Chapitre: 6:

142 15 3
                                    

Son revolver à la main, elle traversa finalement la rue.

Le silence s'était rendu maître de l'instant, plus aucun infecté à l'horizon.

Seuls les cadavres de leurs victimes venaient occuper la scène de ce spectacle de l'horreur, mis en lumière par la clarté blafarde de la lune.

Certains corps avaient été traînés sur des dizaines de mètres, tels des pantins inanimés et sans vie.

Une odeur de mort emplissait l'air, rien de putride, pas encore, seulement une effluve aussi âcre que amer... Le goût de sang.

S'arrêtant un court instant, comme pour rendre hommage à ces pauvres victimes du mauvais sort elle s'accroupit auprès de certains corps.

Chacun portait sur lui un mot, une lettre, une photo, le vague souvenir d'une mère, d'un amant, d'un enfant...

Quittant enfin cette avenue de l'horreur, Ellie prit la direction du chalet qui l'hébergerait pour la nuit.

Cependant, derrière elle, des sanglots, couverts quelque peu par le vent lui parvinrent, tels des murmures.

Suivant le son de ces larmes et son instinct, elle découvrit derrière une large benne à ordure, une petite fille, recroquevillée, apeurée, esseulée.

- Hey! Petite... Ne crains rien... C'est terminé...

Ellie lui sourit et essayait de s'adoucir malgré la violence de ce qu'elle venait de vivre.

- Je connais un endroit sympa, où il n'y a pas de monstres, si ça te dit, t'es la bienvenue...

Attendant auprès d'elle quelques instants, ne sachant quoi lui dire de plus, la jeune femme se remit alors en route, plus lentement toutefois.

L'enfant se leva aussitôt, elle semblait souffrir, alors Ellie la rejoignit bien vite.

- Je crois que je me suis foulée la cheville, murmura la fillette tout en sanglotant.

Mais en s'approchant, elle découvrit avec amertume et tristesse les morsures et le sang, qui parsemaient le visage et les bras meurtris de la rescapée.

Alors, face à une telle détresse, Ellie ouvrit ses bras à l'enfant qui s'y réfugia, pleurant toutes les larmes de son corps.

- Je... Je suis désolée...

La portant, elle l'amena jusqu'à son bivouac.

Leroy, immobile, somnolait. Seule sa respiration, emplissait la pièce noire et silencieuse.

Ellie allongea sa protégée sur un canapé de cuir, la couvrant d'une chaude couverture.

- Tu as faim? Je m'appelle Ellie, et toi?

La fillette opina de la tête.

- Jasmine.

La jeune femme lui sourit en retour.
Elle fit enfin brûler un feu dans l'âtre de la cheminée, découvrant une nouvelle fois le visage de Jasmine, meurtri et ensanglanté.

Ellie entreprit alors de vider le contenu d'une de ses gourdes dans une bassine, et au moyen d'un morceau de chiffon humide, nettoya le sang et la crasse qui recouvraient sa peau.

Déjà les morsures paraissaient s'infecter d'une manière dangereuse.

La peau à présent pâle de la fillette, laissait paraître ses veines d'une noirceur sans pareille.
Ses pupilles commençaient quant à elles à se dilater, ses yeux à s'injecter de sang, bientôt, elle sombrerait pour de bon.

- J'ai mal à la tête, gémissait la jeune fille.

Ellie tentait alors de la rassurer, lui parlant de chose et d'autres. Elle se risqua même à quelques blagues, certes d'un très mauvais goût, mais qui arrachèrent tout de même un sourire à la frêle rescapée.

Toutefois, ce léger sourire laissa rapidement place aux larmes.

- Je veux pas devenir un monstre! Je...

Ne sachant quoi répondre, Ellie se contenta de serrer la fillette dans ses bras, tout contre elle.

Sa respiration, calme et posée, sembla l'apaiser, toutes deux finirent d'ailleurs par s'endormir, bercées par les flammes qui dansaient avec vigueur dans l'âtre brûlant.

Ellie n'avait dormi que quelques heures, assise sur le fauteuil, elle observait Jasmine.

Son expression attestait d'une lutte intérieure profonde, un combat pour la vie, un combat cependant sans espoir. Fiévreuse et souffrante, des gouttes de sueur perlaient sur son front.

Ellie hésita un moment à la réveiller, afin qu'elle puisse profiter encore quelques instants, avant que son âme et sa conscience ne se consument, à jamais.

Mais, comme paralysée, la jeune femme restait immobile, les yeux rivés sur l'enfant. Son revolver sur ses genoux, elle se préparait déjà à l'inévitable.

Ce matin-là, un soleil radieux accueillit cette nouvelle journée.
Les oiseaux chantaient à gorge déployée, profitant déjà des chauds rayons éblouissants.

Ellie, bien que crispée, ne tremblait pas. Jasmine dormait désormais paisiblement, fatiguée, après une nuit de lutte acharnée et impuissante.

La fillette, émergeant, se retourna finalement vers elle, sa respiration s'étaient accélérée. S'appuyant sur ses bras encore frêles elle se releva, gémissant.

Ellie, qui s'était relevée, engagea son arme avec regret. Elle regrettait de ne pas avoir pu agir, elle regrettait de ne pas avoir pu la sauver.

La fillette, encore hébétée, le regard dans le vide ne tarda toutefois pas à apercevoir Ellie, son bourreau, sa libératrice.

Dans une première et ultime lueur de rage, Jasmine s'abattit sur la jeune femme, qui, détournant le regard, pressa la détente.

La détonation raisonna dans tout le quartier, puis le silence, tout aussi assourdissant.

Sans dire un mot, Ellie allongea le corps inerte de la fillette sur le canapé de cuir. La recouvrant de part en part au moyen d'une couverture, elle sortit quelques instants cueillir une poignée de fleurs aux couleurs éclatantes.

Déposant le bouquet sur le doux carré de tissu, elle se releva. Et après un dernier regard jeté au visage endormi de l'enfant, quitta pour de bon la pièce, cette maison, cette ville.

Contournant le centre-ville et suivie de sa monture, elle ne tarda pas à retrouver le calme de la nature, qui toutefois se montrait dorénavant sous un jour nouveau. Les forêts alpines cédèrent bientôt leur place aux vastes étendues et prairies verdoyantes et fleuries.

Galopant vers le sud, suivant la trace de son destin, Ellie semblait déterminée, bien que perdue. Joël s'était condamné pour lui permettre de vivre, cependant, elle ne pouvait plus accepter tout le reste.

Ce poids si lourd et douloureux à porter, la culpabilité, cet espoir aussi qu'elle représentait, ce poids la rongeait peu à peu, jour après jour.

C'était sans doute un voyage sans retour qu'elle entreprenait aujourd'hui. Qu'importe, la jeune femme s'était abandonnée à la mort et à ses vices il y a de cela bien longtemps...









THE LAST OF US PART IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant