Épisode 2

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Son bras était complètement enfourmillé. Elle avait dormi assise, la tête reposant dessus toute la nuit, ça n'était donc pas étonnant. Delgado la regardait d'un air inquiet.

« Tu as encore dormi ici toute la nuit ? »

« Où voulais-tu que j'aille ? »

« Te reposer chez toi par exemple... »

Elle se leva et s'étira, s'éloignant de seulement quelques centimètres du lit d'hôpital où reposait Raphaël Balthazar.

« Je ne veux pas qu'il soit seul s'il se réveille. »

« Hélène... il y a tout une équipe médicale à son chevet. Et puis tu sais très bien que les médecins nous préviendraient si son coma évoluait. »

« J'en ai rien à foutre de ce que disent les médecins. Je suis là parce que j'ai envie d'être là. J'ai besoin d'être là. »

« Je te demande seulement de faire attention à toi. Je ne veux pas vous perdre tous les deux. »

« On ne le perdra pas Jérôme. On ne le perdra pas. Il va se réveiller. Ce n'est pas possible autrement. »

...

Cela faisait un mois que Balthazar était dans le coma. Un mois qu'Hélène venait le voir tous les jours, sans exception, et restait souvent dormir le soir. Les médecins avaient renoncé à l'en empêcher. Elle lui parlait tout le temps. Des enquêtes qu'elle menait avec Delgado, de comment Fatim et Eddy géraient l'IML en son absence, de la façon dont ils essayaient de cacher qu'ils étaient ensemble aussi.

Rien n'avait de sens depuis qu'il n'était plus là. Tout était brumeux comme ce foutu rêve qu'elle avait fait la nuit dernière. Un rêve qui aurait pu devenir réalité si Maya n'était pas revenue dans la vie de Balthazar, si Hélène l'avait rejoint en Bretagne plutôt que d'aller le chercher et de le ramener à Paris. Elle se sentait coupable à plus d'un titre.

Si elle ne lui avait pas dit on ne va pas tout gâcher pour une histoire de cul peut-être qu'il n'aurait pas laissé Maya rentrer dans sa vie à nouveau. Si elle s'était méfiée avant de cette femme, qui débarquait de nulle part, et qui voulait tout, tout de suite, elle aurait pu l'alerter avant qu'il ne soit trop tard... avant qu'il ne la mette enceinte, qu'elle ne le plante (littéralement) le jour de leur mariage, après qu'il ait tout compris... Il n'aurait pas autant souffert, il n'aurait pas essayé de s'immoler pour mettre un terme à cet enfer. Bon sang mais qu'est-ce que j'ai fait ?

...

Ses journées se suivaient et se ressemblaient toutes depuis un mois. DPJ, IML, hôpital... DPJ, IML, hôpital... DPJ, IML, hôpital... Puis aujourd'hui prison.

Hélène devait passer voir Maya. Elle n'avait pas le choix. Il fallait la faire parler. La police savait tout mais Maya refusait de donner le détail de ce qu'elle avait fait, de parler des autres victimes, celles que l'on connaissait, et celles que l'on ne connaissait peut-être pas. Elle était silencieuse, et refusait aussi de se faire examiner par un médecin.

Alors même si elle la voulait morte, elle savait que Balthazar aurait besoin de toutes les réponses à son réveil. Il fallait qu'elle lui parle.

C'est comme ça qu'elle se retrouva sous la lumière criarde de la salle d'interrogatoire de la prison de Fresnes, le bâtiment pour les femmes. Maya se décomposa en entrant dans la pièce et en voyant la capitaine. Le surveillant qui l'accompagnait dû la forcer à s'asseoir. Mais il ne pouvait pas lui tenir la tête pour qu'elle regarde Hélène dans les yeux... Ce qu'elle refusait de faire.

« Tu t'attendais à le voir lui c'est ça ? »

Silence.

« Tu pensais qu'en un mois il serait de nouveau sur pied, à te courir après c'est ça ? À venir jouer au petit couple modèle ? À choisir avec toi le modèle de la poussette pour votre... pour l'enfant que tu portes ? »

Elle la sentit se tendre mais pas relever la tête pour autant.

« Son état n'a pas bougé depuis des semaines. Il est dans le coma. Il ne se réveillera peut-être jamais. Et toi, t'es là. Tu parles pas. Tu penses que ne rien dire ça va t'empêcher d'aller en taule pour le reste de ta vie ? Il y a tout ce qu'il faut dans le dossier pour que tu prennes perpet. Mais si tu parles tu pourras peut-être sortir avant d'avoir l'âge de finir en Ehpad. »

Maya gigota un peu sur sa chaise

« Allez je sais que même toi, tu voudrais rester accrochée à l'espoir de retrouver la liberté. Peut-être même de pouvoir voir ce qu'est devenu ton enfant, comment il s'en est sorti dans la vie sans toi... si lui aussi il a eu des enfants... »

Toujours du silence.

« Maya... C'est insupportable ce silence. Parle. Parle pour lui. Parle pour ton bébé... Balthazar le laissera tomber si tu ne dis pas toute la vérité. Parce qu'il ne pourra pas passer à autre chose s'il ne sait pas tout. Il ne voudra jamais s'en occuper. Si tu ne le fais pour Balthazar, fais le pour ton bébé. »

Cette fois-ci, Maya releva la tête.

« Il n'y a plus de bébé. Je l'ai perdu. J'ai tout perdu. »

Balthazar - Après toi le brouillard Où les histoires vivent. Découvrez maintenant