𝐑𝐨𝐨𝐦𝐚𝐭𝐞𝐬 - 𝗌𝗎𝗀𝖺𝗐𝖺𝗋𝖺 𝗑 𝗋𝖾𝖺𝖽𝖾𝗋

06 - After the storm

Les cours avaient repris, on était mi-février. Il faisait très froid mais le soleil brillait tous les jours, alors on se promenait souvent après notre dernière heure de la journée. Le campus disposait d'un parc assez vaste dans lequel se trouvait un lac, qui venait tout juste de dégeler. Même si elles restaient basses, les températures remontaient doucement et la neige avait laissé sa place à la pluie.

Ce jour-là il ne faisait pas beau du tout, malgré la semaine ensoleillée qu'on avait eu. De gros nuages noirs surplombaient l'université et l'air était lourd, l'orage ne devait pas tarder à éclater.
La pluie commença à tomber lorsque je sortais de cours. Les gouttes d'eau trempaient rapidement mes vêtements pendant que je courais vers l'internat pour me mettre à l'abris.

- Y/n ! Je viens de nettoyer le sol tu pourrais faire attention !

Suga me regardait exaspéré, alors que je n'avais même pas fait deux pas. Mes habits gouttaient par terre et mon sac à dos était fichu. Je me souvenais qu'il n'était pas étanche et je soupirai en pensant à tous mes cours qui s'y trouvaient.

- Je repasserai la serpillière c'est bon, dis-je d'un ton détaché. Dramatise pas.

Il ouvrit la bouche pour répliquer mais se ravisa. Je pense qu'il ne voulait pas envenimer les choses.

C'était un peu tendu entre nous depuis quelques temps et la raison de cet agacement mutuel m'échappait. On parlait moins, on était plus irrités et on passait notre temps libre à travailler. En effet, les semaines d'examens arrivaient vite et tout le monde était très stressé et perdait patience.
Je devais reconnaître que cette situation m'affectait beaucoup, et l'impression de m'éloigner de lui alors qu'on était devenu très proches me rendait triste.

Suga soupira et partit d'un pas lourd vers sa chambre puis claqua la porte. Il était énervé et moi aussi. Après avoir nettoyé l'entrée, je partis travailler un peu avant de faire à manger.
Je lui envoyais un message pour lui dire que le dîner était prêt avant de m'assoir à table et d'attendre. Au bout de 5 minutes, il sortit enfin et au lieu de prendre place en face de moi comme d'habitude, il prit simplement son assiette, la remplit et retourna dans sa chambre en prétextant qu'il devait finir un devoir. Quelques secondes plus tard, j'entendais le générique de sa série préférée.

- Tu te moques de moi ? C'est ça ton devoir ? dis-je en entrant dans sa chambre.
- Ça te gênerait de frapper à la porte ?

J'ignorais sa question et continuais :

- Qu'est-ce que t'as sérieusement ? Je sais qu'on est tous les deux sous pression avec la semaine qui arrive mais c'est pas une raison pour être aussi dur avec moi, je t'ai rien fait Suga.

Il souffla et passa ses mains sur son visage avant de reposer son regard sur moi.

- Ecoute je suis désolé ok ? Est-ce qu'on peut en parler à un autre moment, j'ai pas la tête à ça là.

Je remarquai les cernes qui fonçaient le dessous de ses yeux et n'insistai pas. Il avait l'air vraiment épuisé.
Je sortis de la chambre et partis travailler.

Au bout de deux heures, j'avais enfin fini. Alors que je me levais pour aller chercher un verre d'eau dans la cuisine, toutes les lampes de ma chambre s'éteignirent simultanément, me plongeant dans le noir complet. Je me cognai contre une de mes étagères et cherchai à tâtons la poignet de ma porte. En l'ouvrant, je devinai la silhouette de Suga :

- T'as rien ? me demanda-t-il.
- Non t'inquiète, dis-je en frottant mon bras toujours endolori à cause du choc. Tu dors toujours pas ?
- Non j'ai pas réussi à m'endormir, il pleut trop fort et il y a de l'orage.

J'aimais beaucoup l'orage, ce n'était vraiment pas quelque chose qui me dérangeait.

- En plus il va pas tarder à faire très froid vu que les chauffages sont coupés avec la panne de courant, continua-t-il.
- Oh merde c'est vrai, soupirai-je en balançant ma tête en arrière les yeux fermés. En plus nos couettes sont vraiment pourries, elles sont trop fines.

On resta quelques secondes comme ça, les grondements du ciel et la pluie étant les seuls bruits qui brisaient le silence. Je rassemblai tout mon courage et demandai :

- Si tu veux on peut dormir ensemble... Enfin je sais pas hein je demande ça comme ça ahah, je comprendrais que tu refuses, si t'es mal à l'aise ou...
- D'accord. Prends ta couette, en la superposant avec la mienne ça devrait faire l'affaire.

Je fis ce qu'il demanda.
Je ne pensais vraiment pas qu'il accepterait ma proposition mais maintenant qu'il était allongé à côté de moi, je réalisais. Il me tournait le dos et je distinguais les mèches de ses cheveux gris sur sa nuque.
Cette fois je mourrais vraiment de froid, je commençais à grelotter et je me crispais dans l'espoir de réchauffer un peu mes muscles, puis je fermais les yeux pour tenter de m'endormir. Sans grand succès.
Au bout d'un moment, Suga bougea à côté de moi et je sentis ses bras m'enlacer et m'attirer contre lui, calant ma tête entre sa main et son torse.

- Visiblement les couettes ne suffisent pas, chuchota-t-il.
Mon coeur battait très fort et mes joues me brûlaient.
- Non, vraiment pas, marmonnai-je la tête enfouie dans son t-shirt (qui sentait incroyablement bon).

Je n'arrivais pas à y croire. Je n'arrivais pas à croire que je pouvais être si bien auprès de quelqu'un. A cet instant, je me rendais compte de mon amour pour lui, que j'avais développé inconsciemment pendant plusieurs mois. Je me rendais compte à quel point il m'avait manqué quand on était en froid. Je voulais que cette nuit dure pour l'éternité.

- Je suis désolé Y/n.
Je m'écartais légèrement pour tenter de voir son visage dans la pénombre.
- Pourquoi ?
- Parce que j'ai été insupportable ces derniers temps et j'avais pas à te faire subir ça.
- C'est rien, ne t'en fais pas.
- Non c'est pas rien, mais tu vois, c'est juste que j'arrive plus à tout gérer. Y'a les révisions, la pression que les profs nous mettent, et puis y'a ma famille, sans oublier le fait que je ne vois presque plus mes amis... J'ai l'impression que...

Il ne finit pas sa phrase et sa voix faiblit à cause des pleurs qu'il retenait. Il me serra plus fort et chuchota un faible « pardon » avant d'enfouir sa tête dans mon cou.
La stupeur fit que je ne réagis pas du tout suite. Puis je finis par l'enlacer à mon tour et lui tapoter maladroitement le dos pour le réconforter.
Je finis par ouvrir la bouche :

- Tout va bien se passer, tu verras. Tu fais tellement d'efforts que c'est impossible que tu ne réussisses pas. C'est bientôt fini, et puis t'es pas seul. Je suis là, tu sais ?
- Oui je sais, répondit-il doucement. Je suis vraiment content qu'on soit amis.

Bon ça, ça faisait mal.
Vraiment mal.
Je sentais son étreinte se desserrer légèrement et sa respiration devenait régulière. Quelques minutes après il était complètement endormi, son souffle s'échouant doucement dans le creux de mon cou.

࿐༉⟡꙳⋆