Chapter 1

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   "Et si on partait de ce trou perdu?"

   Tournant une mèche entre mes doigts, je pivote la tête vers mon meilleur ami, les sourcils légèrement plissés. Ce dernier était installé confortablement sur le sol du toit de ce lycée merdeux, les mains en arrière de la tête, regardant le ciel, une mine sinistre au visage. Je soupire. Ce n'était pas la première fois qu'il m'exposait ses sombres désirs de quitter cette ville, ou devrais-je dire ce trou perdu, comme il aime tant l'appeler.

   "Tes parents se sont encore disputés" demandais-je en faisant référence aux nombreuses différents qui opposaient les parents de Kuroo, bien que ces derniers semblaient être loin de se décider à divorcer. Il m'avait dit que leurs disputes s'étalaient jusqu'à l'heure où il allait se coucher, se prolongeant des fois pendant la nuit. Il tentait de camoufler le bruit des cris en compressant ses oreillers sur sa tête. C'est comme ça qu'il s'est valu la coiffure unique qu'il arbore, les cheveux pointant dans tous les sens, son œil droit caché par une abondance de cheveux noirs de jais.

   "Ta mère est toujours une sale alcoolo?" me demande-t-il en retour et je roule des yeux, fixant de nouveau le ciel d'un bleu si éclatant que c'était carrément douloureux de le regarder. Ma mère consommait l'alcool de la même façon que je consommais de la nourriture. Elle en abusait et devenait une connasse au moment où ses lèvres touchaient le liquide transparent qu'était la vodka. Ma haine pour elle était tellement évidente que même Kuroo ne prenait pas la peine d'être polie en parlant d'elle.

   "C'est pas la première fois que tu viens me parler de quitter cette ville. À chaque fois, tu reviens le lendemain en faisant comme si de rien n'était" lui indiquais-je et il garde le silence pendant un moment. Dans des élans de colère, Kuroo avait tendance à affirmer vouloir faire quelque chose mais il ne le faisait jamais. Ça ne m'irritait pas particulièrement, j'étais principalement celle qui le ramenait sur terre.

   Approchant ma main de ma bouche, je pris une autre bouffée de ma cigarette avant d'échapper une substance blanche dans l'air. Je sentis quelque chose agripper mon poignet et je perdis l'emprise que j'avais sur la cigarette.

   "Oi! Repasse-moi ça!" m'exclamai-je à l'égard de Kuroo, qui regardait la cigarette comme si elle était un serpent des plus venimeux.

   "Je t'ai déjà dit d'arrêter de consommer ses saloperies! C'est bourré de nicotine! T'as envie de terminer ta vie à 30 ans?" me demande-t-il et je fais un grand mouvement pour reprendre ma cigarette mais Kuroo lance cette dernière du dessus du toit, le tout en restant assis sur le sol.

   "La ferme! J'ai pas besoin que tu me récites le tableau périodique! Je fais ce que je veux de ma vie!"

   Il soupire, un petit sourire nasillard au coin des lèvres. Je me rassis et nous regardons de nouveau le ciel ensemble, comme on aime bien le faire. On venait de sécher un autre cours. On passait l'heure en regardant ce fond bleu, parsemé de cotons blancs adorables. Venir ici était une habitude depuis le début de notre entrée au lycée. Mon habitude de fumer avait été conçu la première fois où j'avais piqué le paquet de cigarettes de ma mère. Aussi sophistiqué qu'il était en science, Kuroo a accueilli cette nouvelle manie avec scepticisme mais en tant que bon ami qu'il était, il a continué à me fréquenter. On se connaissait depuis si longtemps que j'avais arrêté de compter les années. Jamais l'un faisait quelque chose sans l'autre. Nos problèmes, on se les partageait en permanence. On n'a aucun secret pour l'autre.

   Je sens une main délicate toucher ma paume, avant d'enlacer mes doigts. Je pivote ma tête.

   "Qu'est-ce qui te prends tout d'un coup?"

   Je pointe du menton nos doigts entrelacés. Les rapports physiques entre nous n'étaient pas rares. Mon corps lui appartenait et c'était réciproque pour son corps de dieu. Pourtant, quelque chose me disait qu'il avait mis de l'émotion dans ce soudain rapprochement.

   "Quittons cette ville. Toi et moi. Nous deux. Sans personne pour nous faire chier, sans aucun prof pour nous coller des retenues. Seulement toi et moi. Ce serait parfait." me dit-il et j'ouvre grand les yeux. C'était la première fois qu'il me demandait de partir d'ici de cette façon et jamais je ne l'avais vu avec des yeux aussi suppliants de toute ma vie. Il était sérieux. Il voulait réellement partir. Ce n'était plus juste sur un élan de colère.

   L'esquisse d'un sourire vint s'installer sur mes lèvres même si je tenta de le réprimer. Je me lève, m'appuyant sur mes avants-bras. Il fait de même. Nos regards étaient scellés. Kuroo ne quittait pas mes yeux.

   "Et l'école?" me demandais-je et son regard s'assombrit.

   "Rien à foutre!"
   Je savais qu'il venait par cette réponse de me dire qu'il n'en avait rien à faire de son futur ou de la possibilité d'un futur métier, avec une belle famille chaleureuse avec des gosses capricieux et une femme.

   "Nos parents?"

   "Qu'ils aillent se faire enculer! Ta mère sera trop occupée à vider une autre bouteille de vodka et les miens se disputeraient jusqu'à ce que les voisins appellent la police à cause du bruit"

   Sa réponse ironique me fait sourire. Kuroo m'avait déjà appelé une fois, pour me demander s'il pouvait venir dormir chez moi. Il m'avait expliqué avec une certaine irritation que la police était chez lui, à cause d'une plainte des voisins. Bien qu'ils jouaient les anges quand j'étais dans les parages, les parents de Kuroo devenaient des monstres à chaque fois que l'envie de créer une dispute leur venait. C'est à dire tous les jours.

   "Et l'autre pute?" demandais-je en parlant de la chienne qu'était la petite amie de Kuroo. Je ne l'appréciais et c'était de même pour elle. Ses tentatives de nous séparer étaient fréquentes et m'agaçaient. Je n'ai jamais su pourquoi Kuroo la fréquentait.

   "Je suis sûre qu'elle se trouvera quelqu'un d'autre et c'est pas comme si je tenais vraiment à elle" répondit-il et je ressentis une certaine satisfaction à l'entente de ses paroles.

"Et Kenma? Et toute la vie sociale? Et l'équipe de volley? Je te rappelle que t'es le capitaine de l'équipe" demandais-je et je regarde sa réaction de près. Je venais de mentionner les choses auxquels il tenait le plus au monde à part moi. Son meilleur ami, sa passion et ses autres amis. La vie ici avait beau être pénible, je vois mal Kuroo se détacher de tout ça, dans le but de rester seul avec moi.

"On va envoyer des lettres à Kenma. Pour l'équipe de volley, Yaku pourra prendre ma place en tant que capitaine. Ma vie sociale? Tu es le principal morceau de ma vie sociale. Rien ne me rendrait plus heureux que d'être seul avec toi, pour toujours" répondit-il et je sens mon épiderme bouillonner, mon cœur battre plus vite et le rouge me monter aux joues.

Je détourne le regard, honteuse que des mots comme ceux-ci puissent m'atteindre.

"Dans ce cas, c'est d'accord. Partons de cette ville Kuroo. Quittons ce trou perdu"

Kuroo réagit à mes paroles par un large sourire, le sourire que j'aimais tant chez lui. Il s'approche de moi, pose sa main sur ma joue et réduit la distance entre nos deux visages, jusqu'à temps que nos lèvres se touchent. Nos langues n'hésitent pas un instant avant de se rencontrer alors que nos souffles devinrent en un seul instant saccadés et coupés. Je passe mes bras autour de sa nuque alors qu'il pose ses mains sur mes hanches, descendant lentement vers mes cuisses.

   On se retire pour reprendre notre souffle et Kuroo enfouit sa tête dans mon cou, plaçant des petits baisers.

   "Quittons ce trou perdu ensemble, Yumeko"

•••
J'espère que ce chapitre vous a plu.🥰
Mon inspiration vient de la série "end of the f***ing world"

𝖰𝗎𝗂𝗍𝗍𝗈𝗇𝗌 𝖼𝖾 𝗍𝗋𝗈𝗎 𝗉𝖾𝗋𝖽𝗎 [ 𝖪𝗎𝗋𝗈𝗈 𝗑 𝖮𝖼 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant