Chapitre 30 (version éditée)

5K 420 64
                                    


Quand Olivia avait ouvert les yeux après sa nuit passée avec Narcisse, elle avait découvert sans surprise qu'il s'était éclipsé durant son sommeil. Si elle avait ressenti une légère pointe de déception à l'idée de ne pas s'être réveillée dans ses bras, elle ne lui en avait néanmoins pas tenu rigueur. Elle avait bien évidemment deviné que son mari était parti trouver refuge dans son atelier.

À présent, plusieurs semaines s'étaient écoulées depuis leur étreinte et la fin du mois approchait doucement.

Narcisse avait repris ses distances, plus énigmatique que jamais. Il semblait sur ses gardes, comme s'il avait peur de perdre à nouveau le contrôle et de laisser libre cours à ses pulsions. En revanche, il ne se montrait plus froid ou arrogant comme il avait pu l'être par le passé. Olivia, plutôt que de l'étouffer en le harcelant de questions ou en lui offrant une affection qui visiblement le désemparait, préférait attendre qu'il revînt vers elle quand il se sentirait prêt à le faire.

En cette agréable soirée du vingt-quatre juillet, un sourire aux lèvres, la jeune femme observait son frère et sa plus fidèle amie en train de danser, tout en sirotant sa troisième coupe de champagne. Ils étaient si beaux tous les deux, le visage baigné de bonheur.

La veille, mariés et témoins s'étaient rendus à la mairie afin d'entendre la lecture du Code puis de signer le registre. Après que les deux jeunes gens avaient chacun laissé seize cent cinquante francs pour les pauvres, le nouveau ménage, leurs témoins – quatre personnages parmi les plus influents, dont Émile de Lorient –, Olivia, Narcisse et les de Beauvoir avaient dîné chez les Jourdain.

Et ce matin avait eu lieu le mariage religieux, dans La Chapelle des Missions où Narcisse et Olivia avaient également célébré leur union. La longue cérémonie avait été des plus fastueuse. À l'arrivée du cortège, les orgues avaient entonné une marche triomphale, et les chantres, donné de la voix. Puis la messe avait débuté.

Olivia, en contemplant Agathe devant le prêtre, droite sous son grand voile vaporeux, une couronne de fleurs d'oranger sur la tête, vêtue de sa somptueuse robe blanche, avait songé que sa belle-sœur était sans conteste la plus belle mariée qu'elle eût jamais vue.

À présent, plusieurs heures après que l'homme d'Église avait béni l'union du jeune ménage, Olivia profitait des festivités, le cœur léger. Rien, en cet instant, ne pouvait entacher sa joie, pas même cette peste de Charlotte Laval minaudant au bras de Dorian, et qui, de temps à autre, lui souriait avec dédain lorsque leurs regards se croisaient.

Le banquet se déroulait en plein air, dans les jardins d'un joli château loué pour l'occasion. On avait allumé des flambeaux et des candélabres, aménagé une piste de danse, mandé un orchestre et dressé nombre de tables, toutes drapées de nappes blanches. Le vin coulait à flots, la nourriture, abondante, était des plus raffinées, et la musique, tantôt entraînante, tantôt mélodieuse. Selon Olivia, ce mariage était une parfaite réussite, en témoignaient les mines réjouies des époux et les faciès rayonnants de Monsieur et Madame Jourdain, ainsi que ceux de ses propres parents.

La jeune femme terminait donc sa troisième coupe d'un délicieux nectar pétillant quand elle avisa son mari qui approchait. Un sourire étira subtilement ses lèvres alors qu'elle détaillait son habit noir, fort élégant, comme à l'accoutumée. Elle le laissa la rejoindre sans esquisser le moindre geste.

— Madame, murmura-t-il quand il fut à sa hauteur.

— Monsieur.

Narcisse se racla la gorge et plongea dans le regard de son épouse. Elle attendit encore un peu qu'il se décidât à parler, mais il semblait en proie à un dilemme dont lui seul détenait le secret. Face à son trouble, elle changea donc d'avis et choisit de lui venir en aide.

NARCISSE (disponible  jusqu'au 1 er mars 2025)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant