01 : le jardin ensoleillé

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_ Mais lâche-moi ! Qu'est-ce que tu comprends pas ? 
_ T'énerves pas comme ça, Vicky. Je voulais pas te vexer ...
_ Laisse-moi tranquille, Samuel.
_ Oh, s'il-te-plaît ...

Je ne veux plus l'entendre. Je déteste ce garçon. Il me colle aux basques depuis septembre (nous sommes en avril) sans vouloir entendre que je ne l'apprécie pas. Je ne sais pas trop ce qui l'attire tant mais j'aimerais pouvoir disparaitre de la surface de la Terre parfois, juste pour qu'il me laisse tranquille. Sans parler de ses acolytes qui ne peuvent s'empêcher de me faire des remarques déplacées et immatures dès qu'ils me voient ... "Vicky, tu t'es habillée dans le noir ce matin ?" "Vicky, joins toi à nous ! Ah non, tu ferais tâche dans le tableau" "Vicky, il va falloir se mettre au sport, tu crois pas ?". J'ai franchement hâte de partir à l'université en septembre prochain, bien que ce Samuel soit encore capable de me suivre. 

C'est dans ces pensées orageuses qui me brouillent l'esprit que je me dirige à grand pas vers nulle part, peu importe. N'y aurait-il dans ce lycée que des endroits bruyants et anxiogènes ? Même à la bibliothèque, on ne trouve que des gens qui se réfugient des surveillants pour manger et se maquiller en cachette, et sans jamais rester discrets. 

Dans ma précipitation, j'ai fini par me cogner le bras dans une poignée de porte qui semblait plus volumineuse que d'habitude. Me trouvant seule dans le couloir, je décide de l'ouvrir et de jeter un œil sur ce qu'elle renfermait. Sur un malentendu, j'aurais pu trouver un endroit pour souffler quelques minutes. Et j'ai touché juste : il me semble avoir trouvé une perle rare comme on en voit pas partout. 

Me voilà dans un adorable jardin qui se tient dans un coin reculé du lycée. Un délicieux parfum floral envahit soudain tous mes sens et remplace chacune de mes pensées grondantes. Tout est coloré, harmonieux et soigné, bien que cet espace ne soit pas très vaste. Des plantes verdoyantes grimpent sur les grillages qui délimitent l'enceinte de l'établissement. Un potager garni se trouve sur la gauche et des fleurs colorées par dizaines entre des arbustes au fond à droite. Là, un chapeau arrondi de paille dorée entonne un air printanier et serein, au beau milieu d'abeilles et de quelques papillons blancs. 

Je n'ose m'approcher ni même bouger, de peur de déranger cette planète à part. Mais soudain, la propriétaire du chapeau d'or se relève et ses longues boucles blondes s'écoulent en cascade dans son dos et sur ses épaules, avec un arrosoir bleu à la main. Mais la douce chanson s'arrête lorsqu'elle me remarque, là, debout au beau milieu d'un monde que je n'aurais jamais dû découvrir. Dans la panique, elle s'accroupit comme pour tenter de disparaître derrière la haie, mais elle est déjà bien trop encrée dans mon esprit.

Je fais un pas hésitant, puis un deuxième vers elle, mais mon brusque enthousiasme l'aura fait sursauter : 

_ Salut !

Je ne m'y attendais pas moi-même. Quelques oiseaux des arbres autour de nous se sont d'ailleurs envolés. 

_ Je m'appelle Vicky, ai-je repris, plus bas. Je ne voulais pas te déranger.

Semblant reprendre son sang froid, elle se relève pour me faire face. Elle m'offre un sourire rapide et gêné avant de rougir comme une jolie fraise. Une très jolie fraise. De grand yeux bleus et curieux me fixent sans savoir quoi me dire, bien que j'aie le sentiment d'être une intruse. J'en suis une, pour sûr. Elle a un si petit nez recouvert de fines tâches de rousseur. Et ses lèvres rosées libèrent un prénom que je n'oublierai pas : 

_ Je m'appelle Marilyn. 
_ Ça te va très bien, ai-je avoué spontanément.
_ Merci. Le tien aussi. 

J'ai dû rougir à mon tour en attrapant une de mes courtes mèches brunes. Cependant, j'ai vite repris mes esprits lorsqu'elle a ajouté : 

_ Tu ne devrais pas être ici. 
_ Je sais, excuse-moi. J'étais simplement en train de ... enfin, je suis tombée sur ce jardin par hasard. Je ne savais même pas que le lycée en avait un. 
_ Presque personne n'est au courant, non, me dit-elle en reprenant son arrosage. 
_ Et je ne t'ai jamais vue ici. 
_ Je suis d'un autre lycée de la ville, c'est normal.
_ D'accord. Mais honnêtement, je t'admire. Tu fais un travail impressionnant, ai-je avoué en tournant sur moi-même, admirant les lieux. Tu es toute seule à t'en occuper ?
_ Oui et je préfère être seule, crois-moi. 
_ Je comprends ... Enfin, tu dis sûrement ça parce que tu ne veux pas que je sois là. Je ferais mieux de partir. 

Je me suis mise en route à contrecœur vers la sortie, en admirant une dernière fois son œuvre sublime. La sonnerie du lycée a retenti au même moment, peut-être était-ce réellement l'heure de partir ?

_ En tout cas, ai-je ajouté, j'espère qu'on se reverra. Enfin, n'hésite pas si tu as besoin d'aide pour le jardinage.
_ Attends ! Attends, je ... oui. Tu sais où je suis si tu me cherches. 

J'ai refermé la porte sans pouvoir cacher mon sourire. Cette Marilyn m'intrigue beaucoup. Marilyn. J'ai tellement de questions à lui poser. Pourquoi ne pas revenir demain ? 

le blond jasminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant