Chapitre 13

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Severus courait plus qu'il ne marchait. Bien qu'il ne fût pas très tard, les rues étaient peu animées. Des ombres furtives le croisaient, il ne les voyait pas. La nuit était tombée pendant la demie heure qu'il avait passée Grevillestreet.

Le pasteur ralentit un peu le pas. Il se sentait tellement désespéré qu'il songea un instant à gagner les rives de la Tamise pour se jeter dans les eaux noires et glacées du fleuve ...

De tous les sentiments contradictoires qui l'agitaient, la tristesse était sans doute le plus fort.

Il revoyait le beau visage de Harry, dans la petite chambre à Poudlard, son sourire lumineux ou coquin, la manière dont il lui avait saisi la tête entre ses mains pour prolonger le baiser, et comment il avait ondulé de plaisir sous ses caresses, sensuel et charmeur. Puis lui revenaient les mots incroyablement durs que le garçon lui avait lancés à la figure dans le salon du Lord. Et son coeur chavirait, se crispant de douleur dans sa poitrine...

Le Lord avait réussi à le reconquérir. De quelle façon, Severus n'en avait aucune idée. Mais grâce à sa beauté, son assurance et son indéniable charisme, l'homme n'avait sans doute pas rencontré de grande difficulté. Et Harry s'était laissé prendre au piège. Il n'échapperait plus à cet homme perfide.

L'expédition à Manderley n'avait servi à rien. Severus eût mieux fait d'abandonner dès le début le garçon à son sort, au lieu d'écouter les Weasley et de se lancer à son secours, à l'époque. Le jeune Potter ne valait pas la peine qu'ils s'étaient tous donnée pour le libérer des griffes du Lord...

Pour commencer, il avait cédé aux avances de Narcissa Malefoy. Bien que furieux contre lui -en apparence du moins-, Severus lui avait secrètement trouvé des excuses. Il était jeune, et les Weasley l'avaient plus ou moins poussé dans les bras de la comtesse, leur bienfaitrice. Le facheux épisode Parkinson avait ensuite précipité le garçon dans la clandestinité et l'avait jeté dans les filets de lord Voldemort. Ce dernier avait su profiter de la situation, et Harry était tombé sous son emprise. En réalité, il n'en était jamais véritablement sorti. Et s'il s'était un temps rapproché de son ancien professeur d'orgue, ce n'était qu'une illusion, une pseudo-relation pour combler le vide que créait en lui l'absence du Lord. Dès que ce dernier avait surgi de l'ombre, le jeune homme s'était à nouveau laissé séduire et enchaîner.

Severus se sentait trompé, trahi, profondément blessé et humilié. Oui, Harry avait raison: comment avait-il pu croire un instant que "quelqu'un de normal puisse s'éprendre de quelqu'un comme lui?"... Comme il avait été crédule et naïf! L'adolescent s'était bien moqué de lui. Il était le digne fils de son père, l'odieux et trop attirant James Potter, dont Severus avait été autrefois le souffre-douleur.

Incroyablement doué pour la musique, le garçon ne comptait guère de qualités par ailleurs. Il était faible, vénal... Il n'avait aucune constance dans sa vie affective et sentimentale... et développait un penchant certain pour la luxure, sous toutes ses formes...

Dire que Severus avait eu la ferme intention de quitter l'Eglise, pour vivre sa relation avec lui en toute honnêteté! Heureusement, ses démarches s'étaient limitées à envoyer une lettre assez évasive à son ami, l'évêque Gilbert King, qui ne lui tiendrait pas rigueur de vouloir revenir sur son projet. C'était un homme intelligent, qui avait connu lui aussi des périodes de doute... Il le comprendrait certainement.

Mais comment diable Severus avait-il pu se laisser entraîner aussi loin, pour l'amour d'un garçon hélas terriblement superficiel? C'était un mystère... A trente-sept ans, il n'était pourtant plus un tout jeune homme, innocent et influençable. Il aurait dû se méfier plus encore de cette attirance excessive, maladive, pour le fils de Lily. Et garder ses distances, maintenir cette froide réserve qui, jusqu'alors, avait toujours fait ses preuves...

Le pire est derrière vous, Potter (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant