5.

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 Il s'était promis qu'à dix-huit ans, il laisserait tout derrière lui, ces nuits d'angoisse et d'ivresse pour se reconstruire autrement. Il rêvait encore de son père et il lui arrivait de m'appeler en pleine nuit lorsque les crises d'angoisse et les souvenirs trop vifs le ranimaient d'une flamme trop douloureuse.

Il n'avait jamais pu en parler à quelqu'un d'autre que moi, n'avait jamais pu le dénoncer.

Je serrai ses doigts un peu plus fort pour qu'il daigne me regarder. Ses épaules se soulevèrent de plus en plus vite et le voir pleurer m'était insupportable.

« Qu'est-ce que tu vas faire ?

_ Comme toi. Attendre ? »

J'eus un rire amer en serrant sa main. Je la soulevai pour embrasser ses doits et l'attirai de force contre moi, calant sa tête sur mon épaule. Il se laissa aller à bout de souffle, et nous fixâmes le mur un long moment.


On avait mangé dans un étrange silence, assis sur le perron arrière, face à la mer. Le froid était devenu sec. Le temps de vider de courses que nous nous étions arrêtés faire, il s'était arrêté de pleuvoir.

Il mangeait avec rapidité presque avec agressivité, dévorant une salade toute faite. A mon habitude, je mangeai avec lenteur, exagérant chaque mastication qui demandait un effort. La chaleur de mon panini au poulet réchauffé au micro-ondes contrastait avec la raideur de mes doigts gelés.

L'écho de la mer était aussi fracassant et étourdissant qu'il était apaisant. Un bruit connu, familier.

Il rejeta la tête en arrière, une main sur l'estomac. Son regard se dirigea vers mon panini à moitié entamé.

« Tu veux de l'aide ? »

Je tendis vers lui mon repas, il mordit à pleines dents. Le fromage lui coula sur le menton.

« Je te l'avais dit. Tu aurais du en prendre un.

_ Hmm, non, je fais attention. »

Je grognai en mordant à mon tour. Je pouvais lire la convoitise dans ses yeux. Soupirant, je lui en cédai un morceau que je coupai. Il siffla de bonheur en avalant le tout en une bouchée.

« Ca me fait plaisir d'être là.

_ Donc t'as changé d'avis.

_ Fais pas ta mauvaise tête, p'tite tête. Tu sais que j'aime être ici. J'aime cet endroit.

_ Désolé que tu y sois coincé avec moi. »

Il grimaça, je savais que je lui faisais mal en lui disant de telles choses, que ce n'était pas justifié, mais j'avais besoin qu'il réagisse, qu'il me parle d'autre chose que de bouffe.

« T'es con quand tu t'y mets. »

Il se redressa en essuyant ses mains sur son jean, fixant la mer qui répondit par un éclat de vagues d'acier.

« Je vais finir la nuit que tu m'as écourtée. Je prends la chambre.

_ Je ne dormirai pas sur le canapé ! criai-jederrière lui. »

Le dernier arrêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant