rendu compte, mais elle était très belle. On pouvait même la qualifier de magnifique. Le coiffeur lui prêtait parfois sa douche et sa femme son maquillage pour qu'elle se refasse une beauté avant le travail. Quand au vieux facteur, il lui prêtait la chambre de sa femme décédée, ou elle pouvait dormir décemment.
Rapidement, Inaya haussa les prix. Elle se rendit vite compte que les hommes n'étaient que de simples animaux qui, pour l'avoir, étaient capables d'y mettre un sacré prix.
Elle se rendit compte qu'elle avait de quoi soudoyer la concierge d'un immeuble pour dormir dans un studio minuscule.
Elle devint alors escort girl, et se fit de plus en plus d'argent. Elle s'acheta un téléphone, elle se fit un compte onlyfans, et l'argent arriva dans sa vie d'un seul coup et très violemment. Elle dépensait pour tout et pour rien...mais s'acheta tout de même un appartement plus décent. Alors qu'elle avait vingt cinq ans, elle apprit que son père était mort, pour une histoire de deal très malhonnête avec un chef d'état africain. Cette nouvelle ne l'accablait pas pour sous.
Pourtant, elle ne pu s'empêcher de se souvenir des paroles de sa mère en frissonnant. Tous les nègres meurent un jour.
Elle grandit, et, peu à peu, tomba amoureuse. D'un homme splendide, incroyable, compréhensif. Il n'était pas comme les autres, et la maria. Avant de la tromper, évidemment, mais c'était anecdotique.
Elle fit deux enfants avec lui, deux beau jumeaux hurlants et difformes.
Un jour, alors qu'ils manifestait lors d'un rassemblement contre les violences policières, son mari se fit tabasser et embarquer par la police. En pleure, Inaya rentra chez elle et attendit son mari en compagnie de ses enfants. Elle ne le revit plus jamais. Eh oui, vous le voyez arriver. Il s'était suicidé pendant sa nuit en garde à vue.
Alors elle comprit la phrase de sa mère. Tous les nègres meurent un jours. Tous les noirs ayant réussi sont morts de l'intérieur. Le jour où ils comprennent qu'ils ne pourront jamais rien faire pour leur cause, ils meurent. Inaya le savait, désormais : elle était déjà morte depuis bien longtemps. Elle avait alors trente trois ans, et n'avait ne s'était encore sentie à l'aise nulle part. Chez les blancs, elle était trop noire, chez les siens elle était trop noire...chez ses employeurs, elle était trop filles, et même chez ses enfants, elle était trop morne. En parlant de ses enfants...elle posa ses yeux noisette sur les deux faux jumeaux de six ans qu'elle avait.
Alors elle posa une main sur chaque bouches. Ses enfants, ne pouvant plus respirer, ouvrirent grands les yeux, terrifiés. La petite, asthmatique, se mit à suffoquer.
"Autant le faire à votre place avant que vous ne le compreniez par vous même", soupira-t-elle.
"Tout les noir finissent par mourir dans la souffrance, mes enfants. Celia, je ne veux pas que tu subisses le regard lourd et lubrique des hommes blancs. Quant à toi, Liori, je ne veux pas que tu grandisse et que tu devienne un homme. Je ne veux pas que tu deviennes le genre de prédateur que j'exècre autant."
Une fois ses deux enfants adorés morts, elle se munit d'un couteau de cuisine, murmura une dernière fois ces mots :
"Tout les nègres meurent un jour..."
Et se trancha la gorge.
Ne jamais renier ses origines.
Ne jamais haïr sa couleur.
Ne jamais avoir peur d'une autre couleur.
Ce ne sont que des couleurs.
Et non, le noir n'est pas lié au Diable.
Et non, le blanc n'est pas lié à Dieu, loin de là.
Le rouge n'est pas un sauvage.
Le jaune, si vous continuez de le stigmatiser, il risque de nous envahir vu comme ils prennent en puissance.
Quant aux caramel, par pitié, cessez de sexualiser nos sœurs et d'instrumentaliser nos  frères.
Nous sommes tous sur terre. Cohabitons.

Tachons au moins d'essayer, avant que la haine ne nous consume tous.

Tous les Nègres meurent un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant