Je marche souvent dans l'ombre, non par goût du secret, mais parce que la lumière me semble bavarde. On m'observe sans vraiment me comprendre, et cela me convient. Je ne dis que ce qui est nécessaire, laissant mes silences remplir l'espace là où les mots deviennent inutiles. J'ai appris depuis longtemps que l'essentiel ne se montre pas ; il se devine.

Je porte sur moi un calme que beaucoup prennent pour de la distance. En réalité, je vois trop de choses pour parler à la légère. Mes pensées se croisent, s'entremêlent et construisent des labyrinthes où seuls les plus persévérants osent entrer. Je ne donne jamais toutes les clés. Je préfère laisser flotter l'impression d'un mystère à demi ouvert, comme une porte qui grince mais ne s'ouvre jamais tout à fait.

Quand je croise un regard, j'y cherche toujours une vérité, même minuscule. Un frémissement, une hésitation, une faille. Je remarque ce que d'autres ignorent : la tension d'une mâchoire, l'ombre d'un doute, un souffle un peu trop retenu. Peut-être est-ce pour cela qu'on dit que j'ai quelque chose d'insaisissable. Je ne fais pourtant rien pour l'être ; je me contente d'exister ainsi.

Je ne me dévoile qu'en fragments. Un geste, une phrase, parfois un sourire qui ne dure qu'une seconde. Ceux qui y prêtent attention comprennent qu'il y a derrière moi davantage d'histoire que je n'en raconte. Peut-être des blessures, peut-être des secrets, peut-être simplement des choses que je ne veux pas laisser s'échapper.

Je suis présent, mais jamais complètement offert. Je suis proche, mais légèrement en retrait, comme si je gardais une part de moi dans un endroit où personne ne peut atteindre. On dit que cela me donne une aura étrange, une impression qu'il y a toujours un chapitre manquant, une pièce du puzzle cachée quelque part.