01 - ame signifie pluie

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    Ses prunelles ocre se posèrent sur le rouquin qui lui tournait le dos. Son cœur se serra dans sa poitrine et elle avança d'un pas, prenant garde de rester dans l'ombre, à une distance raisonnable du garçon qui observait la ville subissant les larmes incessantes du ciel. 

Vêtue de leur habituel manteau noir aux nuages rouges, elle observait ce garçon qui ne lui avait pas décrocher un seul regard. Et c'était peut-être mieux ainsi, c'était plus facile. Elle préférait l'observer de loin, quand il lui tournait le dos. C'était le seul moment où elle avait l'impression qu'il était toujours à ses côtés.

Mais ce moment de quiétude, rythmé par le martellement de la pluie sur la ville, se brisa lorsqu'il tourna la tête. Cachée dans l'ombre, Konan espérait qu'il ne voit pas sa mâchoire qui s'était serrée, ses yeux qui s'étaient assombris l'espace de quelques secondes. Son visage tressaillit alors que celui de son ancien amant, blafard, traversé de multiples barres de fer, se tourna vers elle. 

Face à lui, Konan ne pouvait que réaliser la triste vérité. Yahiko était parti. Le visage face à elle n'avait plus rien du faciès rieur du rouquin avec lequel elle avait grandi. Les barres de fer qui traversaient son nez et ses oreilles lui retournèrent l'estomac. Elle baissa les yeux vers les deux piercings sous sa lèvre inférieure autrefois si douce. Incapable de soutenir les Rinnegans du cadavre articulé, elle tourna le regard vers l'extérieur, plongeant son désespoir dans la contemplation de cette pluie éternelle. 

Konan se sentait prisonnière du temps, condamnée à observer le visage inchangé depuis une vingtaine d'années de Yahiko. Alors qu'elle vieillissait et avait franchi la trentaine, lui n'avait pas changé d'un iota excepté ses yeux de malheur et les barres de fer. Il gardait ses traits adolescents, mais plus rien en lui n'avait d'adolescent. 

— La capture des bijûs avance ? questionna Pain. 

Elle hocha la tête, ses iris ocre toujours fixés sur les gouttes de pluie. Le garçon qui lui parlait n'était pas Yahiko, ce n'était plus lui. 

— Hidan et Kakuzu se dirigent vers Konoha, répondit-elle machinalement.

Ce fut au tour du chef de l'Akatsuki de hocher la tête avant de la quitter du regard. Ne sentant plus la pression des Rinnegans sur elle, Konan put reprendre une respiration normale. Elle recula d'un pas s'enfonçant encore plus dans l'ombre alors que Pain ramenait sa jambe droite contre lui. Perché sur le bord du gratte-ciel, il observait la ville grise de toute sa hauteur. Les tours s'enchaînaient les unes et les autres de diverses formes et hauteurs. 

N'importe qui aurait pu le croire pensif, mais il ne l'était pas vraiment. Il observait juste, alors que les différentes étapes du plan qu'il avait créé se succédaient en boucle dans sa mémoire, dans la mémoire de Nagato.

C'était lui à qui elle parlait, qu'elle observait. Ce n'était plus Yahiko.

— Le devoir m'appelle, je dois y aller, souffla-t-elle.

Et sans même qu'il ait le temps d'acquiescer, elle s'évapora en une pluie de papiers immaculés. Elle voleta jusqu'en bas de la tour et partie se réfugier sous un perron. Sa chevelure violette vint voleter autour de son visage pâle tandis qu'elle cognait furieusement son poing contre le mur.

Ses dents blanches étaient serrées, fermement scellées, comme pour empêcher les émotions de sortir. Elle devait rester digne, ne pas céder aux cris et aux larmes. Et puis elle était trop vieille pour ça.

Mais pourquoi après vingt ans, elle n'était toujours pas passée outre ? Pourquoi n'avait-elle pas réussi à faire son deuil comme une personne normale ? Il était parti, elle le savait mieux que personne pourtant. Elle l'avait vu, elle avait vu la personne qu'elle aimait lui être arrachée sous ses yeux.

Konan desserra la mâchoire pour laisser échapper un soupir de frustration et de fatigue. Le visage rieur de Yahiko se dessina dans sa mémoire et elle le balaya d'un revers de manche, le cœur gros. Sa main vint réajuster la fleur en origami qui décorait ses cheveux fins. Elle ne devait pas flancher, Nagato avait encore besoin d'elle. 

Deux ailes faites de papier se dessinèrent dans son dos, ses ailes qui lui avaient valu le nom d'Ange de Dieu. Sans perdre une seconde, elle s'envola sous la pluie battante du village d'Ame, enfouissant au plus profond d'elle-même toutes ses douleurs. 

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LES PLEURS DU CIEL ¦ yahikonanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant