« J'aime ce bleu sur vous. »

Un léger sourire prend place sur mes lèvres, et je romps ma pose pour me diriger vers le peintre, passant derrière lui pour constater une nouvelle fois son talent. Cette femme est magnifique...mais elle n'est pas moi.

« Êtes-vous sûr que vous ne pensez pas à une autre que moi ? »

Je regarde de nouveau la silhouette représentée sur cette aquarelle, et reconnaît ma petite robe bleue volant au vent. Pourtant, ce corps ne m'appartenait pas, ou du moins, je ne le reconnaissais pas comme m'appartenant.

« Ne le voyez-vous pas vous-même ? Ces cheveux souples, cette mâchoire élégante, ces formes harmonieuses...tout cela ne peut appartenir qu'à vous. »

« J'en doute...»

Avais-je soufflé, avant de déposer mon postérieur sur un canapé, le regard rivé sur le plafond. Je le savais, je n'étais pas faite pour tout ça. Cette heure touchait à sa fin, et je n'avais réussi qu'à complexer davantage sur mon apparence.

Le plus jeune s'approche, s'assoit près de moi, et amène ses mains peinturées près de mon visage, pour déposer des traces de bleu sur mes joues.

« Je le savais...le bleu te va vraiment bien. »

Un rire insouciant s'échappe de mon gosier, et il sourit une fois son but atteint.

« Je ne me rappelle pas t'avoir autorisé à me tutoyer Jungkook... »

Il affiche une mine faussement désolée, et je prends ses mains dans les miennes, pour caresser ses joues tout en y déposant à mon tour de la peinture bleu ciel.

«...le bleu ne me va pas aussi bien qu'à toi. »

Il sourit et je continue de le recouvrir de peinture en capturant ses mains, mais il finit par reprendre le contrôle et m'éloigne de lui pour me fixer dans les yeux. Une pointe de tristesse l'envahit, et il vient chercher refuge dans cou.

Je ne cherche pas à comprendre que mon teint avait déjà viré au rouge pivoine, embarrassée de cette proximité mais trop timide pour pouvoir y remédier d'une quelconque façon.

« Je suis désolé...juste un instant...peut-on rester ainsi, juste un instant ? »

Ne cherchant pas plus loin, je ne répondis rien et l'enlaça contre moi, caressant sa chevelure brune. Je sentis un liquide froid couler le long de mes clavicules, mais je n'en dis rien.

C'est à cet instant que je compris que je ne savais absolument rien de cet homme.

Quand il fut assez calme pour reprendre ses esprits, il se détacha de lui même pour essuyer vaguement ses yeux d'un revers de manche, retournant à son chevet.

« Je ne voulais pas te montrer ça... »

Un silence suit sa remarque, entièrement dû au fait que je ne savais pas quoi répondre à quelqu'un qui se fondait en excuses.

« Tu veux peut-être que je m'en aille ? »

« Non ! Tu l'as vu, pas vrai...? Tu m'as fait un commentaire sur ce pont...je suis étonné que tu l'aies compris. »

« Tes émotions traversent tes œuvres, et ce n'est pas une mauvaise chose. Au contraire...ça nous donne envie de découvrir ce que tu tentes si fort de dissimuler. »

« C'est justement ce qui m'effraie. C'est pour ça que j'ai bien failli tout arrêter...l'art est à la fois mon refuge et mon propre enfer. »

« Je trouve ton art magnifique. »

« Ton regard l'est davantage. »

Je ramène mes genoux à mon cou, et fixe le sol en me rappelant qu'il avait déjà évoqué mon regard dans son message, au dos du portrait.

« Qu'y trouves-tu de si spécial ? »

« Tout. Tout ce qu'il est, tout ce qu'il exprime, tout ce qu'il laisse penser, tout ce qu'il tente d'effacer. Ça va de tes iris embrumés à tes pupilles adoucies, ta façon de voir le monde est un trésor. J'aimerais avoir ta sensibilité. »

« Et moi je rêverais de pouvoir emprunter ta vision pour me voir au travers de ton filtre. »

« Ne change jamais. »

Mon regard se trouble et je sens mes larmes déborder d'un trop plein d'émotions, ne sachant comment agir face à quelqu'un qui voyait une autre à ma place. Comment nos visions pouvaient-elles différer à ce point ?

Je voulais juste voir une jolie fille dans le miroir, pourquoi fallait-il toujours qu'un monstre la remplace ? Combien d'années encore allais-je devoir vivre avec cette sensation de poids, comme si l'épée de Damoclès menaçait de tomber et de tout réduire en miettes d'un instant à l'autre ?

Si seulement...si seulement je pouvais voir au travers de son regard, la nymphe dont il m'a tant parlé. Si seulement je pouvais m'aimer, de la même manière que lui le faisait...

Peut-être que lui y arrivera...peut-être qu'il saura m'offrir une vision de moi que je n'ai pas.

Je voulais y croire.

« Ji-Eun, laisse moi t'exposer au musée. Je veux que le monde entier se rende compte de ta beauté. »

« D'accord. »

Je me fichais, du monde entier...toi et moi, cela me suffisait amplement.

P a l e t t e / J.Jk [ FINI ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant