I Found Myself in Neverland

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Peter ne voulait pas grandir. D'ailleurs, il n'avait jamais voulu grandir, mais personne ne lui avait demandé son avis ou laissé le choix. Alors, depuis sa naissance, Peter grandissait. Pour lui comme pour tout le monde, grandir signifiait vieillir, et vieillir amenait à la mort. Mais pour le jeune homme, grandir signifiait également dire l'oubli de l'imaginaire, de la créativité et de l'amusement. Finis, les jeux inventés, les dessins colorés et les rires insouciants, remplacés par le travail constant, l'angoisse quotidienne et la fatigue irréparable. Peter ne comprenait pas pourquoi tout le monde semblait si pressé de grandir et de troquer son sourire contre des responsabilités écrasantes.

Âgé de seulement treize ans, Peter observait déjà cette volonté de devenir adulte chez ses camarades de classe, alors que lui n'aspirait qu'à redevenir un enfant. Lorsqu'il en avait parlé à ses parents, ceux-ci avaient été très inquiets après avoir compris que leur fils était des plus sérieux. De longues conversations suivirent cette déclaration, lors desquelles ils lui expliquèrent que grandir était naturel, dans l'ordre logique des choses. Mais Peter n'avait jamais aimé ce qui était logique. Il avait toujours trouvé ce concept à mourir d'ennui. La logique ne laissait place à aucune surprise, aucune imagination. La logique était trop prévisible.

Lui, il aimait rêver, s'évader dans un monde de songes, flâner parmi ses pensées. Là, il pouvait voler dans le ciel, jouer sans devoir s'arrêter, flirter avec les nuages et se battre avec des pirates. Là, il restait éternellement un petit garçon. Forêt, mer, collines et falaises étaient ses terrains de jeux. Des enfants aspirant à rester éternellement jeunes étaient ses camarades de loisirs, et il arpentait ce monde existant dans son imaginaire, accompagné uniquement de son ombre et de Clochette, qui prenait la forme d'une jolie fée, dans ses pensées.

Il ouvrit les yeux, sans se rendre compte qu'il avait fermé les paupières, et son regard tomba sur une peluche tellement usée que sa forme initiale ne pouvait plus être devinée. Cependant, le tintement qu'elle émettait lorsqu'on la secouait et la lumière qu'elle diffusait quand on y exerçait une pression étaient tous deux intacts. Il regarda ensuite son ombre. La seule présence dont il ne pouvait pas se débarrasser, l'unique qui serait toujours à ses côtés. Il l'imaginait lui faire des signes pour lui répondre, lorsqu'il se confiait à elle. Comme il interprétait les carillonnements de Clochette par des paroles intelligibles. Il s'agissait de ses deux seuls compagnons fidèles. Clochette et son ombre. Les seuls amis qu'il possédait.

Peter se laissa tomber en position assise sur son lit et observa sa chambre. Ses murs étaient peints d'un bleu clair qui se dégradait en bleu foncé. Nuages décoraient la partie de la couleur de la journée, et étoiles parsemaient celle de la nuit. Il avait lui-même dessiné des arbres et des plaines au-bas de la peinture, juste au-dessus de son parquet. Il se souvenait très bien avoir été grondé pour cette dégradation de la maison, mais, lui, il était très fier de son chef-d'œuvre.

Des jouets formant des scènes diverses étaient éparpillés sur les lattes de bois. Indiens vaquant à leurs occupations dans leur village, pirates nettoyant leur bateau et sirènes barbottant dans leur lagune résidaient dans ce petit monde qu'il créait et qu'il matérialisait par ses figurines. Il était absolument ravi du résultat, mais ses parents lui répétaient sans cesse qu'il était trop grand, maintenant, pour ce genre de passe-temps. Peter était toujours très vexé par ces réflexions idiotes. Personne n'était jamais trop grand pour quoi que ce soit.

-Viens, Clochette, dit-il en attrapant sa peluche. On va aller au Pays Imaginaire.

Sur ces mots, il bondit de son lit et prit place au milieu de ses figurines et décors. Le Pays Imaginaire. Le nom qu'il avait attribué à ce lieu où son esprit s'évadait. Il déposa Clochette, qui tinta au mouvement, et attrapa ses jouets. Ensemble, ils délivrèrent Lili la Tigresse, la fille du chef des Indiens, des griffes du terribles Capitaine Crochet. Peter s'enorgueillissait tout particulièrement du travail qu'il avait accompli pour ce personnage : ayant malencontreusement arraché sa main droite, il l'avait remplacée avec le seul objet possédant la bonne taille qu'il avait pu dénicher, et qui se trouvait être un petit crochet argenté.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 26, 2021 ⏰

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