Retour de Guerre

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6 décembre 1918 :

C'était un jour ensoleillé, frais de la rosé qui avait recouvert l'herbe du champs de Charlie, ma chèvre de 3 ans. Je me rappelle m'être levée avec l'idée de faire un gâteau pour mère pour son déjeuner avant de partir travailler ce mardi comme les autres.

Pourtant, depuis un mois c'était différent, les hommes rentraient petit à petit, du moins ceux qui étaient toujours parmi nous. La guerre avait laissé des séquelles énormes mais pour le moment, le temps était à la joie et à la tristesse. Même si la guerre n'occupait pas mes pensées à chaque instant, son ombre me suivait inlassablement et je me demandais si un jour ce serait possible que le monde revienne à la normale.

Je passais la porte de la cuisine pour me servir mon petit déjeuner lorsque les pleurs de ma voisine résonnèrent dans mes oreilles. Les murs étaient fins entre les maisons mitoyennes du bourg de mon village et cette pauvre femme pleurait son fils qui ne rentrait pas. Un mois après la fin de la guerre, elle avait perdue espoir qu'il soit vivant, la guerre nous avait tout pris même si elle n'était pas chez nous.

Pour ma part, c'était mon frère aîné qui était mort au combat. Il avait 32 ans alors que j'en avait seulement 19. Cette différence faisait que je n'avais jamais été proche de lui, Jean qu'il s'appelait. Non pas que ça me faisait plaisir qu'il soit mort mais à vrai dire c'était plus de voir la tristesse de ma mère qui m'impactais. Jean n'avait jamais fait attention à moi et je ne lui avait adressé la parole qu'à de rares occasions, nous étions comme deux étrangers au sein de notre propre famille.

Haussant les épaules, je débarrassais la table et montais faire ma toilette. L'avantage d'être fille unique résidait dans le fait d'avoir une chambre à moi seule et une salle de bains la plupart du temps vide. Cependant nous n'avions pas d'électricité et chauffer l'eau prenait bien trop longtemps. C'est pourquoi aujourd'hui je me passais simplement un coup de savon sur un gant avant de rincer mon gant à la réserve d'eau froide et de me rincer le corps. Mon dieu c'était glacé ! Mais ça à le mérite de me réveiller.

Je jetais un coup d'œil à ma montre : 7h55. J'allais encore être en retard. A la lumière des bougies, je descendis au rez-de-chaussée pour compter les stocks de nourriture à mettre sur les étagères pour les clients du jour. En l'absence de mon père, c'était à moi de jouer la marchande. Mon père allait régulièrement à Plymouth pour assurer que les stocks de nourritures arrivaient bien jusqu'à chez nous et ma mère avait trop la santé instable pour nous aider sans risquer sa vie. Mais j'aimais ce travail, j'avais des responsabilités et j'étais une personne importante au village qui ne possédais qu'une seule épicerie. J'occupais ce poste depuis maintenant un an, depuis que mon père m'avait reconnue comme apte à l'occuper.

J'ouvris la porte de l'épicerie pour indiquer que c'était ouvert et regardais l'heure : 8h53. Par quel miracle étais-je en avance ? Le jour commençais à se lever et je décidais de souffler la bougie pour économiser la cire. De toute façon, il n'y avait jamais personne avant 10h. Ayant fini ma besogne de rangement, je m'asseyais derrière le comptoir et laissais mes pensées vagabonder vers Luckie, ma chienne tricolore. C'est vraie qu'elle ne passait pas inaperçue, aucun chien à ma connaissance lui ressemblait. Je l'avais trouvée près de la rivière et depuis nous étions inséparable. Elle m'arrivait au genoux, elle avait les poils longs (ce qui avait le don d'exaspérer ma mère lorsqu'elle faisait le ménage), les oreilles et le museau pointus. Mais par dessus tout, ce que j'aimais chez elle, c'était son regard intelligent. Et qu'est-ce qu'on en avait faites, des bêtises...

12h. C'était l'heure de ma pause. N'ayant pas très faim, je décidais d'aller m'asseoir sur un banc près de la mairie. En marchant accompagnée de Luckie, je croisais une amie de longue date.

-Salut Rosie, je vais avec Marie à la rivière tu veux venir ?

-Non merci, je vais dessiner un peu.

-Pas de problème, à plus !

Je lui répondis par un sourire et lui fis signe de la main. En vérité, mon nom était Rose mais tout le monde m'appelais Rosie. Cela m'importait peu, j'aimais bien ce surnom.

Assise devant la mairie, je sortie mon carnet et me mis à dessiner le jardinier à son travail. Il faisait beau et le soleil sur ma peau me permettais de rester dehors en ce jour de décembre. Luckie vint soudain s'allonger sur mes pieds ce qui me fis rigoler.

Une demi-heure plus tard, mon œuvre avait bien avancée quand je remarquais un mouvement à ma droite. Voilà Pierre, qui avait un an de plus que moi qui allait d'un bon pas vers la mairie. Pierre était rentré de la guerre il y a 3 semaines, il était en béquilles mais semblait toutefois en bonne forme. Cette vision m'apportât de la mélancolie. Pierre était le meilleur amis d'Albert, celui dont j'étais amoureuse depuis maintenant 6 ans. Ils étaient partis tous les deux vers le front mais seul Pierre était revenu. Il était encore possible d'espérer puisque son ami semblait joyeux et que certains hommes prenaient plus de temps que d'autres à revenir en Angleterre. Je n'avait pas oser lui demander pour Albert puisque j'étais quasiment sûre qu'il ne savait pas qui j'étais et je ne voulais pas l'embarrasser.

Pierre avait maintenant atteint la mairie il était devant moi, à environ 5 mètres de distance lorsqu'il s'arrêtât brusquement fixant un point devant lui. Je ne pouvais pas voir ce qu'il regardait, même en tournant la tête au maximum vers la gauche ça avait l'air de le chambouler. Soudain des bruits de chevaux au galop retenti et une silhouette apparue.

Je me figeais devant la scène. Albert, sur son cheval Joey, en tenue de soldat venait de débarquer dans mon champs de vision. Stupéfaite je fis tomber mon carnet sur Luckie qui couina de mécontentement. Albert, encore plus beau que dans mon souvenir, sauta de son cheval avant de foncer vers Pierre et de le serrer dans ses bras. Les deux hommes étaient juste en face de moi, se serrant de toutes leurs forces. J'entendis distinctement leurs paroles :

-On y est arrivés Pierre ! On est tous les deux rentrés !

-Oui, on y est arrivés. Comment as tu fais pour Joey ?

-Longue histoire je te la raconterai volontiers ! Ce que le village a changé, il me paraît beaucoup plus petit.

-A moi aussi. Tes yeux vont mieux ?

-Oui, mais foutu gaz, des fois je n'y vois rien même en plein jour. Et toi tes jambes ?

Je remarquais à présent qu'il avait des tâches rouges autour des yeux, signe d'une attaque au gaz qu'il avait vécu. Ils continuèrent à parler avant de repartir ensemble. Cependant, lorsqu'ils passèrent devant moi, Albert tourna la tête et me fis un grand sourire qui me sembla très sincère. J'en restais ébahie pendant quelques minutes. 

*****

NOTE : Chapitre inspiré du film et du roman "Cheval de Guerre"

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