-Tu devrais vraiment arrêter ce job.
Lexie observait Cheryl traverser l'appartement dans tous les sens pour attraper tout ce dont elle avait besoin. Elle portait un ensemble tailleur avec une jupe crayon. Chemise blanche, veste et jupe noires. Elle avait ondulé ses cheveux et s'était maquillée convenablement.
-Tu es bien trop jolie pour passer ton temps dans un hôpital.
Cheryl attrapa sa malette avec les dossiers de ses patients en haussant ses sourcils.
-Les métiers n'ont pas de profils.
-C'est un mensonge.
Cheryl fit une moue enfantine avant de passer ses escarpins noir à ses pieds.
-Ne sois pas aussi préoccupée par mon métier. J'adore ce que je fais.
-Tu savais qu'il y a des études qui prouvent qu'un certains nombre de patients tentent de retrouver leurs médecins à leur sortie?
Cheryl haussa les épaules.
-Ce n'est pas un problème puisque je décide moi-même de continuer à les suivre depuis mon cabinet personnel.
-Sérieusement, Cheryl... tu pourrais être mannequin.
-Mais j'ai choisi autre chose.
-Il y a beaucoup de risques, surtout pour toi.
Elle se dirigea vers la porte.
-Il me semble que nous avons déjà eu cette conversation, non?
-Oui mais...
-Et ça va se terminer comme à chaque fois.
Elle ouvrit la porte et passa avant de se retourner vers son amie.
-Je ne changerai pas d'avis Lexie. C'est peine perdue. On se retrouve ce soir, je t'aime.
Elle lui envoya un baiser que Lexie fit mine de repousser avec une moue de dégoût.
-Fais attention à toi surtout!
Cheryl avait déjà fermé la porte.
Elle descendit les marches des escaliers au lieu de prendre l'ascensseur. Elles étaient seulement au troisième étages, et temps que ses chaussures ne lui faisaient pas mal, elle préférait marcher.
Elle attrapa un taxi et se jura d'acheter une voiture à la fin de l'année. Elle en avait de plus en plus marre de devoir faire les déplacements en transports en commun. Elle était de plus en plus inquiète lorsqu'il était trop tôt ou trop tard. Elle prenait le taxi tous les jours, et cela commençait à lui coûter très cher.
Elle arriva à l'hôpital après une demi-heure de route.
Dawn Valley était un hôpital comme les autres. Il n'avait pas l'air d'être psychiatrique au premier abord. C'était en passant au travers de l'allée en direction de l'entrée qu'on se rendait compte qu'il y avait des barreaux aux fenêtres et que la cour de promenade était grillagée. Quelques patients avaient le droit de se promener dans les jardins non cloturés, mais c'était pour les moins malades.
Elle entra et présenta son badge à l'entrée. Elle passa un portique de sécurité et traça tout droit en direction de la salle commune pour mettre son repas au frais et boire un café avant de repartir.
Sa première consultation allait débuté dans moins de dix minutes, et elle devait toujours arriver après le patient. Elle traversa les couloirs et repéra chacune des caméras et les issues de secours. Elle connaissait déjà les plans de l'hôpital par coeur. Si elle devait s'enfuir en courant un jour, elle saurait exactement par où passer.
Elle arriva devant le couloir sécurisé par deux portails fermés à clé et elle présenta son badge à chaque agent de sécurité qu'elle rencontra sur la route. Ils la connaissaient tous très bien. Elle était déjà là depuis plus de six mois, mais c'était écrit dans le protocole et elle tenait à ne faire aucune erreur.
Elle acheta une barre chocolatée à un distributeur et se présenta à la porte blanche qui devait la mener à sa patiente.
Elle attendit devant la porte, prenant une inspiration, et poussa la porte avec un grand sourire.
-Bonjour Sofia, comment allez-vous?
Sofia Torres lui rendit son sourire alors que la porte se refermait derrière elle. Il n'y avait pas de caméras dans les salles de consultations. Ils ne devaient pas mettre les patients mal à l'aise. Elle attrapa la chaise rembourrée qui lui était consacrée et s'assit en face de la jeune femme qui avait tout juste vingt-trois ans.
Elle ouvrit son dossier, comme à chaque fois, mais elle la connaissait déjà par coeur.
Sofia Torres était d'origine hyspanique. Elle avait le teint mat, des cheveux volumineux et noirs de jaie. Elle était atteinte de troubles bipolaires mais ses phases dépressives étaient de moins en moins fréquentes. Cheryl parlait très peu de sa maladie par rapport au début de leurs rencontres. Elle préférait se concentrer sur la vie de Sofia qui était toujours très heureuse de pouvoir en parler.
-Comment allez-vous depuis la dernière fois?
La jeune femme haussa les épaules. Elle passait son temps à mordre l'intérieur de ses joues, mais c'était une bonne chose. Il y avait moins d'un an, elle passait son temps à se mordre la langue, parfois même jusqu'à ce qu'ils soient obligés de l'évacuer en urgences.
-Je vais bien... j'ai une nouvelle amie!
-C'est une très bonne nouvelle!
Elle hocha la tête et Cheryl lui tendit la barre chocolatée. Les yeux de Sofia s'écarquillèrent.
-C'est pour moi?
-Je n'ai pas le droit normalement, mais c'est notre secret.
Sofia attrapa la barre en hochant la tête.
-Merci beaucoup!
Sofia laissa le silence retomber le temps d'ouvrir le papier de sa barre et d'en croquer un bout. Après avoir avalé, elle demanda:
-Vous avez pu rencontrer le directeur? Vous a-t-il indiqué quand je pourrais sortir?
Cheryl fit la moue en secouant la tête.
-Malheureusement, nous n'avons pas encore de date pour vous. Mais je vais insister auprès de lui. Vous avez fait beaucoup de progrès. Vous méritez votre liberté.
Sofia se mit à sourire.
-Je sais que je ne suis pas toujours facile à vivre, mais je m'améliore, je peux le voir moi aussi.
Cheryl lui posa quelques questions sur elle avant de quitter la pièce, emmenant le papier de chocolat avec elle pour que Sofia ne soit pas prise pour une voleuse.
Elle traversa l'hôpital pour regagner la salle de repos. Elle avait d'autres patients à voir dans la matinée, mais elle n'avait pas la même relation avec eux qu'avec Sofia. Elle avait fini par s'attacher à elle. Elle était plus jeune qu'elle, et elle n'avait pas eu une enfance facile. Cheryl aurait très bien pu être à sa place, et c'était pour cette raison qu'elle en prenait encore plus soin.
-Oh, mais qui voilà?
Elle frissonna en entendant la voix grinçante de Jordan Bailey. C'était son collègue depuis son arrivée, mais elle avait du mal à rester neutre en sa présence. Elle attrapa sa tasse de café et soupira:
-Bonjour Jordan.
-Comment vas-tu?
Elle se tourna vers lui, appuyant ses fesses au comptoir de la salle de pause.
-Je vais très bien, merci.
-Tu as une petite mine.
Il attrapa une tasse à son tour et se pencha vers elle. D'instinct, elle recula la tête.
Il avait des cheveux blonds un peu cendrés, des yeux gris rieurs et aucun poil ne dépassait sur ses joues parfaitement rasée à blanc.
-J'ai fêté mon anniversaire ce week-end, j'ai été un peu occupée.
Il haussa un sourcil et la renifla, lui donnant envie de vomir.
-Tu ne sens pas le sexe. Tu ne t'es pas vraiment amusée, n'est-ce pas?
Elle secoua la tête.
-Ce ne sont pas tes affaires. Et il existe tout un tas d'autres manières de s'amuser, Jordan.
Il grimaça comme si l'idée de ne pas coucher avec quelqu'un pendant une soirée le dégoûtait.
-Peu importe. Tu es appellée par Warren.
Elle se redressa d'un coup.
-Quoi?
-Le directeur veut te voir dans son bureau. J'espère que tu n'as pas fais de bêtises.
Il lui fit un clin d'oeil alors qu'elle posait sa tasse dans l'évier après avoir avalé la dernière gorgée et qu'elle repartait dans les couloirs blancs pour rejoindre le bureau du directeur.
Elle toqua deux fois à la porte et elle entendit la voix rauque de Warren lui dire d'entrer.
Elle passa la porte et referma derrière elle.
-Bonjour monsieur Hill. Vous m'avez fait appeler?
Il hocha la tête et passa sa main dans ses cheveux poivre et sel.
-Je voulais m'entretenir avec vous, oui.
Il lui désigna la chaise en face de son bureau et elle se râcla la gorge. L'entretien n'allait pas durer qu'une minute, ou il ne lui aurait jamais demandé de s'asseoir.
Il tapota quelque chose sur son clavier avant de s'écarter de son ordinateur et d'entremêler ses doigts entre eux avant de poser ses mains sur son ventre rebondit.
-Vous faîtes un excellent travail depuis votre arrivée mademoiselle Taylor. Vous faîtes preuve de beaucoup de professionnalisme, mais faîtes bien attention à ne pas vous lier d'amitié avec vos patients. Je peux voir que Sofia Torres vous apprécie beaucoup, elle a refusé de changer de psy.
Cheryl haussa un sourcil avant de pencher la tête sur le côté.
-Pourquoi devrait-elle changer de psy?
-Nous voulions libérer l'un de vos créneaux horaires dans la semaine pour un nouveau patient.
Cheryl se redressa un peu.
-Un nouveau patient? Je ne savais pas que nous avions un nouveau patient dans l'hôpital.
Warren secoua la tête avant de glisser un dossier sur le bureau.
-Il s'agit d'un patient qui est là depuis déjà plus de deux ans. Il arrive en fin de traitement, mais... tous ses psy abandonnent la tâche. Nous avons besoin de vous.
Elle se sentit un peu vexée par la remarque.
-Vous êtes en train de dire que ce n'est pas pour mes talents qu'on me demande, mais parce que je suis la dernière à ne pas l'avoir consulté?
Le directeur fit une moue.
-Je ne doute pas un instant de vos capacités. Mais il est vrai que vous êtes la dernière arrivée, je ne voulais pas vous donner un dossier aussi difficile dés le début. J'aurais eu bien trop peur de vous faire fuir.
-Me faire peur?
Warren lui montra le dossier et elle ouvrit la première page. Elle resta un instant perturbée par la photo d'identité de l'homme en question. Si les anges avaient existé, il en aurait été un. Cheryl n'avait jamais vu un homme d'une telle beauté. Elle se râcla la gorge pour masquer sa surprise et tourna la première page, tentant d'oublier ce qu'elle venait de voir.
Elle resta un instant immobile à la lecture de ce dossier des moins banals. Elle reposa alors les documents et inspira à fond.
-Vous pouvez m'expliquer ce qu'il fait dans ce genre d'établissement? Il devrait être en prison. Et vous venez de me dire qu'il va bientôt être libéré?
Warren serra les dents nerveusement.
-Il a un très bon avocat. Chacun de ses délits a été mis sur le dos de sa maladie... vous savez, il souffre de...
-Je sais ce que c'est que l'héboïdophrénie, monsieur Hill. J'ai étudié tous les cas de schyzophrénie.
-Celui-ci est un peu plus... dangereux... que tout ceux que vous avez eu jusqu'à maintenant.
-Je me doute.
Elle croisa les bras sur sa poitrine et joua de son regard accusateur. Warren se tortilla un peu sur sa chaise, et elle décida qu'il était temps de le laisser tranquille. Après tout, c'était lui le patron.
Elle se leva en soupirant et lissa sa jupe crayon de la main.
