chapitre 34

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Zain finissait par perdre patience, les veines de son front enflaient à vue d'œil tandis que sa mâchoire se crispait.

"Où est-il?"
"Je ne le sais pas."

Inna voulait passer près de lui et s'en aller, mais il lui rattrapait fermement le poignet, si fermement que son étreinte immobilisait Inna. Sa peau commençait à virer au violet tandis qu'elle grimaçait de douleur. Décidément, lui et Sakin avaient une poigne remarquable, c'est de famille.

"Tu me fais mal, laisse moi partir."
"Ne me forces pas à employer la force."

Inna le repoussait, mais avant cela récupérait le pistolet attaché à sa ceinture.

"Ne fais pas ce que tu pourrais regretter."

Inna fronçait les sourcils avant de lui tirer dans la cuisse. Il déposait un genou à terre et grognait de douleur, elle pensait s'en sortir mais il commençait à lentement tituber vers elle. Elle prenait alors peur et regardait autour d'elle. La noiraude se ruait subitement sur la fenêtre d'une maison, donnant sur la ruelle où ils étaient. Elle brisait la fenêtre et pénétrait la maison. Une famille étant entrain de déjeuner regardait la scène avec des gros yeux, immobiles, de stupéfaction.

"Navrée du dérangement!"

Inna fonçait vers la porte de sortie et s'échappait sous leurs regards encore incrédules, ne réalisant toujours pas la situation. Mais suite aux bouts de verres brisés de la fenêtre, Inna était couverte d'écorchures un peu partout. Elle voyait enfin la lumière du jour et partait à la recherche de ses amis.
Mais soudain, un vieil homme l'attrapait par les cheveux et, étant sur la place publique, il faisait une scène.

"Voyez-vous ça? Notre ancienne héroïne est revenue se payer notre tête il semblerait."
"Lâchez-moi." Répondait Inna.

Elle se défaisait de son emprise mais les villageois les entouraient bien rapidement. Face à tout ce beau monde, Inna se relevait tandis qu'ils la fusillaient du regard. Puis soudain, une vieille femme lui jetait brusquement une tomate alors qu'elle n'avait pas encore prononcé le moindre mot. Un geste animé par une haine qu'Inna ne comprenait toujours pas, malgré ses efforts.

"Tu es la honte de ce pays!"

Une jeune femme la suivait bien vite.

"Rentres chez toi, tu n'es qu'une étrangère!"

Les autres villageoises les suivaient et jetaient sur Inna toute sorte d'objets se trouvant devant eux. Celle-ci ne réagissait pas, elle encaissait leur haine sans répondre. Elle cherchait désespérément un regard animé par autre chose que de la cruauté parmi les Mahr mais ne croisait que mépris et dégoût.
Or, lorsqu'elle avait perdu tout espoir, un jeune enfant s'avançait depuis la foule.

"C'eT toi? Tu es la dame de mon livre?" S'interrogeait-il de sa petite voix.

Sur Mahr, de nombreux livres contaient l'histoire d'Inna qui, autrefois, était considérée comme l'héroïne de son pays. Celle-ci se baissait à son niveau tandis qu'il s'avançait lentement.

"Tu es mon idole." Ajoutait-il.

Elle écarquillait les yeux suite à ses dires. En ce monde injuste elle trouvait enfin une source de pureté et d'innocence, venant d'un enfant ne connaissant encore rien à la cruauté de son monde. Il s'avançait davantage vers Inna et elle tendait ses mains vers lui d'un regard encore écarquillé de stupéfaction. Inna n'en revenait pas, un Mahr, aussi jeune soit-il, avait fait preuve de gentillesse envers elle.
Il s'avançait vers elle mais avant d'atteindre son étreinte, son père vint violemment le récupérer. Inna se relevait aussitôt, ramenée à la cruelle réalité lorsqu'elle commençait enfin à l'oublier. Elle retrouvait son regard terne tandis que la mère du jeune garçon accourait vers Inna afin d'enfin la gifler. Le soufflet raisonna dans un bruit sourd et suite à la violence du geste la tête d'Inna demeurait tournée sur le côté.
Au même instant, le bataillon d'exploration arrivait en trombe. Voyant la situation, le sang de Livaï ne faisait qu'un tour.

"Voilà ce qui arrive a force d'accorder trop d'importance à ces vermines, je vais la remettre à sa place." S'agaçait-il.

Lui et ses camarades étaient sur le point de réagir. Or, Hansi les arrêtait fermement.

"N'interrompez pas cet instant. Inna devait tôt ou tard écouter ce que les Mahr avaient à lui dire et reprocher. Inutile de fuir la réalité plus longtemps, ce moment à été assez retardé comme ça." Les interrompait le major.

Inna dirigeait enfin son regard vers la jeune femme et celle-ci prenait peur, elle reculait d'un pas rien qu'en croisant le regard intense d'Inna. Puis, elle fronçait subitement les sourcils et la giflait de nouveau.

"Pourquoi tu ne meurs pas? Combien de fois vais-je devoir te frapper?" Hurlait-elle de frayeur. "Je ne te laisserai pas approcher de mon fils, espèce de monstre!"

Les villageois derrière la jeune femme se mettaient à la défendre et traiter Inna de tous les noms. Pendant ce temps, celle-ci ne trouvait aucun mot reflétant ses pensées et gardait donc le silence. Toutefois, malgré son silence, elle ne pouvait s'empêcher d'en avoir lourd sur le coeur. Elle se mettait alors à penser, penser des mots qu'elle ne pouvait que garder pour elle car étant trop douloureux à prononcer. Les dire à voix haute lui briserait le coeur en mille morceaux.

"C'est de ma faute." Pensait Inna. "J'ai sacrifié mon passé, mon présent et mon avenir autrefois. Lorsque je n'étais qu'une enfant et que je n'avais même pas encore perdu toutes mes dents de lait, j'ai été envoyée seule sur une terre inconnue et étant apparemment peuplée de par des demons. Afin de les infiltrer et tâter le terrain. Mais je n'avais pas hésité, pas une seule fois, pour ma grand-mère. On m'a juré de lui assurer la sécurité si j'obéissais. Cependant, j'aurais aimé être seule à partir, je ne l'étais pas. Ma frayeur me suivait à chaque instant et était seule à me porter compagnie, elle m'entourait à chaque instant et ne m'a jamais quitté. Mais alors que je suis parvenue à goûter au bonheur, que je me suis faite des amis, un amant et une famille, moi qui n'avait que ma grand-mère; on me le reproche. Ma vie ne sert-elle donc qu'à rendre celle des autres meilleure? J'ai été donc si bête, bête de penser que moi aussi je pouvais être heureuse. Ils ne me voient pas, pour eux je n'existe pas. Je ne suis qu'un nom pour se rassurer, me savoir sur une terre inconnue entrain de sacrifier ma vie pour leur assurer la sécurité les rassurait. Mais au fond, ils n'en avaient que faire de moi. J'ai été si stupide, stupide de vouloir à mon tours vivre comme eux. Ma grand mère me répétait pourtant sans cesse que j'étais différente, aujourd'hui je le constate de mes yeux. Toutefois, il m'est donné de voir que cette différence ne me sera pas que bénéfique." Pensait-elle encore.

Lors de son monologue interne, les villageois se figeaient sur place. La jeune femme face à elle se pétrifiait et en perdait ses mots.

"Elle... Elle pleure."

Inna pleurait. Immobile et silencieuse, elle ne prononçait pas le moindre mot mais son regard intense ainsi que ses larmes, vinrent les figer. Elle fixait chacun d'entre eux sans pouvoir parler, son regard suffisait à répondre à leurs accusations et faisait taire l'entièreté des villageois. Un silence pesant prenait possession de la place.
Ensuite, toujours silencieusement, Inna finissait par détourner le regard et se mettre en chemin sous leurs regards ébahis. Le bataillon la suivait tout aussi silencieusement. Personne ne pouvait ne serait-ce que commenter leur soudain départ. Le bataillon prenait un bateau et se mettait en route vers Paradis, dans le silence. Personne n'osait parler, laissant Inna se reposer.
Celle-ci, plongée dans ses pensées, essuyait ses larmes et s'isolait afin de retrouver la solitude dont elle avait besoin. Elle avait tellement baignée dans la solitude étant plus jeune, et donc lorsqu'elle avait le plus besoin de réconfort, qu'inconsciemment la solitude était devenue la seule chose pouvant désormais la réconforter.

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𝐄𝐧 𝐪𝐮𝐞̂𝐭𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐢𝐛𝐞𝐫𝐭𝐞́ [𝐋𝐢𝐯𝐚𝐢 𝐱 𝐎𝐜]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant