Sommes nous libre de choisir ?
Olena se posait la question lorsqu'elle se mit à réfléchir activement à son emploi, sa vie, ses choix...
Le choix. Nous pensons tous avoir le choix. En réalité, nous sommes déterminés par tellement de phénomènes et de facteurs différents. D'ailleurs, c'est peut être parce qu'il y en a autant, parce que cette multitude de facteurs est si vague que nous pensons être seul maître de nous-même. Cette multitude, ce déterminisme de la vie nous fait agir de telle ou telle manière: qui ne s'est jamais dit, un jour, à lui même, « si je n'avais pas fait ça, il y a tant de temps, je n'en serais pas là. » ?
Nous nous le sommes tous dit un jour, Olena, elle, se l'était dit un bon milliard de fois et c'est ce déterminisme là que l'on pense combattre.
Par exemple, un jour, à une soirée organisée par des amis, on rencontre telle personne. Un an plus tard, on est toujours amie avec cette personne. Ce ne serait pas le cas si il n'y avait pas eu d'invitation à ladite soirée.
Bien que ici, l'exemple soit positif, il peut être aussi négatif. Mais peu importe vers quelle tendance il tend, cet exemple nous montre que nous ne sommes pas forcément libre de tout. On choisi d'accepter l'invitation, mais sans celle-ci, il n'y aurait pas eu de rencontre, donc la rencontre a été déterminée par le fait que l'on est ou non invité.
Et elle ne dépend pas de soi.
Alors que choisissons nous réellement ? Comment nous habiller le matin ou plus largement, quelle opinion partager ?
Nous pourrions répondre un bref "oui" à ces questions, or ce n'est pas le cas et de toute façon, Olena n'aimait pas les réponses trop simples, sans quoi elle n'aurait plus rien à penser.
« -Bonjour, je vais prendre un expresso et un pain au chocolat s'il vous plait. »
Olena exécuta sa tâche tout en réfléchissant activement.
Nous sommes influencés par des modes et des tendances inscrites dans l'évolution de notre culture et nous ne sommes pas capables, ou très peu, de nous détacher des masses. Pas par manque d'envie ou par ignorance, mais car cela nous est tout simplement impossible.
La publicité, par exemple, nous étudie et nous incite constamment à consommer de nouveaux produits ou à adhérer à tel mode de vie. Cette dernière nous conditionne.
Elle sait ce que l'on veut voir, ce que l'on veut entendre ou non. Dans une pub pour une voiture française d'il y a plusieurs années, une femme hésitait tellement qu'elle fit l'amalgame des deux noms des modèles de voiture, pour éviter d'avoir à donner une réponse claire.
Olena se fit la réflexion que, sexisme mis à part et tendance féministe écartée, si l'on étudie cela de plus près, on constate que l'Homme moderne vit dans l'incapacité de choisir: d'abord car on lui offre trop de choix, peu importe l'objet de l'hésitation (ici, une voiture), puis car il est dans l'incapacité de formuler une réponse s'il n'a pas reçu une quelconque influence (qu'elle soit positive ou négative).
Ce qui nous ramène à ce que nous disions au début, trop de facteurs différents nous déterminent et nous empêchent de choisir réellement.
Alors comment faire ? Vivre en ermite dans une caverne, sans aucun accès à une quelconque culture ? Même cela serait très compliqué, car l'homme n'est capable de vivre qu'en communauté, il dépérirait donc s'il vivait seul trop longtemps. Après tout, l'homme est un animal social.
La solution est peut être déjà d'accepter le fait que nous n'avons pas le choix.
D'accepter que le libre arbitre n'est qu'une illusion destinée à nous rassurer quant à la totale incurie dont nous faisons preuve, inconsciemment, en ce qui concerne nos choix et notre vie.
Nous n'avons jamais le choix dans la vie, bien que nous pouvons décidé de faire preuve d'audace et de s'opposer à ce déterminisme. Mais cela est peine perdue, lutter contre le déterminisme, c'est déjà être déterminé par celui-ci.
Il faut évidemment ne pas confondre l'acceptation de ce fait et celui d'être totalement soumis car « tout est relatif et de toute manière nous n'avons pas le choix ».
Certains fainéants se cacheront derrière cette idée que, puisque qu'on n'a pas le choix, autant s'en remettre au destin ou autre, et l'utiliseront pour se dédouaner de leurs erreurs. À défaut d'avoir un quelconque pouvoir sur notre vie, on peut toujours essayer.
Que serait devenue la France si, en 1940, De Gaulle s'était dit « toute façon on a pas le choix » ?
Olena devina aisément que si ça avait été le cas, on serait tous habillés en treillis, prêts à détruire le monde.
On ne peut pas choisir sans que certaines circonstances n'aient déjà choisi pour nous, certes, mais une fois que l'on a compris que cela était déterminé, que ce choix dépend avant tout de tout le reste plutôt que de soi, on peut choisir d'utiliser ce fait à notre avantage.
Là est la force de l'Homme, sa conscience lui permet de transformer cette obligation à laquelle il est soumis, contrairement aux animaux qui eux sont tributaires du "on a pas le choix", si toutefois des animaux peuvent être tributaires de quoi que ce soit. En revanche ils ne peuvent choisir, par exemple pour les plus faibles, de construire des armes pour se défendre (encore que les singes nous surprennent), ils évoluent pour surmonter les épreuves mais ne peuvent s'y soustraire contrairement à l'Homme qui développe toutes sortes de projets de diverses natures pour ne pas surmonter l'obstacle mais pour le détruire.
Les publicitaires le font très bien. Ils ont bien conscience qu'ils déterminent le choix des populations.
Alors comment faire, une fois que l'on a compris que l'on n'a pas le choix, pour ne pas être perdu?
La vraie question, c'est plutôt: comment les gens font-ils pour avoir l'air si confiants et sereins quand Olena est paumée dans un monde auquel elle ne comprend rien ? Est-elle la seule ? À ce moment là, le problème est réglé, elle est stupide. Mais partons du principe qu'elle ne l'est pas et que tout le monde se donne l'air de gérer ses petites affaires.
Comment peut on avancer dans une vie où tout peut basculer à tout moment sans qu'on le prévoie ? Comment évoluer comme ça?
Si nous pensons constamment que nous sommes maîtres de nos vies nous serons dans le déni. Mais il est impossible de bâtir quoi que ce soit sur l'idée que tout peut s'écrouler à cause de tel ou tel facteur extérieur.
D'après une vague observation des individus qu'Olena avait pu côtoyer durant presque vingt sept ans de vie, elle constata que l'Homme se mentait en fait. Tout simplement.
Quelle chute pour une telle énigme. Olena se rendit compte que l'Homme avait créé ce « libre-arbitre » qu'il utilisait à tout bout de champs et sous n'importe quel prétexte.
Sartre, quel idiot, pensa-t-elle avec ironie en voyant une cliente hésiter entre muffin myrtilles ou chocolat.
La vision du libre-arbitre d'Olena est en réalité quasi onirique. Autant dire que l'attitude des gens la laisse parfois complètement dubitative, notamment quand ils sont persuadés d'avoir fait LE choix décisif de leur vie, qu'ils se sentent obligés de faire partager aux personnes alentours (comment en serait-elle informée sinon?) mais qu'ils ont l'air si vide.
Cela dit, Olena ne comptait pas faire accepter sa vision de la chose à tout le monde; ces gens qui refusent de voir la vérité en face, pensent encore qu'ils ont le choix.
Car l'homme est doté du « libre-arbitre »...
Ce n'est même pas agréable à prononcer, pensa-t-elle après que la cliente eut choisi un muffin au citron.
Olena pensait qu'il vaudrait mieux dire: illusion créé par l'homme pour lui donner l'impression d'avoir le choix et pour le rassurer quant à la totale ingérence qu'il exerce sur sa propre vie.
Cela serait plus juste.
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Une question de choix
Historia CortaQuatrième nouvelles abordant les réflexion d'Olena sur la question épineuse du choix et du libre arbitre. Photo prise sur google images.