Extrait de La Horde du Contrevent, d’Alain Damasio :
« Il y aurait comme trois dimensions de la vitesse, qui sont aussi celles de la vie. Ou du vent. La première est banale : elle consiste à considérer comme rapide ce qui se déplace vite. Cette vitesse-là est celle des véhicules, des jets d’hélice, d’un slamino. Elle est quantitative, relative à des coordonnées dans l’espace et le temps, elle opère dans un univers supposé continu. Appelons-la, cette vitesse relative, /rapidité/. La seconde dimension de la vitesse, c’est le mouvement, tel qu’il se déploie chez un maître foudre de la trempe d’un Silène justement. Le mouvement — ou le /Mû/ comme ils disent eux — est cette aptitude immédiate, cette disposition foncière à la rupture : rupture d’état, de stratégie, rupture du geste, décalage. Elle est indissociable d’une mobilité intime extrême, de variations incessantes dans la conscience du combattant, du troubadour, du penseur. Exprimé sur le plan éolien, le mouvement, ce serait la bourrasque. À savoir : non plus la quantité d’air écoulée par unité de temps, la vitesse moyenne, mais ce qui distord le flux : aussi bien l’accélération que la turbulence — ce qui le fait /qualitativement/ changer —, /l’inflexion/. Entre un slamino et une stèche par exemple, il n’y a pas de différence de vitesse, mais une vraie différence de mouvement. Sur le plan vital enfin, le mouvement, ce serait la capacité, toujours renouvelée, de devenir autre — cet autre nom de la liberté en acte, sans doute aussi du courage. » (p546)