Acte IV

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— Vous avez entendu ce loup hier soir ?

Oubliant la plus primaire des politesses, j'avais ainsi agressé Vanea à peine sorti de ma chambre. Elle m'adressa un sourire tout en lissant du plat de la main un blouson bleu marine que je connaissais très bien.

— Bonjour Antoine, j'espère que toi aussi tu as bien dormi. Au fait, voilà tes vêtements, propres et secs.

Confus, je baragouinai quelques excuses, mais son expression malicieuse se flétrit alors qu'elle répondait finalement à ma question :

— Oui, je l'ai entendu. Cela faisait longtemps que la présence de ces bêtes n'avait pas été aussi tangible. Il faut croire que cette année est exceptionnelle à de nombreux points de vue.

Génial.

— Et... ça leur arrive d'attaquer les humains ? m'informai-je en priant pour qu'elle rit et me traite de citadin naïf.

— Pas à ma connaissance, fit-elle en secouant la tête. En revanche, on a plusieurs fois retrouvé des dépouilles d'ours tués par une meute aux abords du village.

C'était censé me rassurer ou pas ?

— J'imagine, reprit-elle en tournant vers moi un regard pensif, que tu avais envie de partir aujourd'hui.

Je me grattai longuement la tête, hésitant entre mes résolutions de la veille et ce que je venais d'apprendre.

— Dans l'idéal, oui, mais j'avoue que ça ne me rassure pas trop ces histoires de loups...

Confesser mes peurs ne fera pas de moi quelqu'un de moins viril, pas vrai ?

J'adorais les loups, hein, c'était fascinant ces bestioles... mais de préférence en photo ou en peluche.

— Je comprends, acquiesça Vanea. Moi aussi je serais terrifiée à ta place.

Non mais oh, j'ai jamais dit que j'étais terrifié ! Simplement que mes beaux yeux de ma famille bien-aimée ne valaient peut-être pas que je me risque tout seul dans une forêt infestée de loups.

— Et au fait, ajoutai-je avec une certaine hésitation, un peu avant, j'ai vu quelque chose de bizarre par la fenêtre...

Elle m'adressa un regard interrogateur.

— Je sais pas comment expliquer, repris-je en m'efforçant de ne pas m'emmêler les pinceaux. On aurait dit une flamme qui volait dans l'air.

— Vraiment ? fit-elle en fronçant les sourcils. Et que pense-tu que puisse être une telle chose ?

— Justement, je ne sais pas. Mais je...

— Je n'ai jamais rien vu de tel par ici, je peux te l'assurer, me coupa-t-elle. Peut-être avez-vous mal vu ?

Non mais fallait pas me prendre pour un débile non plus...

Cependant, en réfléchissant à sa question, je la trouvai légitime. Et en fouillant dans mes vagues souvenirs de cette flammèche dans la nuit, je me demandai si je l'avais bel et bien vue ou s'il ne s'était pas agi d'un stupide effet d'optique. C'était possible.

Perplexe, je n'osai pas insister. Vanea avait déposé mon pull et mon blouson sur la table. Maintenant que mes vêtements m'étaient restitués, je n'avais réellement plus de prétexte pour m'attarder. Et puis je ne voulais pas devenir un boulet tout juste capable d'ingurgiter la nourriture qu'on lui proposait avant d'aller somnoler au coin du feu.

De fil en aiguille, je me souviens de la fuite de Nìmis après notre accrochage, et sentit l'angoisse m'envahir. Est-ce qu'il était rentré ? Je fus sur le point de poser la question, sans en trouver le courage. Alors je demeurai silencieux, m'appliquant à lisser mes habits déjà impeccablement pliés, pour tenter de me donner une contenance.

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