Planétes 4

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En plein cours d’ses je n’avais aucune concentration, je repensais à la proposition de mon frère, mais qu’est-ce que je pourrais bien faire de ce compte ?

Des photos ? Des citations ? Quoi ?

-Tu pourrais parler de toi ? proposa le grec.

-T’es stupide elle ne veut pas mettre de photo d’elle ! s'égosilla le romain.

-C’est peut-être pas une si mauvaise idée, parle de tes scénarios, de nous, des post-it, sans pour autant divulguer ton identité, analysa le centaure.

-On va devenir célèbre ? demanda le champignon.

-Je ne sais pas, répondis-je à haute voix.

-Pardon ? demanda ma voisine.

-Désolée je réfléchissais à haute voix, m'excusais-je.

La prof vint poser ma copie d’évaluation, je lu juste un gros quatre sur vingt en rouge, avant qu’elle lâche un commentaire désagréable :

-Je sais que l’économie, peut être parfois peu intéressante mais quand on vous demande de travailler, il faut le faire.

-Et si je vous demande de la fermer vous le ferez ? demanda le romain, mais ce ne fut pas dans ma tête que mes mots résonnèrent, mais dans la salle.

-Sortez ! ordonna-t-elle, ce mot ricocha en moi comme des ricochets, comme à une condamnation à mort, sans rien dire cette-fois ci je l’écoutai, je pris mon sac et ma feuille et sortis de ma classe.

C’était la première fois que j’avais mal parlé à un adulte, la première fois que j'étais virée, la première fois que j'étais fière de moi, pourquoi ? Pourquoi je n’avais pas peur alors qu’il y aurait des conséquences ?

Je fis un saut d'excitation et je tournai sur moi-même, les bras ouverts, je tournais sans fin, libre et heureuse.

Toutes ces années à m'être imaginée répondre à leurs sarcasmes, à leurs idioties, à avoir peur, voilà que je l’avais fait. Au fond je n’étais pas contente parce que j’avais voulu être irresponsable, parce que je m’étais fait mettre à la porte, parce que j’allais être désobéissante aux yeux de mes parents, mal élevée aux yeux de ma prof, folle aux yeux de mes camarades, mais parce que je venais de me prouver que je n’étais sous les ordres de personne, que j’avais ma propre envie, que je n’étais pas contrôlée sous la peur, dans un cadre, que je n’étais pas “ la fille parfaite “, silencieuse et respectueuse. Que je pouvais me soulever même si ça n'était qu'une petite action, mais j'étais maître de moi-même.

Et j’adorais cette excitation, cette folie qui me faisait changer le cours de ma journée.

Je m’arrêtai quand dans ma vision tournante une tâche de vert apparut, je m’approchai des casiers en zigzaguant à cause du tournis, jusqu’à ce que mes pieds soient à quelques mètres de l’herbe, des feuilles et des bourgeons vinrent sortir des carrelages gris, créant une mini pelouse dans ce couleur gris noir et blanc.

La végétation vint jusqu'au plafond, s’entortillant sur les casiers, laissant éclore des fleurs violettes et jaunes, des pissenlits poussèrent sur le plafond et à mes pieds, des lianes laissant pendre leur feuilles, c’était comme un pant d’un monde magique, je sentis l’herbe frôler mes chevilles, celle-ci était remplie de champignons multicolores, de branches remplies de mousse verte, de spores lumineux, tortueuse remplissant des casiers au mur d'en face l'espace.

Je m'approchai du mur de la flore, et y posai ma main, sous mes doigts et ma paume, je ne sentit que le froid et la dureté du casier, je la retirai déçue.
Ça a toujours été comme ça, ça a toujours été faux, juste dans ma tête.
Je tournai le dos à cette illusion et partis en direction de la vie scolaire.

Trois_mille_sept_cents_planetesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant