Lorsque la voiture s'immobilisa dans la cour du haras, Olivia sentit son cœur s'alourdir. Bien qu'elle s'efforçât de contrôler son esprit, elle ne put empêcher ses souvenirs d'affluer, indomptables et irrépressibles, cherchant à s'imposer dans sa mémoire. Cet endroit, elle ne le considérait plus seulement comme la demeure de son enfance ; c'était également le lieu où elle avait vu Layl pour la toute première fois. Le lieu où, des mois durant, son père et ses valets d'écurie avaient tenté d'obtenir de l'étalon noir une docilité qu'il leur refusait.
L'espace d'un instant, submergée par le flot étouffant des réminiscences, Olivia eut envie de demander à Louis de faire demi-tour. Puis elle se souvint des traits tirés de son père, son visage aux rides soucieuses, combien il avait insisté ces derniers jours pour lui montrer « sa surprise », et elle refoula cette idée. Il avait besoin de croire que sa fille allait mieux, et elle se sentait le devoir de le rassurer.
Olivia ouvrit la porte du fiacre ; l'air froid s'engouffra aussitôt dans la voiture. Elle resserra les pans de son lourd manteau autour d'elle et quitta la chaleur relative de l'habitacle. Narcisse ne l'avait pas accompagnée, elle avait finalement tenu à venir seule.
Antoine de Beauvoir, qui avait dû l'entendre arriver, sortit au pas de course des écuries pour l'accueillir.
— Olivia, je suis si heureux de vous voir ! Et plus encore de constater que vous avez meilleure mine ! lança le duc d'une voix enjouée.
— Bonjour, Père. Oui, je me porte bien mieux à présent, prétendit sa fille en s'efforçant de sourire.
— Vous me voyez ravi de l'apprendre !
Ils échangèrent ensuite quelques banalités afin de ne pas laisser de place au silence, et à la gêne qui en résulterait. Puis, quand Olivia sentit la conversation s'essouffler, elle s'enquit avec une impatience de façade :
— Alors, quelle est donc cette surprise dont vous m'avez parlé ?
Un sourire étira les lèvres fines d'Antoine de Beauvoir.
— Tout d'abord, je tiens à préciser que c'est votre mari qui m'a convaincu de vous faire part de cette nouvelle. De mon côté, j'aurais préféré attendre, mais j'imagine qu'à présent, il sait mieux que moi ce qui est bon pour vous.
Olivia leva un sourcil intrigué, invitant son père à poursuivre.
— Venez avec moi, lui proposa-t-il en se dirigeant vers les écuries.
Olivia obtempéra. Ils s'engouffrèrent ensemble dans les grandes installations de pierre, parcourant les couloirs qui reliaient les boxes entre eux, où pas un brin de paille ne dépassait. La jeune femme reconnut là la haute exigence du duc : tout devait être absolument parfait pour ses chevaux.
Des têtes curieuses émergèrent des stalles alors qu'ils traversaient la vaste structure d'un pas vif, les talons de leurs chaussures claquant sur le sol.
Quand ils débouchèrent dans l'aile que son père réservait habituellement aux juments pleines ou en lactation, Olivia fut assaillie par un très fort pressentiment. Avant de laisser les émotions la submerger, elle verrouilla toute pensée, ne s'autorisant pas à réfléchir.
Le duc de Beauvoir s'immobilisa devant une grande stalle. Sur le vantail, une plaque en laiton avait été vissée, sur laquelle on pouvait lire : Black Rose.
Olivia connaissait cette jument, une pur-sang anglaise de six ans que son père aimait particulièrement.
Le loquet du box émit un claquement sonore. Au moment d'ouvrir la porte, le duc se tourna pour considérer sa fille, puis déclara simplement :
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NARCISSE (disponible jusqu'au 1 er mars 2025)
Historical FictionOlivia, fille adorée du duc de Beauvoir, n'aurait jamais imaginé qu'en acceptant de s'unir au froid et taciturne Narcisse de Vaire, elle épouserait la solitude. Après leurs noces, les semaines s'écoulent, puis les mois, sans que Narcisse ne se décid...