03 : les garçons nuls

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Je continue de venir au jardin presque tous les jours, et Marilyn et moi mangeons parfois ensemble à la pause déjeuner. Aujourd'hui, j'ai hâte d'aller me réfugier là-bas car Samuel a décidé d'être sur mon dos toute la journée. Je n'en peux plus. 

Nous avons actuellement un cours, le dernier de la journée, à la bibliothèque pour faire des recherches sur un sujet de notre choix. Le voilà qui revient à la charge, et j'en suis ravie (c'est faux). 

_ Alors ma petite Vicky, t'as besoin d'aide ? s'immisce-t-il derrière moi, entouré de ses horribles acolytes.
_ Vous me cachez la lumière, barrez-vous. 
_ On veut juste t'aider !
_ J'ai pas besoin d'aide, dégagez.

J'ai dit cela en m'énervant un peu fort, mais ça devient nécessaire. J'essaie de garder les yeux sur mon livre

_ Du calme, Vicky, lance un grand basketteur avec un coup de coude, il s'assied sur la chaise à côté de la mienne. Samuel veut juste avoir ton numéro. Et nous aussi, lance-t-il entre deux rires étouffés.
_ Il sait pas me le demander lui même ?
_ Si, poursuit-il en riant, mais ils voulaient venir voir. 
_ Franchement Samuel, tu peux toujours rêver. Et si t'avais un peu de courage, tu serais venu tout seul non ? 
_ Elle a pas tort, mec. 
_ Sérieusement, vous êtes des énormes gamins. Laissez-moi tranquille et barrez-vous. 
_ Sinon quoi ? Tu vas appeler la prof pour lui dire qu'on t'embête ? Pauvre fi-fillle, des garçons sont méchants avec elle, on va appeler ta maman.

Ils rient tous de plus belle, mais je prends sur moi. Je sais qu'ils veulent juste que je m'énerve et que je craque. Ça n'arrivera pas. Après quelques minutes, la sonnerie se déclenche enfin et je peux filer au jardin. Je n'en pouvais plus ; je ne sais plus quoi faire avec eux.

Il est dix-sept heures. Tandis que tout le monde se précipite vers la sortie du lycée, je fonce vers le fond du bâtiment et me poste devant la porte. J'attends un peu que personne ne puisse me voir, et j'entre. Marilyn est là, chaque jour un peu plus jolie. Ses longues boucles blondes s'écoulent sur ses épaules. Elle ne porte pas son chapeau aujourd'hui ; en effet, le temps était très couvert. Elle porte une longue jupe blanche qui vole au vent, ainsi qu'un haut rose pâle aux manches bouffantes. Elle sourit et rougit en me voyant entrer. Je suis aussi très contente de la voir. Je sais que dès que je franchis la porte, tous mes soucis s'envolent. Marilyn commence en arrosant les pieds de tomate (elle m'a appris à les reconnaître) : 

_ Coucou Vicky. Ta journée s'est bien passée ? 
_ Ça dépend, et toi ? 
_ Comme d'habitude. Même si j'aurais préféré qu'il y ait plus de soleil. Les Sparaxis se sont à peine ouvertes aujourd'hui. 

Elle me montre du doigt de petites fleurs oranges, blanches et jaunes aux pétales pointus un peu plus loin. Je m'approche pour voir un peu mieux.

_ Parle-moi d'elles, s'il-te-plaît, dis-je en m'asseyant sur le banc.
_ Si tu veux ! Ce sont des Sparaxis Tricolor, on plante les bulbes au printemps. Je les aime bien car elles s'ouvrent en plein soleil et se referment le soir. Mais je ne sais pas trop pourquoi on m'a demandé d'en planter ici ; elles préfèrent les terres chaudes. Il ne fait pas si chaud que ça, ici. Il existe aussi une autre variété qui pousse en automne ...

Honnêtement, je n'écoute plus trop ce qu'elle me raconte mais j'adore la regarder parler. Elle prend son air sérieux et professionnel. C'est évident qu'elle est passionnée, je le vois dans ses profonds yeux bleus qui me transpercent chaque fois qu'elle me regarde. Elle est si belle lorsqu'elle me parle de plantes et de fleurs à propos desquelles je ne connais rien.  

_ ... Enfin voilà, c'est tout ce dont je me souviens des cours ! annonce Marilyn en posant son arrosoir et en s'installant à mes côtés.
_ C'est déjà pas mal, ai-je ri. 
_ Et toi, raconte-moi ta journée. 

Je ne peux résister à rien lorsqu'elle me regarde comme ça. C'est si puissant, ça me rend toute chose.

_ Oh, c'était nul, ai-je soupiré. C'est encore ce mec, Samuel et ses potes, qui sont venus m'embêter toute la journée. Je les déteste. 
_ Je vois. Moi aussi, je déteste les garçons. Ils t'ont dit des choses blessantes ? 
_ Ils sont surtout lourds, ils ne s'arrêtent jamais et ils se croient drôles, c'est le pire. 
_ Ignore-les. Ils sont nuls. Tout ce qu'ils cherchent, c'est de l'attention, qu'on les regarde. Mais si tu fais comme s'ils n'existaient pas, tu verras qu'ils arrêteront de t'embêter. 
_ C'est un bon conseil. Je vais essayer, merci Marilyn, lui ai-je souri sincèrement. 
_ C'est normal, dit-elle en posant sa main sur ma cuisse, ce qui me fait frissonner. 

Je ressens la chaleur de sa paume à travers mon jean, ça me fait rougir et me donne des papillons dans le ventre. Qu'est-ce qui m'arrive ? C'est normal ? Je ne suis même pas sure qu'elle ressente la même chose. Et je ne me rendais pas compte que nous sommes assises si proches. Après tout, pourquoi pas. 

_ Au fait, reprend-elle en passant attrapant une de ses mèches blondes, je pense ne pas venir demain, ils ont annoncé de la pluie. Et on sera vendredi, donc on se reverra sûrement lundi. Ça te va ? 
_ Bien sûr, aucun souci !

Marilyn va me manquer. Je n'ai jamais eu ce genre d'amies avant, et ça me fait chaud au cœur. Je me sens si bien avec elle.

le blond jasminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant