𝐀 𝐁𝐀𝐓 𝐋𝐀 𝐑𝐄𝐈𝐍𝐄 ! ⋯ ʰʸᵘⁿˡᶦˣˢᵘⁿᵍ 🪐

3

- le désespoir -

*

**

« C'est... vraiment terrible ce qui arrive... »

Jisung garda les poings serrés tandis que Felix avait posé sa main sur son épaule. Les parents de Jisung avaient été faits prisonniers et le jeune garçon ne savait pas qui avait bien pu les dénoncer. Ses parents ne disaient jamais rien à personne. Dire à quiconque qu'ils faisaient partie des rebelles, cela revenait à faire prendre une immense prise de risques. Jisung était le mieux placé pour savoir : un de ses camarades de classe avait été exécuté avec ses parents, les pieds attachés à des poids et la famille jetée à l'eau sans espoir de s'en sortir vivants. Jeongin avait été surpris au lycée pendant un cours où il se changeait afin de pratiquer la maîtrise de l'épée. Tout s'était enchaîné très vite : les camarades l'avaient dénoncé sans le moindre remord. Jisung aurait tellement aimé le défendre, malheureusement, c'était impossible. Il aurait été trop suspect et aurait probablement été jeté en prison par la suite. Quand le jugement tombait, c'était chacun pour sa peau, peu importe qu'ils appartiennent au même camp : dénoncer les siens, c'était une haute trahison que les rebelles ne pouvaient pas se permettre. Les pertes auraient été trop nombreuses.

Jisung adressa un regard noir au portrait au-dessus de la cheminée qui représentait le visage de la Reine en bronze.

« Quand ce sera Sabbat, tous ces nobles paieront. Je le jure. »

Jisung eut à peine le temps de pousser un juron que des coups s'abattirent sur la porte d'entrée.

« LIVRAISON DE LA PART DE LA REINE. OUVREZ S'IL VOUS PLAÎT. »

Felix fronça les sourcils d'incompréhension. Jisung se leva de sa chaise, la mine assombrie mais rassure Felix d'un sourire.

« C'est une livraison qui vient tous les six mois. La seule fois où la Reine peut être clémente avec ses sujets.

- Mais Jisung... »

La main de Felix resta en suspens dans l'air. Son ami s'était déjà dirigé vers la porte et l'avait ouverte. Deux soldats vêtus de grand manteau noir et rouge se tenaient devant le seuil de la maison, une fraise en dentelle blanche faisant le tour de leur cou. C'était des soldats de la garde rapprochée de la Reine Acedia. L'un d'eux tenait un gros panier en osier par l'anse, la nourriture à l'intérieur était cachée par un drap blanc en tissu précieux.

« La reine vous sera reconnaissante, dirent les deux soldats simultanément, habitués à répéter la même chose de maison en maison.

- Je la remercie de plein cœur, mentit Jisung, dégoûté en son for intérieur.

- Ayez une bonne soirée. »

Sur ces derniers mots, les soldats donnèrent la livraison de la Reine, reculèrent et reprirent leur calèche. Les trots de chevaux s'évanouirent un peu plus loin. Jisung rentra dans la maison, fermant à clé la porte derrière lui et son regard était plus assombrit que jamais. Jisung posa le panier en osier sur la table du salon, enlevant délicatement le drap blanc posé sur le panier. Felix baissa les yeux. L'odeur qui émanait de la livraison était certes alléchante, mais Felix se sentait encore secouée par les récents événements. Elle entendait encore les cris d'agonie dans les flammes à ses oreilles.

« Tu veux du pain ?

- Non, désolée, je n'ai pas très faim.

- Je comprends... Je vais manger seul, ce n'est pas grave. Tu n'y vois pas d'inconvénient ?

- Non, ne t'inquiète pas. Je vais bientôt partir au dortoir, c'est bientôt l'heure du couvre-feu en plus.

- Tu sais que tu peux rester dormir ici Felix.

- Je ne peux pas...

- Je ne te retiendrai pas alors. Je dois reprendre des forces et prier pour que mes parents s'en sortent... Même si l'espoir est mince. (Des perles salées s'amoncelaient dans les yeux de Jisung.) Tu ne m'abandonneras pas hein, Felix ?

- Non, bien sûr que non Jisung. Je resterai avec toi. »

*

Felix sentait que son cœur allait exploser, sa respiration saccadée n'arrangeait rien et il semblait que le poids de Jisung, un bras autour de son cou, s'alourdissait au fur et à mesure que Felix mettait un pied l'un devant l'autre. Ses cheveux blond platine se collaient dans sa nuque et sur son front à cause de la sueur. Cela faisait plusieurs minutes qu'elle courait. L'effort était insupportable, d'autant plus que le stress s'ajoutait à son affolement. Felix fit un dernier effort, les jambes prêtes à lâcher, les bras tremblants et les poumons compressés, et martela une porte avec les dernières forces qui lui restaient. Felix posa une main sur sa poitrine, elle hyperventilait à présent.
La porte s'ouvrit dans la précipitation, laissant voir Hyunjin en tenue du soir, ses parents juste derrière lui.

« Felix ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-il arrivé à Jisung ?!

- I-il... il faut le soigner... Il a de la fièvre... et il n'arrête pas de trembler... ! A-aide-le, s'il te plaît... »

Jisung venait de s'évanouir et Hyunjin le rattrapa in-extremis, Felix était à bout de forces.

Ils allongèrent Jisung dans un lit libre de la maison, une serviette mouillée sur le front. Les parents se tenaient à leurs côté. La mère avait écrasé des plantes dans un pot et y ajouta un fond d'eau.

« Tu as bien fait de l'emmener ici Felix. Il guérira lentement, c'est sûr, mais il doit absolument avoir du repos. »

Felix s'était assise sur une chaise, les mains cachant son visage, et Hyunjin lui frottait le dos pour la rassurer.

« J'avais trouvé ça étrange la livraison de la Reine, fit remarquer le père, adossé contre un des murs de la chambre. D'ordinaire, elles ne se font que très peu chez les nobles. Nous n'avons pas touché une miette de la nourriture et fort heureusement. Mais, suite à l'emprisonnement des parents, je ne pense pas que la Reine soit dupe, malgré tout ce que l'on pourrait dire sur Jisung pour l'innocenter. Les gardes ont dû recevoir l'ordre de le tuer proprement et de manière naturelle si l'on pourrait dire.

- Qu'est-ce que vous voulez dire... par là ? »

Une fois la mixture verte et un peu solide que la mère de Hyunjin confectionnait, elle la fit couler dans un verre et fit boire le liquide au jeune malade qui tira faiblement une mine répugnée par le goût de la mixture. Le père patienta quelques instants avant de répondre à Felix :

« Il a été empoisonné. »