Je suis au bord d’une falaise qui ne cesse de s’émietter. Chaque pas, chaque respiration, chaque mouvement peut m’être fatal. Sous mes yeux ? Un puits sans fond, le noir complet, le Néant. Si je tombe, alors je serai voué à supporter éternellement ma chute, sans pouvoir m’accrocher à une pierre suffisamment solide pour remonter, sans pouvoir survivre à ma chute. Et dès l’instant où mon frêle corps touchera ce sol de roche, alors ce sera La Fin. Une fin tant attendue, la victoire de ma vie d’échecs. Ce ne sera pas la fin d’un roman à l’eau de rose qu’on aurait aimé lire pour toujours, mais plutôt la fin d’une histoire pénible à lire, genre lecture cursive en classe de seconde.
Ma vie aura été une succession d’échecs sur laquelle trône une seule réussite, sa fin. Ma vie aura été une succession d’évènements traumatisants, tragiques, épuisants, énervants. Elle n’aura pas été belle, longue et heureuse, elle n’aura pas non plus été bien rangée. J’ai tout ce qu’il ne faut pas avoir, je n’ai rien de ce qu’il faut. On m’applaudit parce que je fais des études qui ne me plaisent pas, on me rabaisse parce que je vais mal et je n’en ai pas le droit. C’est vrai, j’ai tout pour être heureux, si on enlève les traumatismes, le harcèlement, les problèmes familiaux, la précarité ou tout simplement ma santé mentale désastreuse.
Même le Titanic a coulé moins vite que moi. Un mois à la fac et je me pose déjà un ultimatum : partir ou mourir.
Mais si je pars, où irai-je ? Chez Elle, chez un inconnu, dans un hôtel, sous un pont ?
Et si je meurs, où finirai-je ? Dans le néant, tel un puits sans fond ?
Je ne trouve aucune solution, aucun moyen d’aller bien, d’aller mieux. Je me sens juste partir à petit feu, et la seule chose à attendre est qu’enfin je puisse tirer une croix définitive sur cette vie.