Chapitre 2 - La reprise

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Université Libre de France et Alentours (ULFA) - Territoire français


Lundi matin, 8h30. Assise sur les bancs de l'amphithéâtre, Sora contemplait la foule grouillante qui s'agitait autour d'elle. Elle trouvait étonnante l'agitation organisée dont faisait preuve les étudiants dans leur dernière minute de liberté matinale. Chaque chose était à sa place. Le professeur entra dans la salle, d'un pas nonchalant comme à son habitude, et le cours démarra. Les casques virtuels s'allumèrent et bientôt, le silence fût total dans l'amphi alors qu'il contenait 400 jeunes étudiants déjà impatients de terminer le cours. Pendant l'exploration des forêts tropicales d'Amérique du Sud, Sora avait l'esprit ailleurs, le temps coulait lentement et les 3 heures en parurent au moins dix. Une fois les espèces tropicales rares repérées et étudiées, le cours se termina et Sora entreprit de retrouver Lilas pour le café du lundi. Avant qu'elle ne quitte l'amphithéâtre, une main la retint et Sora frémit, elle détestait être surprise,  "Toi t'es vraiment dans la lune". Le jeune garçon qui avait parlé était plus grand qu'elle, la peau mate et les cheveux très sombres. Sa voix sonnait d'un ton emprunt d'amusement. "Oh excuse moi Sihaad. Je suis à l'ouest aujourd'hui. Tu as passé de bonnes vacances ?", "Très mouvementées en faite, on essaye de monter un dossier contre les fanatiques d'Angel for Everyone". Sora s'étonna : "T'es encore là dessus ? Tu ne lâches jamais l'affaire hein ?". Il lui sourit. "Je vais rejoindre Lilas à la cafétéria, tu viens avec nous ?" proposa -telle. "Plutôt tout à l'heure, j'ai des bouquins à récupérer...", il marqua une pause. "Ah et au faite, j'ai un article à t'envoyer sur les effets de l'exposition à l'Ange, ça va t'intéresser !". Tous deux se dirigèrent vers la sortie pendant que Sihaad lui parlait des avancées scientifiques majeures sur l'existence de l'Ange mais elle n'écoutait que d'une oreille distraite. Toujours le même. Sans vraiment lui répondre, elle hocha la tête plusieurs fois et prononçait des "Ah oui ?", "Oh vraiment ?". Sihaad avait toujours été obsédé par l'idée qu'on puisse développer des capacités inconnues simplement en ayant été exposé au passage de l'Ange. Il militait depuis plusieurs mois mois contre les groupes religieux refusant toute explication scientifique du phénomène. Certains d'entre eux étaient même aller jusqu'à saboter des labos de recherche entiers. "Tout ça pour éviter la déception qu'il soit le simple produit d'une mutation humaine" pensa t-elle. Au milieu du couloir, Sihaad s'arrêta. "Bon je vous rejoins tout à l'heure, attendez-moi pour aller manger, à plus !", il partit vers la bibliothèque et Sora revint sur ses pas pour prendre la direction de la caféteria.

Elle entra dans la cour principale et remarqua un peu brutalement la différence de luminosité. Dans cet espace entièrement blanc, le soleil presque au zénith se reflétait sans ménagement pour la rétine. Il avait du pleuvoir mais le ciel était d'un bleu sans tâche. La lumière l'aveuglait, elle ferma les yeux par réflexe et du s'arrêter quelques secondes le temps que la sensation passe. Sa respiration était calme et son cœur battait lentement, peut être trop lentement car elle se sentit brusquement affaiblie. Les yeux dans le noir, le corps légèrement engourdi, elle sentit son esprit partir comme si elle allait tomber, ici et maintenant dans le sommeil. Sa destination de départ devint floue dans ses pensées, les sons se mélangèrent formant une mélodie inaudible qui tournaient en boucle dans sa tête. Un instant, elle perdit pied avec la réalité. Ses paupières se rouvrirent brusquement quand un jeune garçon blond la percuta dans le dos. Elle se retourna étonnée. "Heu .. Désolé je ne vous avais pas vu." s'excusa le jeune homme, il avait l'air complètement perdu lui aussi, il regarda autour de lui puis fixa Sora d'un air incrédule. Elle ne dit rien, encore un peu déboussolée. Puis le jeune homme se redressa, son regard se métamorphosa et les doigts crispés sur son téléphone il ajouta sèchement : "Et puis il faut pas s'arrêter au milieu du passage comme ça, pensez un peu aux autres". Sans autre ménagement, il reprit sa route et Sora, un peu étonnée de ce changement d'attitude, fit de même. En regardant autour d'elle, tout lui paraissait normal. C'était étrange, elle aurait pu tomber de sommeil une seconde plus tôt. "J'ai veillé beaucoup trop tard" se dit-elle, "Ce soir c'est au lit à 22h30".

Arrivée à la cafétéria, Sora retrouva Lilas, affalée sur une table une tasse de café à la main. 
"- Haaaaa, enfin Sora tu es là, j'ai cru que t'arriverais jamais, ça fait 20min que ton cours est terminé! Faut que tu m'aides, j'en peux plus de ce devoir sur la structure moléculaire des champignons.". Lilas, avec ses beaux yeux noisettes et ses longs cheveux blonds, était la personne sur qui Sora pouvait compter à tout moment, de jour comme de nuit. Elle semblait toujours de bonne humeur et savait apprécier la vie pour la simple et bonne raison que le soleil se levait le matin. "Toi t'as encore joué toutes les vacances et t'es à la bourre pour le rendu." ricanna Sora. "Je t'en supplie aide moi! Attend je te paye le café, bouge pas.". Sora s'assit lourdement sur la chaise et alluma son ordi. Autour d'elle, le monde grouillait. La cafeteria était un bel endroit, elle paraissait immense grâce aux nombreuses baies vitrées donnant sur le campus et même si c'était l'endroit le plus côtoyé par les étudiants,  chacun semblait pouvoir trouver une table sans grande difficulté. Lilas revient, la tasse fumante à la main et la tira de sa rêverie: "Il faut que je te raconte mon week-end, c'était complètement fou .. !". Ainsi commença le rituel hebdomadaire des anecdotes de Lilas. Sora aimait beaucoup ces moments, elle les appréciait d'autant plus que son amie insistait avec humour sur toutes les petites erreurs qu'elle avait faite, rendant selon elle, la situation encore plus épique. Elle avait l'art et la manière de transformer chacune de ses rencontres amoureuses une scène mélodramatique du XVème siècle. Pourtant elle persistait à vouloir rencontrer des garçons semaines après semaines malgré des échecs assez frappants. Sora pensait en réalité que son envie de rencontre traduisait juste une peur intense de se retrouver seule. C'est sans doute ça qui la poussait machinalement à aller vers les autres. Mais à part Sihaad et elle, Lilas n'avait pas grand monde parmi ses amis proches.

Près d'une heure plus tard, les dernières phrases du devoir s'écrivaient pendant que le deuxième café touchait le fond de leur tasse. Sihaad les rejoignit et ils partirent tous les trois en quête d'un endroit où manger. La fin de l'été faisait encore profiter de ses quelques chaleurs et les marches du gigantesque théâtre extérieur étaient remplies de monde. En observant l'endroit, Sora eu soudain l'impression que ce lieu dégageait quelque chose de particulièrement angoissant. Elle avait, sans vraiment s'en rappeler, la sensation désagréable qu'on a lors d'un mauvais souvenir. Plusieurs centaines de blocs de granit gris entassés les uns sur les autres et une vue plongeante sur un petit cercle de sable au centre, isolé et vulnérable. Heureusement, ses amis tournèrent à droite pour se rendre en ville et le sentiment désagréable disparut aussi vite qu'il était arrivé.


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