-Très bien. J'imagine que ni vous, ni moi, n'avez le choix, alors autant le faire avec le sourire. Quand est-ce que je commence?
-Demain.
Elle se mordit la lèvre inférieure avant de répéter:
-Demain? Je n'ai que cette nuit pour étudier son cas?
-Nous n'avons pas plus de temps malheureusement. Nous devons faire vite, ou il aura raté bien trop de scéances, et tout va retomber sur nous.
Elle regarda vers la gauche, observant les tableaux étranges accrochés aux murs du bureau.
-Très bien.
Elle attrapa le dossier et le mit dans sa malette avant de lui sourire.
-Je vais aller de ce pas me préparer. Je vous demanderai au moins de m'envoyer mon nouvel emploi du temps par mail.
Warren hocha la tête. Il n'avait pas le choix.
Elle se rendit à sa prochaine rencontre et resta concentrée sur son travail jusqu'à la fin de la journée. Il y avait bien quelque chose qui la perturbait. Elle se souvenait du visage de son nouveau patient. Ce regard perturbant. Elle n'avait pas encore lu assez de lignes sur son dossier pour totalement comprendre les raisons de ses actes. Tout ce qu'il avait fait, c'était sans doute bel et bien lié à sa maladie, mais il avait l'air d'avoir fait tant de mauvaises choses.
Elle espérait ne pas avoir à en parler avec Lexie, ou elle s'inquièterait d'autant plus pour elle, étant donné que cet homme était potentiellement dangereux. Mais elle connaissait sa meilleure amie comme sa poche. Lexie ne lui laisserait pas le choix. Elle allait lire en elle comme dans un livre ouvert, et elle irait fouiller elle-même sa malette si nécessaire. Elle ne pouvait jamais rien lui cacher.
Elle retourna à la salle de repos pour récupérer ses boites de casse-croûte et sa tasse de café et elle croisa de nouveau Jordan qui semblait attendre sa venue. Il était resté assis et il se leva tout de suite en la voyant entrer.
-Tu as terminé ta journée?
Elle secoua la tête.
-Pas vraiment.
Elle repartit dans le couloir et il la suivit.
-Tu as encore quelque chose à faire? Il est bientôt dix-sept heures.
Elle arriva au niveau de l'ascensseur et appuya sur la touche pour l'appeler.
-Et? Je finis parfois à plus de vingt heures Jordan. Qu'est-ce que tu me veux?
-Ça te dirait d'aller boire un verre, ensemble, ce soir?
Elle l'interrogea du regard comme pour s'assurer qu'il n'était pas en train de plaisanter. Il était très sérieux.
Elle s'engouffra dans l'ascensseur une fois les portes ouvertes et il fit de même. Les portes se refermèrent et elle se sentit particulièrement mal à l'aise. Elle faisait de son mieux pour éviter ce genre de situations. Sa paranoïa reprit le dessus en peu de temps et elle se surprit à fixer la caméra au plafond comme si sa vie en dépendait.
-Je ne suis pas intéressée Jordan, merci.
-Tu devrais quand même y penser.
-Je vois déjà quelqu'un en ce moment.
Elle avait dit ça sur un coup de tête. Elle ne voyait personne, et il le savait très bien. Il secoua la tête et s'approcha des boutons. Elle craignit un instant qu'il n'appuie pour arrêter la cabine, mais il ne fit rien de tel.
-Je suis déçu que tu refuses aussi catégoriquement. Tu ne me laisses même pas une chance.
-Ne le prends pas personnellement Jordan.
Les portes s'ouvrirent alors et elle se dirigea vers la sortie avant de lancer par-dessus son épaule:
-Je suis comme ça avec tout le monde.
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Un air névrosé
RomanceDans ce roman d'inspiration Joker et Harley, Cheryl Taylor développe une relation toute particulière avec un patient étrange de son hôpital, Ryan Horns. Ryan, atteint de schyzophrénie semble penser qu'il est le fils de Lucifer en personne et fera to...