Chapitre 11

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Cher Dieu,

Merci d'être venu.

T'as choisi pile ton moment parce que j'allais pas bien. Peut-être aussi que tu étais vexé à cause de ma lettre d'hier...

Quand je me suis réveillé, j'ai songé que j'avais quatre-vingt-dix ans et j'ai tourné la tête vers la fenêtre pour regarder la neige.

Et là, j'ai deviné que tu venais. C'était le matin. J'étais seul sur la Terre. Il était tellement tôt que les oiseaux dormaient encore, que même l'infirmière de nuit, Madame Ducru, avait dû piquer un roupillon, et toi tu essayais de fabriquer l'aube. Tu avais du mal mais tu insistais. Le ciel pâlissait. Tu gonflais les airs de blanc, de gris, de bleu, tu repoussais la nuit, tu ravivais le monde. Tu n'arrêtais pas. C'est là que j'ai compris la différence entre toi et nous : tu es le mec infatigable ! Celui qui ne se lasse pas. Toujours au travail. Et voilà du jour ! Et voilà de la nuit! Et voilà le printemps! Et voilà l'hiver! Et voilà Peggy Blue ! Et voilà Oscar ! Et voilà Mamie-Rose ! Quelle santé !

J'ai compris que tu étais là. Que tu me disais ton secret : regarde chaque jour le monde comme si c'était la première fois.

Alors j'ai suivi ton conseil et je me suis appliqué. La première fois. Je contemplais la lumière, les couleurs, les arbres, les oiseaux, les animaux. Je sentais l'air passer dans mes narines et me faire respirer. J'entendais les voix qui montaient dans le couloir comme dans la voûte d'une cathédrale. Je me trouvais vivant. Je frissonnais de pure joie. Le bonheur d'exister. J'étais émerveillé.

Merci, Dieu, d'avoir fait ça pour moi. J'avais l'impression que tu me prenais par la main et que tu m'emmenais au cœur du mystère contempler le mystère. Merci.

À demain, bisous, Oscar.

P.-S. Mon vœu : est-ce que tu peux refaire le coup de la première fois à mes parents ? Mamie- Rose je crois qu'elle connaît déjà. Et puis Peggy, aussi, si tu as le temps...

Oscar et la dame roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant