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Les larmes noyaient toujours mes yeux, mais ne dévalaient plus le long de mes joues. Je détournai les yeux de la lettre pendant quelques secondes et croisai mon propre regard dans le miroir. Mon visage pâle parsemé de quelques taches de rousseur me renvoyait une image d'une jeune fille que je ne reconnaissais pas et que Nonna n'aurait, elle aussi, probablement pas reconnue. Mes yeux n'étaient plus animés par la même lueur, mes lèvres n'étaient pas incurvées comme d'habitude et malgré que mon reflet fût le même, il dégageait une lueur plus sombre.

Nonna n'aurait pas aimé me voir comme ça, et malgré le fait que je ne savais pas où elle se trouvait à présent, je séchai furtivement mes larmes et fis mine de sourire au miroir.

Je veux que tu aies envie de vivre.

Je serrai la lettre contre ma poitrine en laissant le calme m'envahir lentement. J'eus l'impression pendant un instant que la lettre me réchauffait, comme si lentement, une énergie nouvelle se répandait en moi. Je me mis à sourire, caressai le papier du bout des doigts puis rangeai le dans son enveloppe. Une fois remise dans la boîte que je glissai sous mon bras, je sortis par la fenêtre de ma chambre qui donnait directement sur le jardin.

Une odeur de pluie se mêlait à celle des tomates trop mûres qui pendaient, lasses, en attendant en vain que quelqu'un les récolte.

— Dove vai ?

Je m'arrêtai et me tournai vers la voix qui m'avait interpellée. Mon Nonno était là, sous la pergola, avec son chevalet et une toile. Ses petits yeux clairs me fixaient d'un air interrogateur.

— Dove troverò la voglia di vivere.

Il ne dit rien, hochant simplement la tête, un petit sourire aux lèvres. Je m'avançai vers lui et l'embrassai sur la joue. Il me frôla rapidement la pommette avec son doigt, l'air rieur, puis recommença à peindre. Mes yeux suivaient le pinceau qui caressait doucement la toile.

Je décidai de partir avant que le soleil brûlant fût trop haut dans le ciel. J'allai prendre mon sac à dos en cuir, déjà quelque peu élimé par les années, plaçai la boîte de Nonna à l'intérieur et enfourchai ma bicyclette.

J'ignorais où aller, mais pour l'instant, pédaler suffisait à me sentir bien, alors je continuais à suivre ce petit chemin. Le soleil brillait et les cigales chantaient. Quelques coquelicots séchés par la chaleur écrasante bordaient la route.

Je souris.

J'ai envie de vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant