𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟓 - Bᴇᴀᴜ ﹖

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La semaine suivante, Harry et moi sortîmes dans la ville. Le Survivant portait des lunettes de soleil pour ne pas être reconnu des probables journalistes se baladant incognito dans les rues, et ma tête était recouverte d'une capuche ample, de manière à dissimuler mon visage. Nous ne voulions pas être reconnus ; ma sentence à l'issue de mon procès ayant été classée « confidentielle » par l'Etat, les gens déployaient des trésors de patience pour tenter de deviner. Nous faire remarquer aurait été inutile - et contraignant.

⸺ Où veux-tu aller, Drago ? me demanda gentiment Potter avec ce qui semblait être un sourire.

⸺ Premièrement, chez le coiffeur, dis-je en lui montrant mes cheveux longs ayant retrouvé toute leur splendeur après de nombreux shampooings. Je ne supporte plus de les sentir sur mes épaules !

⸺ Très bien. Si monsieur veut bien me suivre...

Je suppose que vous pensez que cette phrase m'avait été dite sur un ton dédaigneux. Ironique. Moqueur. Mais non. Absolument pas. Depuis ses excuses, Potter se montrait un peu plus sympathique envers moi - même si nous ne deviendrions pas les meilleurs amis du monde. Je devais bien admettre que mon jugement à son égard avait changé, même si ce n'était pas grand-chose. Ses manies incessantes telles que replacer ses lunettes du bout du doigt ou bien se passer la main dans ses cheveux ébouriffés m'énervaient autrefois ; désormais, il m'arrivait de sourire en le voyant. Sa voix tremblante qui me faisait me sentir supérieur lors de notre scolarité m'attendrissait quelque peu, mais, après tout, il restait Harry Potter, et je restais Drago Malefoy. Nous ne serions jamais amis, du moins ceci serait impossible à assumer publiquement. Personne n'accepterait cela.

⸺ Quelle journée ! m'exclamai-je en rentrant chez mon hôte – que j'aurais appelé mon geôlier il y a quelques jours. Je suis bien content d'avoir pu sortir un peu.

Une fois que Harry eut refermé la porte, j'enlevai la large capuche de ma tête et me précipitai dans ce qui était ma chambre afin de pouvoir admirer ma tignasse.

Mon reflet me surpris tout d'abord : Mes cheveux étaient revenus à ce que je pourrais qualifier d'« à la normale ». Ils étaient plus courts, plus soyeux. Je me sentais plus beau. Plus fort. J'avais pu reprendre un peu de poids ces dernières semaines, et j'étais aussi plus musclé.

⸺ Drago, c'est ton reflet, tu ne peux pas en tomber amoureux, m'informa une voix sarcastique sur le pas de la porte. Ton nom n'est pas Narcisse à ce que je sache.

Je me retournai en enlevant mon manteau. Potter s'appuyait nonchalamment sur le bord du mur, un sourire amusé aux lèvres. Je lui rendis son sourire niais et grinçai :

⸺ Je sais, Potter, je sais. Me prends-tu pour un vulgaire Poufsouffle ne sachant pas faire la différence entre des Dragées Surprise goût pastèque ou goût fraise ? Je suis bien plus intelligent que cela !

⸺ Je sais, Drago, je sais, reprit le Survivant sur le même ton provocateur, d'un air hilare. Je n'ai pas dit que tu étais bête. Loin de là ! Mais tu t'admires beaucoup, je trouve. Je te comprends, bien sûr, mais... tu as l'air très légèrement narcissique.

⸺ Je rêve ou tu viens de me dire que tu me trouvais beau ? Que tu comprenais que je m'admire... car j'étais beau ? m'étonnais-je.

⸺ Quoi ? Oui, tu rêves ! s'écria Potter en levant les yeux au ciel. Pourquoi te dirais-je une chose pareille ? Par Merlin, tu divagues complètement !

Je fronçai les sourcils. Non, je ne rêvais pas. Il avait bien sous-entendu une telle chose, n'est-ce pas ? Pourquoi le fait qu'il le nie m'agaçait-il tant ?

⸺ Et demain, les Fizwizbiz conquerront le monde, répliquai-je, absolument sûr de moi. Mais je te comprends, après tout. Je suis magnifique, inutile de le nier. Impossible de ne pas le remarquer, même toi, Potter !

Le Survivant leva les yeux au ciel puis finit par sortir de la pièce tandis que je lançais un clin d'œil à mon reflet dans le miroir. Je me changeai en troquant mon long manteau contre un t-shirt gris et un vieux jogging venant d'être lavé, avant de me recoiffer et de descendre dans le salon. Harry sortait une espèce d'objet moldu d'un de ses placards en bois ; j'appris plus tard que cet objet se nommait télévision.

⸺ Par Merlin, que fais-tu ?

⸺ Je vais enrichir ta culture des Moldus ; j'ai acheté plusieurs films sur les marchés.

⸺ Des films ? Qu'est-ce ? demandai-je, perplexe par ce nom étrange.

⸺ Un film est une œuvre audiovisuelle. Tu peux voir des images, des histoires racontées.

⸺ Oh, je vois.

Je ne comprenais strictement rien à son charabia étrange, mais je fis bonne figure. Je ne voulais pas paraître bête devant Potter, cela n'aurait servi à rien. À rien du tout. Depuis quelques temps, il me paraissait plus sympathique que d'habitude, et ruiner ce début d'entente commune aurait été stupide.

⸺ Je te propose de regarder un film ancien pour commencer : je t'expliquerai aussi l'histoire du cinéma. Que dirais-tu d'un film de Charlie Chaplin ?

Je haussai les épaules, étonné.

⸺ Comment veux-tu que je te dise ce que j'en pense ? Je ne connais rien à la culture Moldue, et le nom de cette fille m'est totalement inconnu.

⸺ C'était un homme, Drago, soupira Harry, ce qui m'agaça quelque peu.

Je décidai de ne pas relever. À quoi s'attendait-il ? À ce que je connaisse chaque recoin de la culture Moldue ?

⸺ Très bien. Mets ce stupide falm, que je voie un peu ce dont il s'agit.

⸺ On dit film, Malefoy, asséna Harry en insérant un drôle de disque dans un boîtier rectangulaire.

⸺ Cesse donc de me faire la morale, Potter ! dis-je, mi-exaspéré, mi-amusé, avant de m'asseoir sur le canapé et de poser les pieds sur la table basse, le regard flamboyant.

Harry s'assit à mes côtés et visa ce qu'il appelait « la télévision » avec un pavé rempli de boutons incompréhensibles pour les personnes ayant un minimum d'éthique mentale. Dont je faisais partie. Le jeune Potter déposa également ses pieds sur le bureau d'un air nonchalant, ce qui me fit sortir de mes gonds.

⸺ Enfin, Potter ! Tu ne dis rien ?

Il s'arrêta net dans son geste, et me dévisagea comme si j'étais un parfait inconnu.

⸺ Par rapport à... ?

⸺ Mes pieds sur la table ! Je passe mon temps à essayer de te provoquer, mais tu ne réagis pas. Pire encore, tu m'imites ! Je suis transparent ou quoi ?

Un flot interminable de secondes s'écoula avant que le brun ne se mette à rire. Oui, oui, vous avez bien entendu. À rire. Devais-je m'inquiéter pour sa santé mentale ?

Finalement, il sécha ses larmes, se redressa et déclara d'une voix moqueuse :

⸺ Mettre tes pieds sur la table, tu appelles cela de la provocation ? De l'impolitesse folle ? Crois-moi, Drago, nous ne sommes pas du même milieu. Je me fiche bien que tu mettes les coudes sur la table, manges les fruits sans les couper en morceaux parfaitement identiques, ou bien mettes les pieds sur cette table. De toute façon, je ne vais pas te gronder. Tu n'es pas un enfant, Drago. Je te considère comme mon égal, et ce peu importe ce que tu as dû subir pendant et après la Guerre.

Ses mots semblèrent flotter quelques secondes dans l'air entre nous, comme une barrière. Avant que le sens de ses paroles ne vienne me percuter et que je comprenne le message. Ses propos me réchauffaient le cœur, me donnant une affection que je n'avais jamais connue. Me donnant une véritable importance à ses yeux. Une véritable importance tout court. Drago Malefoy était quelqu'un. J'étais quelqu'un. Véritablement quelqu'un.

Mal à l'aise, je me renfonçai dans le canapé en grognant :

⸺ Lance le film, Potter.

Lorsque les premières images commencèrent, je ne pus m'empêcher de remarquer son grand sourire et son air rêveur.

𝐋𝐞 𝐆𝐨𝐮𝐟𝐟𝐫𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐄𝐬𝐩𝐨𝐢𝐫𝐬 || FᴀɴFɪᴄᴛɪᴏɴ DʀᴀʀʀʏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant