chapitre 5

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Dans la fin d'après-midi, le bataillon d'exploration revenait dans l'enceinte des Murs la tête baissée. Ils avaient encore subit bien trop de pertes pour célébrer quoi que ce soit. Mais alors qu'ils avançaient, des villageois se réunissaient afin de les accueillir. Puis, le père de Petra s'avançait vers Livaï.

"Caporal-chef Livaï, je voulais vous remercier de vous occuper de ma fille. Je suis le père de la petite Petra, j'aimerai vous parler d'une chose sans qu'elle ne le sache. La dernière fois qu'on s'était vus, Petra m'avait confié cette lettre. Elle disait que vous comptiez beaucoup pour elle et que c'est pour cette raison qu'elle s'était mise à votre service. Elle est parfois étourdie et irresponsable mais je la comprends, enfin, cela dit j'aimerai avoir des petits enfants. Je pense qu'il est encore un peu tôt pour qu'elle se marie, elle est jeune et a encore un tas de choses à découvrir devant elle. Mais vous me comprenez je suppose, je suis son père après tout." Souriait-il, tenant une lettre.

Livaï demeurait silencieux tandis que son visage plongeait lentement et à vue d'œil dans une obscurité indescriptible. Inna, étant derrière lui, entendait la conversation et se souvenait du passé, notamment des nombreuses heures qu'elles avaient passé à discuter.

Les souvenirs d'Inna:

"Dis-moi Inna, pourquoi as-tu rejoint l'escouade du caporal-chef?" S'interrogeait Petra.
"Et bien, le major Erwin avait confié à Livaï la tache de me former au combat lorsque je venais d'arriver il y'a longtemps. Il a jugé préférable de me garder sous son aile même après ma formation, il a probablement trouvé que nous étions efficaces ensemble. Qu'en est-il de toi?"
"Personnellement, j'ai voulu l'intégrer pour le caporal-chef en lui-même. Ne me prends pas pour une soldate pas très sérieuse! Or, je l'admirais tellement que lorsque l'occasion de rejoindre son escouade s'est offerte à moi je n'ai pas hésité une seule seconde." S'exclamait Petra.
"Dis-moi, ne serais-tu pas amoureuse de Livaï?"
"Moi? Bien sur que non! Ne dis plus de telles choses!" Paniquait-elle.
"D'accord, si tu le dis." Souriait finement la noiraude.

Petra finissait par relever le regard et observer le ciel.

"L'armée, les titans, la mort, et tout le reste; ça ne te fais pas peur, toi? Je veux dire, la perception de la mort est spécifique à chacun, mais n'en as-tu pas peur? Tu me sembles si stoïque, sur le champ de bataille tu n'hésites jamais comme si la mort ne t'effrayais pas. Au contraire, parfois j'ai l'impression que tu la défies, tu m'impressionnes Inna." Expliquait Petra. "Personnellement, je ne veux pas mourir. Je  veux me marier et avoir des enfants. Je veux vivre à leurs côtés une belle, longue et paisible vie."
"La mort, en voila une chose effrayante et fascinante à la fois. Il semblerait que tu aies raison, je n'en ai pas si peur que ça. J'ai rejoins l'armée par envie de donner ma vie, qui n'a aucune valeur en ce bas monde, pour l'humanité. Je n'avais pas le choix, j'étais persuadée qu'une orpheline comme moi était contrainte à se sacrifier pour les autres." Expliquait Inna. "Enfin, je m'égare, navrée."
"Ne t'en fais pas, je suis loin d'être ennuyée! Je pourrai t'écouter parler pendant des heure, j'aime la façon dont tu t'exprimes."

Petra et Inna continuaient à papoter pendant des heures et des heures sans se lasser. Les deux jeunes femmes s'entendaient plutôt bien.

Fin des souvenirs d'Inna:

"Petra, pardonne-moi d'avoir réduis tes espérances et projets à néant." Pensait Inna.

Ensuite, lorsqu'ils rentraient enfin, Inna partait se coucher. Elle n'avait pas la tête à veiller avec Livaï cette fois-ci, elle devait s'isoler et fermer les yeux pour reposer son esprit. Or, le sommeil jurait de ne pas lui venir. Elle se tournait sans cesse dans son lit et ne parvenait pas à trouver le repos. Inna se levait finalement et ses pieds la menaient inconsciemment jusqu'au bureau de Livaï.

"Entre, Inna."

Elle ouvrait la porte et le voyait, assit au bord de la fenêtre, contemplant le paysage nocturne se trouvant à l'extérieur.

"Retournes dormir, il est tard." Disait-il sans décoller le regard de la fenêtre. "Je n'ai pas la tête à parler ce soir, et je suppose que toi non plus."
"Vois les voyez aussi, nos compagnons tombés au front. N'est-ce pas?" Demandait Inna.

Suite à sa demande, le regard de Livaï se faisait surprit, puis il le dirigeait enfin vers elle.

"Oui, je l'es vois. Ils nous entourent sans cesse et scrutent nos moindres gestes. Leur effectif ne fait qu'accroître et le notre diminuer." Répondait Livaï.
"Avant, je ne l'es voyais qu'en ouvrant les yeux. Mais aujourd'hui, dès que je ferme les yeux la mort de mes camarades se répète sans cesse. Le sommeil ne me vient plus et un sentiment de vide me hante constamment. En réalité, je ne sais plus ce que je suis entrain de faire ou à quoi ça rime. Vous le savez, vous? La situation me dépasse de bien trop loin et une partie de moi espérait que vous puissiez comprendre." Se livrait Inna. "Le pire dans cette histoire, c'est bien que je ne me sente pas coupable. Je n'éprouve aucun regret dans mes choix alors qu'ils ont guidé mes camarades vers la mort. Mais ça, je ne peux pas vous en parler et ça me torture l'esprit." Pensait-elle.

Dans son état normal, Inna détesterait se mettre ainsi à nue face à autrui. Tout dévoiler ainsi ne lui ressemble pas. Mais elle doit bien se livrer pour ne pas que sa tête implose, seul Livaï parvenait à la comprendre.

"Je ressentais le besoin de venir vous poser cette question. J'avais l'impression de perdre la tête. Mais apparemment, vous êtes dans le même cas que moi." Constatait Inna. "Merci de m'avoir accordé cet échange, il me permettra peut-être de trouver le sommeil."

Ensuite avant qu'il ne puisse réagir, elle partait se coucher, ou du moins essayer. Mais cette fois-ci, ce fut son chagrin qui prenait le dessus. Inna pleurait, mais non pas pour ses compagnons. En réalité elle se demandait ce qui lui arrivait et qui elle était. Elle ne savait plus différencier le bien du mal et ne comprenait plus rien au sujet de sa situation et son objectif. Elle ne se sentait pas coupable alors qu'elle avait laissé ses compagnons mourir. Elle pleurait donc jusqu'à ce que ses larmes ne sèchent et sans qu'elle n'ait le temps de le réaliser, la fatigue eut raison d'elle et elle s'endormait. Peu après, une personne vint toquer à sa porte.

"Inna, c'est moi." Disait Livai sans avoir de réponse. "Écoutes, peut-être que te renvoyer dans ta chambre lors d'une telle situation n'était pas la meilleure chose à faire. Tu m'en veux d'avoir ignoré tes sentiments, c'est ça?" S'interrogeait-il, agacé.

Mais il n'obtenait aucune réponse et finissait par entrer, irrité. Il la voyait alors dormir profondément. Il s'approchait d'elle et apercevait ses joues irritées par ses larmes, il apercevait son oreiller trempé et comprenait la situation. Livaï prenait place sur une chaise, à son chevet, puis l'observait longuement. Il repoussait ensuite l'une de ses mèche de cheveux.

"Toucher ainsi le visage d'autrui est répugnant. Pourtant, avec elle je n'ai pas ressenti de dégoût. Enfin, passons. Ce genre de futilité m'importe peu. J'aimerai plutôt savoir, pourquoi est-ce elle en particulier qui a survécu? Je lui ai apprit à se battre, à faire le ménage, je lui ai aussi inculqué les bonnes manières lorsqu'elle n'était qu'une nouvelle recrue. Étant orpheline, personne ne lui a rien apprit, elle a grandit de par ses propres moyens. Ce fut à moi de m'en occuper. Elle me haïssait, elle nous détestait tous au début mais me vouait une haine plus profonde. Petit à petit, elle a commencé a me vouer le respect qu'elle me devait. Mais j'ai le sentiment qu'elle me hait toujours, je n'arrive pas à lire en elle. Comment se fait-il que parmi toute mon escouade, Inna ait survécu? Le destin est-il contre ou avec moi? M'enlever mon escouade mais me laisser le second que j'ai façonné, est-ce là une bénédiction ou une malédiction? Tout ça me dépasse. Pensait Livaï dans un lourd soupir.

Dans un silence ou Inna se reposait, Livaï la regardait faire avant de suivre son exemple. Il fermait les yeux et s'endormait a son tours sur la chaise, à son chevet. Lui qui ne dormait quasiment pas, pour une fois qu'il avait de la compagnie il voulait dormir aussi profondément qu'Inna, afin d'aussi reposer son esprit étant déjà assez torturé.

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𝐄𝐧 𝐪𝐮𝐞̂𝐭𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐢𝐛𝐞𝐫𝐭𝐞́ [𝐋𝐢𝐯𝐚𝐢 𝐱 𝐎𝐜]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant