chapitre 9

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Viktor avait tout préparé. Il avait réfléchi de longues heures, toute la nuit, sans fermer l'œil.

Après moult recherches d'idées de raisons valables qui l'aurait poussé un blesser et arrêter son père, il en avait trouvé une, plus ou moins bonne.

Bien sûr, il aurait dû dire la vérité, vaincre son père, lui lâcher la vérité à la figure.

Mais il n'osait pas. Il n'y arrivait pas.

-Viktor. Peux-tu m'expliquer ?

Le garçon se passa la main dans ses cheveux, et il s'avança vers son géniteur.

Celui-ci se trouvait dans son lit, étendu sous une couverture gris souris. Viktor était venu le rejoindre quand il avait appris, par ses cris graves, que son père s'était réveillé. Il avait peur.

-Écoute, père. Jamais au grand jamais je ne n'aurais voulu faire ça. Mais... je n'avais tout bêtement pas le choix.

D'un froncement de sourcils, Khitrov père encouragea sa progéniture à continuer.

-En fait,...

Viktor hésitait. Devait-il vraiment donner l'excuse qu'il avait trouvé ? N'était-elle pas bien trop absurde, voir illogique et dénuée de sens et de probabilité ?

-L'acheteur m'a envoyé un message, précis et important, me donnant des indications sur comment m'occuper de cette Olivia.

Il avait prononcé le prénom de la fille d'un ton hautain, indifférent et dédaigneux.

-Bref, dans cette liste d'instructions, caché entre la demande de ne pas l'engraisser et celle de lui laver les cheveux avant de l'amener à sa demeure, il y avait noté un ordre bien important. Ne pas toucher la fille, malgré le fait qu'elle ne soit plus vierge. Il voulait être le premier à... le premier à pouvoir là toucher depuis son enlèvement.

Viktor reprit son souffle, stressé par l'importance de son mensonge.

-Donc, si j'ai dû vous arrêter, père, ce n'était pas dans un but nocif, bien au contraire. L'acheteur aurait pu te faire pire s'il avait réalisé que tu l'avais goûtée, ou même, si Olivia elle même lui en aurait fait part.

C'était plus fort que lui, c'était ainsi depuis sa tendre enfance. La peur, l'angoisse, le faisait user de ce langage un brin soutenu, si différent de la manière familière avec laquelle il s'exprimait habituellement, que ce fût envers ses "amis" ou du moins ses connaissance, tout comme pour son père.

Celui-ci hochait justement la tête, et d'un geste de la main, il pria son fils de s'échapper de sa chambre, chose que Viktor fit, partant la tête basse, mais mu d'un soulagement hors du commun.

Puis, il hésita. Devait-il retourner au chevet d'Olivia, ou devait-il la laisser en paix, la laisser reprendre ses esprits ?

Malgré sa pressante envie de venir s'assurer qu'elle allait bien, la voix de la raison le reprit, et il s'en alla dans sa chambre. Avec un soupire de mécontentement teinté de regret, il attrapa son téléphone. Tina lui avait répondu. Depuis qu'il l'avait repéré sur les réseaux, qu'elle avait répondu à son message aguicheur, il se parlait tout les jours.

Tina était une magnifique fille, vive et intelligente, qui laissait supposé une certaine expérience. Elle était maligne, gentille, un brin orgueilleuse et parfois un peu immature, comme le laissait comprendre certain de ses messages déplacés et inutiles.

Elle serait le genre de fille qui tombera ait facilement dans le panneau, un peu comme Olivia.

Pourtant, depuis qu'il avait réalisé l'enfer et l'injustice qu'Olivia vivait, que toutes ses autres victimes avaient vécu, ce petit jeu n'amusait plus Viktor.

Il se sentait pris au piège, incapable de sortir de ce cercle machiavélique dans le quel il était contraint de vivre depuis le début de son adolescence.

Maman, pensa-t-il. Pardonne moi, je t'en prie, pardonne moi...

Et puis alors, il sentit sa tête s'engourdir, la pièce tourna autour de lui. Des couleurs chaudes et naturelles dansaient devant ses yeux, lui donnant le tournis. Petit à petit, les images devinrent plus nettes et plus distinctes. Il reconnut les scènes qui se jouaient dans sa tête.

Une image de son père regardant sa mère avec fierté et dangerosité. Sa mère qui perdait considérablement du poids. Un homme qui discutait avec son père, un homme dont Viktor sut avec le temps qu'il s'appelait Bruce William. Sa mère qui tentait de se débattre de l'emprise de son mari. Sa mère qui tapait contre les vitres de la voiture, hurlant et pleurant, tandis que Youri conduisait, la menant vers son défi le destin. Et puis, plusieurs semaines après cette terrible scène, son père qui recevait un message. On avait besoin d'une nouvelle fille.

Sa mère avait été la première. La première victime de son père. Un jour, il avait rencontré Bruce. Celui ci lui avait fait part du marché qu'il dirigeait. Les demandes devenaient de plus en plus pressantes, Bruce avait besoin de plus de personne à ses pieds. Youri était l'homme parfait. Sanguinaire et sans cœur, il n'hésiterait pas à kidnapper de pauvres demoiselle. Il avait accepté.
Et puis, il avait eu une première demande. On souhaitait une femme d'âge mûre, la trentaine. Le père de Viktor n'avait pas mis bien longtemps à comprendre que sa femme était celle qu'il fallait. Elle était douce, bonne et généreuse. Elle se serait opposée au nouveau travail de son mari si elle en avait été mise au courant. Elle l'embêtait. Toujours dans ses pattes, Youri rêvait de s'en débarrasser. Alors, le petit Viktor avait vu son père séquestré sa mère dans sa propre maison. Il l'avait vu, impuissant, de faire enlevée. Il avait vu son père l'enfermer dans sa voiture et démarrer, l'emmenant à la demeure de son acheteur. Un mois plus tard, l'acheteur revenait. Il vouloir une deuxième fille. Youri, dans le but d'enlever tout sentiments dans le cœur de son fils unique lui avait tout dit. Il lui avait décrit comment sa mère adorée s'était faite violée, tabassée. Il lui avait expliqué, comment, ne supportant pas le calvaire qu'elle vivait, elle s'était donné la mort, refusant de mourir des mains de l'homme chez qui elle vivait désormais.

Depuis, Viktor était devenu sans cœur, impitoyable, comme son père. Enfin, ça, c'était  jusqu'à ce q'il eût fait la connaissance d'Olivia. Depuis elle, le cœur de glace de Viktor fondait considérablement. Il n'était plus incapable de ressentir autre sentiment que la peur de son géniteur. Il était capable de ressentir de la peine, de la tendresse, et un autre sentiment, étrange, jamais vu, inexplicable et improbable.

KidnappéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant