Entre espoir et désillusion ?

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A partir de ce jour, j'ai tout quitté pour vivre avec mon cher Kaito. Je suis revenue vivre à ses côtés et auprès de mon Yuko, ravi d'avoir sa tata pour lui.


Entre disputes et crises de larmes, nous retrouvons nos marques ensemble. J'avais oublié son paternalisme à mon égard. Plus qu'un frère, il est un père de substitution depuis mon plus jeune âge. Il m'a quand même élevée.

Il a râlé quand j'ai décidé de travailler à temps partiel en distanciel. Mon métier de traductrice me le permet. Comme cela, je peux veiller sur les deux personnes qui compte le plus pour moi.

Il supporte mal que je le surveille dans la gestion de son traitement mais il se laisse finalement materner sachant mon coté têtu.


Au fil des mois, nous gardons espoir quand les résultats sont bons. Il travaille de moins en moins à cause de la fatigue de la maladie. Il s'efforce de garder son lumineux sourire pour nous rassurer.


Dans le déni sur son état que Kaito se démène à cacher, nous vivons tranquillement. Je m'occupe de l'entretien de la maison entre deux séances de travail. Quand Yuko rentre de l'école, je l'aide aux devoirs. Nous écoutons les récits de ses journées avec Kaito. Yuko a toujours une anecdote marrante à nous raconter. C'est un petit garçon vif, intelligent et souriant. La joie de vivre incarnée.


Kaito profite un maximum de son fils car le temps est compté, il le sait mais ne montre rien. Il lui apprend tout ce qu'il sait. La nuit, il écrit dans ses carnets : une page pour chaque jour de la vie de son enfant qu'il manquera. Lentement, il prépare la suite tragique à l'issue fatale. Il écrit des lettres pour chaque moment important pour son fils et sa sœur.


Un jour, en rentrant d'une visite à l'hôpital, il annonce que le lendemain il partait tous les trois pour Tokyo Disneyland. Il a un faux sourire mais mon neveu est si heureux qu'on a du mal à le coucher. Le lendemain, euphoriques, on profite de cette journée en famille dans le parc mythique. Toutes les attractions possibles y passent. C'est une journée de joie et de bonheur où on ne se prive de rien. Dans ma mémoire sera gravé les sourires radieux des deux hommes si chers à mon cœur. On rentre le soir mort de fatigue mais heureux.


Quelques jours plus tard, l'état de Kaito se dégrade. C'est la fin de la joie au sein de la maison. Mon frère alterne les moments de mieux avec les moments où il est tellement mal qu'il ne peut se lever, trop fatiguer. A chaque fois c'est de pire en pire. Ses séjours à l'hôpital sont de plus en plus fréquents.


Yuko devient alors un petit garçon taciturne. Depuis qu'il a appris la nouvelle de la maladie de Kaito, il s'inquiète pour moi et pose de nombreuses questions sur la mort, ce qu'il y a après. Confuse, je ne sais pas quoi lui répondre. Je le protège comme je peux, trouve des mots qui me semblent adaptés mais je reste honnête avec lui car il ne supporte pas le mensonge.


Avec l'accumulation des dettes, des factures d'hôpital, je complète mes heures avec le petit travail de nuit au Konbini du village. Je travaille sans relâche en m'oubliant totalement. Je fais tout par automatisme, mon cerveau bloqué par la situation. Je garde en moi toute la souffrance qui ronge mon corps pour être le pilier de cette famille. 

Voir mon frère devenir l'ombre de lui-même me déchire. Je pleure la nuit lorsque je suis seule. La torture de cette survie continue et détruit chaque membre de notre famille brisée.


Je dois tenir pour eux !


Un matin, après une dure nuit de travail, je rentre et m'installe auprès de mon frère comme chaque jour. Il prend ma main me demandant de lui faire un tas de promesses que je lui accorde. Il m'indique dans un souffle où se trouve carnets et lettres ainsi que ses instructions. Il a tout rassemblé pour me faciliter l'après. Je le supplie de garder ses forces qui le quittent peu à peu.


Après cet épisode, Kaito semble avoir disparu. Son corps est là mais son esprit le quitte lentement. Bourré de médicaments, son corps le lâche graduellement. Un matin, je le retrouve endormi pour toujours. J'accueille sa mort dans un cri de souffrance indéfinissable. Mon frère, mon roc n'est plus. Il faudra de longues minutes pour que les voisins et amis me décrochent de mon Kaito. Je prends Yuko en pleurs dans mes bras.


Je nous enferme dans notre affreuse bulle de douleur revivant le moment le plus difficile de ma vie. Je ne vois plus rien et n'entend plus rien que ce petit être tremblant d'un chagrin insurmontable.

Le CrabeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant