Tu m'avais promis : pourquoi la fin ?

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L'atmosphère est électrique.


Au funérarium ; les visages défilent lentement pour rendre un dernier hommage à Kaito. Je suis épuisée par le manque de sommeil et par le flot de larmes déversées. J'ai tellement pleuré que je pensais mes larmes taries mais mes yeux s'embuent par vagues encore et encore.


Mon cœur se serre d'une douleur indescriptible, il est lourd et je semble porter le poids de l'univers sur mes épaules. Il n'est plus Il nous a quitté si vite Dehors j'entends les cris de Yuko. Il est brisé, meurtri, son père est passé de l'autre côté et je ne sais pas comment alléger sa peine nous sommes amputés d'une partie de notre cœur nous sommes orphelins de l'être aimé.


Nous entrons dans cette pièce morbide pour un dernier au revoir. Mon neveu, meurtri par la peine, s'accroche à mes hanches désespérément. Je l'entoure de mon amour. Il est tout ce qu'il me reste. Ce n'est plus tout à fait un enfant, mais pas encore un homme.


Pourquoi nous as -tu abandonné ? Tu avais promis de te battre !!!!


Le Crabe a poursuivi son invasion de ton corps à une vitesse fulgurante.

Il a conquis tes organes un par un sans jamais reculer.

Tu n'as rien pu faire, il a été plus agressif que toi.

Les traitements ont été inefficaces. Malgré les soins et la bienveillance du personnel médical.


Je suis en colère contre le monde entier !!

Ils sont en vie et pas toi !!!

Je suis triste sans toi !!!

Tu me manques déjà Kaito !

Que va-t-on devenir sans toi notre roc, notre pilier !


Je perds pied dans cet amas de connaissances. Je ne reconnais personne pourtant des proches. Ma tête est lourde, en béton. Mon cerveau ne veut pas enregistrer cette information.


Quand je te vois allongé sur ce lit éternel, je me dis que ce cauchemar va s'arrêter et tu vas te réveiller et me dire que c'était une blague !!!

Tu savais me rendre folle avec tes bêtises mais cela m'apaisait. Depuis la mort de nos parents, tu étais tout ce qui me restais, ma raison de vivre. Aujourd'hui, je suis l'unique famille de ce petit être fragile, celui qui me maintient debout.


Tu es si beau mon Frère dans ton costume traditionnel même dans la mort. Toujours la même élégance, la même prestance, le même Tu as choisi ta tenue avant ton dernier souffle. J'ai respecté chacune de tes volontés même si elles me font mal.


L'odeur de l'encens est insupportable. Elle me prend aux narines en me soulevant le cœur. Mon corps est devenu si fragile brisé par le chagrin que la moindre étreinte semble sur le point de cassé. Mon visage blafard est amaigri, il ne laisse pas transparaitre ma profonde blessure.


Mes yeux fixent ta photo. Celle où ton beau sourire nous inonde de ta lumière.


Je n'en peux plus de toute cette compassion vis à vis de notre peine.


J'étouffe !


Je ne peux pu respirer, j'ai mal à en crever !!!!


Tu me manques, je me sens seule !!!


Les témoignages, les marques d'affections me font glisser dans le sombre enfer. Je craque !


Je pleure de toute mon âme, je me tords tellement j'ai mal !!!


Mais je dois faire face, je dois de reprendre courage pour la promesse que je t'ai faite, pour moi et surtout pour Yuko !!! Je le serre fort contre moi.

Ses larmes ont fini par cesser. Il semble sans réaction, apathique. Il est devenu une coquille vide sans cette belle lueur de malice qui brillait en permanence dans son regard. Il est éteint.


Je t'ai promis que j'en ferais un homme bien droit, honnête aussi bon et fort que toi grand frère !! A ton image que j'idéalise déjà.


Enfin, la cérémonie prend fin. Je ne me souviens de rien car je suis plongé dans les tréfonds de mon âme torturée. Mon esprit cotonneux est ramené à la réalité par l'officiant qui m'annonce le départ vers le cimetière.

Douloureusement, nous nous relevons la photo de notre cher disparu dans nos mains. Nous nous mettons à l'arrière de ce monstre qui gobe mon frère. Le cœur lourd, nous suivons le van noir qui nous l'enlève


L'un contre l'autre nous marchons lentement le temps de cette promenade funèbre qui nous prend notre énergie petit à petit. Nous arrivons à bout de force sur le lieu de sa dernière demeure. Nos larmes tombent en cascade au rythme de ce bruit irritant de poulie. Nos gémissements de douleurs augmentent au fur et en mesure de la descente du cercueil en terre.


Nous sommes face à la réalité : il ne reviendra définitivement plus. Mon organe vital tombe en miette morceaux par morceaux. Ma poitrine me serre cruellement.


Une sorte de torpeur m'emporte. Un voile noir se dessine devant mes yeux. La fatigue cumulée ces derniers mois, le chagrin grandissant, mes jambes ne me portent plus. Je me laisse doucement glisser quand je sens un torse ferme me réceptionne doucement. J'ouvre les yeux choqués.


Lui ! Mon premier amour ! Mon premier chagrin !


Je souffle sèche :


- Daisuke ! Je te croyais aux Etats-Unis. Tu m'as laissée pour cela non ?


- Kaito... Il m'a fait promettre de revenir pour toi et Yuko. Il savait que tu t'épuiserais à la tâche.


- Même dans un moment pareil, il a....pensé à nous.


- Oui et j'ai toujours regretté. Si tu ne veux plus de mon amour acceptes au moins mon amitié


Mes larmes envahissent mon visage quand deux petites mains fébriles m'agrippent. Mon neveu apeuré me fixe. Je lui souris tristement mais le rassure. Je ne l'abandonne pas. J'accepte la main tendue sans volonté de combat, trop épuisée. Je ne lui pardonne pas mais j'accepte son approche. Ma priorité est faire le deuil de l'homme le plus important de mon existence et donner une vie douce à mon neveu, mon filleul et désormais la prunelle de mes yeux.

Un dernier baiser dans les cheveux de jais de mon précieux pour l'apaiser.


Nous quittons cet endroit de mort au soleil couchant sur cette journée de cauchemar.


La fin d'une vie et le début d'une autre.


Demain est un autre jour, une page d'un nouveau chapitre de notre destinée. Un jour viendra où le souvenir de nos disparus sera plus léger mais en l'instant la grisaille a pris place pour un moment au sein de notre être.

Le CrabeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant