Derrière les portes

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Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours ressenti une sorte de mal-être, comme un vide puissant qui m'engouffre par moment, je ne me suis jamais senti comme les autres enfants de mon âge en primaire, harcelée parce que trop « grosse », mise de côté, de plus, j'ai découvert que je suis porteuse d'un léger handicap moteur, renforçant mon sentiment de solitude et de non-appartenance à la norme, ce qui pour une enfant est comme vous vous en doutez vraiment difficile à vivre. Je me rappelle qu'à l'âge de 8 ans, j'ai eu mes premières envies suicidaires, ce qui ne devrait pas, je pense, en aucun cas être normal. Quant à ma famille, je ne me suis jamais sentie vraiment à ma place dedans et ce sentiment continue de grandir au fil des années, j'ai l'impression de ne pas pouvoir être moi-même avec eux. Ensuite, il y a eu le collège, c'est là que l'enfer a vraiment commencé pour moi, harcelée à nouveau pour mon poids et mes goûts musicaux ou juste le fait de ne pas être comme eux, je n'avais aucun vrai ami, je me suis (trop) souvent retrouvée seule, notamment à la cantine et pendant les cours d'EPS qui restent des moments traumatiques pour moi. Malgré tout, j'ai eu la chance d'avoir des personnes qui m'ont soutenue faisant partie du corps enseignant, j'avais quelques « potes » mais je me sentais plus que jamais seule, je ne me sentais pas du tout accepter dans ma singularité, nul part. Vers mes 13 ans, j'ai commencé à vraiment ressentir ce qui pour moi s'apparente à la dépression, chaque moment à devoir aller à l'école était une torture, car je savais que je devrais faire semblant que je vais bien, que je serai la cible. J'ai donc commencé à vraiment penser au suicide vers cet âge-là plus qu'à 8 ans du moins. Je n'en pouvais plus de ce sentiment de solitude et je me sentais trop différente, de trop, et encore une fois vraiment seule. Je me détestais du plus profond de mon âme. Je voyais des psychologues, mais je n'osais pas dire ce que je ressentais, parce que je n'en avais pas forcément conscience et j'avais peur de ne pas être comprise, ou même pas prise au sérieux comme ma famille le fait. À cette époque, je n'avais que la musique pour m'épauler, j'étais vraiment seule, et terriblement incomprise, insignifiante pour tout le monde à mes yeux. Mes parents minimisaient mes sentiments, mais en même temps comment auraient-ils pu savoir ou même comprendre ? Ils n'ont jamais été du côté des opprimés. Et ensuite, vient le moment où j'ai commencé à ressentir des sentiments amoureux, j'avais tout juste 13 ans, il avait mon âge aussi, c'était lors d'un séjour dans un centre d'amaigrissement, à vrai dire, c'est la première fois que je ne me sentais pas rejeter pour mon poids, et que j'étais juste avec des jeunes plus ou moins de mon âge. Je n'avais pas l'habitude d'être traité par les hommes avec gentillesse, ce garçon avait pris ma défense lors de moqueries à mon encontre et c'est là que j'ai craqué pour lui. Pour faire court, il m'a rejeté après m'avoir fait croire que c'était possible, il s'est servi de moi et de mes sentiments, et m'humiliait en public. J'ai vraiment voulu mourir, et c'est à peu près la même chose pour mes autres relations, non-réciprocité, incompréhension de ma part donc haine de moi-même donc rejet, et encore une fois ce sentiment d'être de trop et pas assez à la fois. Je dirai que c'est ma plus grande blessure ce sentiment de rejet.
J'ai donc toujours eu ce besoin d'appartenance, me sentir à ma place et heureusement, je l'ai déjà ressentie dans ma vie, notamment auprès d'amis que j'ai rencontrés plus tard, ou encore lors de concerts et manifestations avec des gens qui me ressemblent et avec qui je peux être moi-même. Je n'ai jamais été quelqu'un de mauvais et/ou méchant, je sais qu'au fond de moi, je suis juste une enfant ayant besoin d'approbation et d'amour comme beaucoup de gens, je pense. J'ai ensuite été rejetée à nouveau, j'étais en 4e, c'est à ce moment que j'ai commis ma première tentative de suicide, la première d'une longue série, j'ai pris des cachets. De mes 13 ans à mes 20 ans, j'ai effectué environ une dizaine, peut-être une vingtaine de tentatives, différentes ou non, sans succès, peu importe la méthode, ou la quantité utilisé rien ne changeait. J'ai essayé les médicaments de nombreuses fois, m'ouvrir les veines, la suffocation, l'intoxication, me cogner la tête, m'étrangler... J'ai essayé de me détruire par tous les moyens. Je souffre aussi de troubles alimentaires comme l'anorexie, des crises d'hyperphagie, je me suis déjà fait vomir après des repas, etc. Et pendant des années, je me suis scarifié les bras, c'était une façon de me punir de ne pas être comme j'aurais voulu être, et une façon d'appeler à l'aide, et ce, de nombreuses fois sans que personne n'y réponde, le personnel de l'établissement n'y changeait rien, ma famille minimisait et me criait dessus, me faisant culpabiliser, je ne me sentais pas entendue ni vue. De plus, je me suis confié à de mauvaises personnes qui se moquaient de moi et de mes tendances suicidaires, je me sentais vraiment comme une chaussette trouée abandonnée sur le bord de l'autoroute. Quant au lycée, il m'a permis de rencontrer des personnes qui m'ont appris à m'aimer un minimum et j'ai pu connaître la vraie amitié, en revanche, mon mal-être était toujours présent, au contraire, il a encore grandi, ce sentiment permanent de vouloir en finir, d'être dans un tunnel sans lumière, que de ne jamais être assez bien, cette envie de tout abandonner à chaque instant, un fatalisme perpétuel, une bataille au quotidien avec soi-même. Mon année de première à été la plus difficile de ma vie, je pense, mon père est tombé gravement malade, j'ai été à nouveau rejeté de façon plus ou moins violente par un homme (encore une fois) et il a préféré mes amies à moi (encore une fois), ma meilleure amie de l'époque était toxique pour moi et me mentait énormément, elle me rabaissait aussi. J'ai vraiment eu du mal à me relever de cette épreuve, c'est une période vraiment noire pour moi, c'est ici que l'anxiété est entrée dans ma vie. En revanche, j'ai eu la chance d'avoir au moins une super amie qui m'a soutenue pendant longtemps et qui continue toujours d'être à mes côtés, elle m'a beaucoup aidé et je n'imagine pas combien cela devait être épuisant de me porter à longueur de temps, mais pourtant, elle l'a fait et je lui en suis vraiment reconnaissante, de m'avoir écouté et fait me sentir aimée. En toute honnêteté, je n'aurai jamais pensé survivre à cette année-là. En ce qui concerne mon mal-être, il était là plus que jamais, me suis suivant à chaque instant, je me sentais tellement mal, je savais que quelque chose clochait, mais personne ne semblait me prendre réellement au sérieux, « c'est juste dans ta tête ». En première année de fac, j'ai connu l'échec scolaire, et encore une fois, je luttais avec mon poids, nouvelle vie, adaptation difficile, mais de nouveau, j'étais plutôt bien entourée amicalement, ce qui pour moi était toujours quelque chose de nouveau. Et il y a eu cette soirée en boite de nuit ou tout à basculer à nouveau, je me suis sentie de nouveau rejeté et seule et j'ai craqué, je voyais les gens s'amuser et être heureux autour de moi dans cet endroit et je me sentais tout sauf à ma place, je me suis demandé pourquoi moi je n'arrive pas à être heureuse ? Pourquoi je ne peux pas être comme eux ? Je veux mourir. J'ai tenté d'aller mieux et de me faire diagnostiquer auprès d'une psychiatre aux urgences qui m'a juste rétorqué que c'était « juste ma personnalité » et que je n'avais rien d'après elle comme pathologie (en m'ayant vu une fois), ce qui m'a encore plus détruit, parce qu'encore une fois, je me suis demandé ce qui clochait chez moi pour toucher aussi souvent le fond et de manière aussi intense. Mes amis autour de moi s'inquiétaient pour moi, ma psychologue de l'époque aussi. De ce fait, mon premier contact avec la psychiatrie ne m'a pas vraiment vendu du rêve et m'a laissé un goût amer. De plus, aux urgences, l'ambiance est si spéciale que l'anxiété est exacerbée au fur et à mesure que l'attente s'éternise pour ma part, et en plus le système fait qu'on doit raconter ses problèmes à différents professionnels à la suite ce qui est en mon sens vraiment épuisant mentalement ainsi que physiquement. C'était mon premier contact avec les urgences et les psychiatres, mais pas le dernier. Donc je me suis retrouvée à nouveau seule avec mon mal-être à devoir vivre avec, heureusement, j'avais au moins des amies. Je vivais seule pour la première fois, et bien que j'allais mal, mentalement, je sais que je me sens mieux à vivre seule en indépendance que chez mes parents sans l'ombre d'un doute. Pour faire court, cette année-là, j'ai eu plusieurs coups de cœur qui m'ont rejeté et ont préféré quelqu'un d'autre à moi (pour changer...) et j'en ai vraiment souffert, de plus j'ai fais de mauvaises rencontres masculines qui n'ont fait que me pousser un peu plus dans la spirale du désespoir Étant dégoûtée des hommes en général et effrayer, je les ai évités un moment, ce qui m'a d'ailleurs fait du bien. Un an de plus à nouveau, j'ai arrêté la mutilation entre temps et j'effectuais de moins en moins de TS, encore une fois. Je tiens à dire que la musique est vraiment importante, je suis contente d'avoir trouvé un groupe qui m'aide à m'aimer moi-même et en plus, on peut rencontrer des super personnes, ça m'a vraiment aidé. J'ai arrêté la faculté, je me suis retrouvé un moment chez mes parents avant de déménager pour le travail dans un autre département et j'ai réussi grâce à ça de prendre plus confiance en moi et j'ai rencontré de nouvelles personnes qui m'ont vraiment changé en bien comme en mal, mais globalement plus positivement. En revanche, encore et toujours d'histoires de cœur qui se déroule mal, j'ai eu le droit à plusieurs petites pépites : des belles paroles juste pour coucher avec moi ; me faire poser un lapin parce que je ne devais pas correspondre à ces attentes, mais monsieur n'a pas eu le courage de me le dire et m'a juste bloqué ; et le pire de tout un garçon dont je suis tombé amoureuse qui m'a rejeté de façon très violente, un soupçon d'humiliation, une pincée de connerie et cerise sur le gâteau il en aimait une autre, et il a trouver utile de me donner son avis sur chacune des facettes chez moi certes je lui ai demandé ce qu'il ne lui plaisait pas mais il n'y a pas été de mains mortes et il m'a dit que je n'était pas capable de me tuer et en plus m'a tendu un couteau. Bingo ce bon cocktail m'a fait perdre toute la confiance en moi gagnée depuis des années si difficilement et m'a bien pousser au fond du trou, sympa 2020. Cet épisode m'a valu plusieurs séjours à l'hôpital, un premier parce que j'ai fait une grosse crise d'angoisse après avoir bu et l'avoir vu avec l'autre fille, en plus des idées noires à foison, une amie a donc décidé de m'y emmené et pour la première fois de ma vie, j'ai été vraiment prise au sérieux pour mon mal-être et enfin diagnostiquée dépressive et anxieuse, depuis je me médicamente (ce qui d'ailleurs m'a bien aidé), j'ai arrêté l'alcool depuis et c'est pour le mieux l'alcool faisait ressortir mon côté sombre donc je pourrissais un peu la soirée des autres et la mienne par la même occasion, pourtant je pensais aller bien mais j'étais juste dans le déni. Ce que je ressens dans ces moments c'est comme si on m'aspirait, j'ai l'impression que toute la force et le positif ont quitté mon corps, je ressens rien, ou que des sentiments négatifs, je me sens comme un zombie et rien ne me donne envie, j'ai que ces pensées en boucle et je ne suis pas capable de m'en sortir, je me sens juste tombé un peu plus au fur et à mesure dans l'abysse de mes pensées, je suis comme paralysée, j'ai aucune confiance en moi dans ces moments, et bien que j'ai appris à faire semblant que ça allait j'ai pu constater que ça ressortait toujours d'une façon ou une autre. Les personnes que j'ai rencontré là-bas m'ont vraiment aidé à surmonter tout ça et ont été à mes côtés, m'ont prise au sérieux et m'ont laisser m'épanouir, je les remercierai jamais assez pour tout. Un deuxième séjour, dont j'aimerais parler, c'est ce qui m'a motivé à commencer ce texte par ailleurs : l'hôpital psychiatrique. Après la discussion sympathique avec le dernier garçon dont je vous ai parlé, j'ai commencé à faire de l'anorexie, j'en ai perdu 8 kg en un mois et demi (ce qui pour moi était une bonne chose) et j'ai tenté de mettre fin à mes jours, une amie m'a retrouvé à nouveau.
Suite à cette tentative, j'ai été hospitalisée en psychiatrie durant une semaine, une semaine très longue. Je déteste la psychiatrie et pour rien au monde je ne veux y retourner, pendant une semaine j'ai été privé de téléphone, vu que j'avais fait une TS c'était la procédure, et je n'ai pas pu prévenir mes proches et beaucoup se sont inquiété, je n'avais pas le droit d'avoir de contact à l'extérieur même quand ils appelaient pour me parler, avec le covid j'ai du rester un peu plus de deux jours complètement seule dans une chambre avec pour seule compagnie mon anxiété, j'ai pu réfléchir sur des aspect de ma vie ce qui m'a aidé à réduire grandement cette envie suicidaire, mes amis, la liberté, tout ça me manquait trop et j'ai réalisé que si j'étais morte ça serait fini pour de bon tout ces bons moments. La psychiatrie est comme une prison où on ne peut aller mieux, des gens étaient dans ces lieux depuis des mois, et rien n'avait changer pour eux, il n'y avait pas grande activité, dormir, partager une télévision à une vingtaine, un patio pour les fumeurs. De plus, à part les patients, personne à qui parler, les psychiatres vienne te voir au hasard, tu ne sais pas quand tu les reverra et tant que le médecin n'a pas décrété que tu pouvais sortir, tu restes coincé ici, ce qui favorise vraiment de l'anxiété, durant mon séjour je n'ai vu que deux fois la psychiatre qui ne m'a semblé pas intéressée par ce que j'avais à dire. J'ai heureusement rencontré des gens vraiment gentils là-bas qui rendaient la situation moins compliquée. De plus, je n'avais pas vraiment d'affaires, on a pas le droit à grand-chose à l'hôpital, sans parler des repas, étant végétarienne je ne mange ni viande ni poisson, j'ai dû leur répété au moins six fois avant qu'ils n'en prenne compte et au début je pouvait manger que le dessert et le pain ce qui faisant de l'anorexie à cette époque m'arrangeait d'un côté et après ils m'ont mit au régime végétalien ce qui m'allait très bien en revanche aucune source de protéines quasiment donc ce n'est pas vraiment adapté. J'ai réussi à aller de temps en temps sur le téléphone d'un patient pour donner de mes nouvelles. Le temps est vraiment long là-bas et je ne veux jamais revivre ça, j'avais l'impression d'être morte et j'ai donc réussi à égayer un peu les gens déprimé là-bas car je suis d'un naturel joyeux et que j'avais repris du poil de la bête, j'ai vraiment fait preuve d'une grande force mentale à ce moment, je me suis relevé si vite, c'est quand on perd les choses qu'on réalise combien elles comptent. Je pense vraiment que la psychiatrie n'est pas adapté pour les personnes dépressives et anxieuses, je m'en suis bien sortie parce que j'ai une force cachée en moi et que à l'extérieur j'étais bien entourée mais pour les autres je ne sais pas, tout est si terne, ennuyant, triste, et il y a ce climat d'incertitude provoqué par l'isolement qui favorise l'anxiété, le personnel n'était pas méchant au contraire mais je trouve que ça manquait d'un suivi, ils avaient l'air assez épuisé globalement. On se sent très seul en psychiatrie. En revanche, les patients sont bien plus « normaux » qu'on veuille nous faire croire. Les psychiatres sont rarement à l'écoute, à part quelques cas rares rencontré aux urgence lors de mes crises, ils donnent juste des médicaments et c'est tout, et il y en a beaucoup qui émettent des jugements ce que je trouve inacceptable. C'est pour cela que je préfère les psychologues, certes, ils ne peuvent pas prescrire de traitements, mais ils travaillent vraiment avec nous, les psychiatres eux veulent juste refiler des médicaments, mais les médicaments ne soignent pas l'origine du mal, les deux sont nécessaire. Bon, j'arrête mon speech négatif ici. Je ne parle que de mon ressenti et de mon avis, j'ai forcément un avis biaisé, mais je ne conseille pas d'aller en psychiatrie en premier lieu si on est dépressif.
Et sinon maintenant ce qu'il en est de mon état mental ? Eh bien, j'ai pris un nouveau départ, une nouvelle formation, j'ai rencontré à nouveau des personnes top, je me suis de nouveau fait rejeter récemment mais de façon douce et je pense que cette fois je vais réussir à m'en remettre tranquillement, je n'ai plus d'idées noires et si ça arrive c'est très court et flou. Je n'ai pas confiance en moi, mais j'y travaille, mon anxiété à baisser mais j'ai encore des moments vraiment compliqué où j'ai du mal à gérer, je me sens parfois déprimée, et je ne vais pas mentir ça peut être vraiment intense mais généralement ça passe en quelques jours, je suis de nouveau chez mes parents (ce qui est d'ailleurs assez dur mentalement par moments, ils sont souvent ceux qui me triggered depuis petite), je doute encore beaucoup de moi, j'ai repris du poids malheureusement et j'essaie encore et toujours de m'en débarrassée, je suis sortie de l'anorexie mais je reste encore fragile à ce niveau là.
Le conseil que je peux donner pour les personnes qui traversent des choses similaires, c'est de surtout bien s'entourer et ne pas se contenter de personnes qui te font te sentir comme une sombre merde, et d'être suivi par des professionnels aussi. J'ai pensé être seule pendant des années et j'ai rencontré des personnes qui m'ont fait me sentir bien donc c'est possible, on va s'en sortir, ensemble.

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