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Il fait chaud.

Entre les bras de celle ayant bercé ma nuit régnait une douce chaleur, celle générée par un cœur battant doucement au rythme langoureux d'un amour naissant. Je me perdais dans les profondeurs de sa poitrine, avant de ressurgir de ces abysses en suivant la longue rivière fleurie de ses cheveux. Mes mains, en caressant son dos, se perdaient dans les monts formés par ses douces courbes, avant de plonger au creux de ses reins, pour n'en ressortir que pour mieux y replonger ensuite.

Après être partie quelques minutes, elle était revenue, les bras chargés de victuailles diverses glanées au grès de ce qu'elle pouvait trouver dans mes placard poussiéreux. De ses longs doigts fins, elle me tendait alors une tasse remplie d'un liquide sombre à l'odeur âcre, et pourtant douce, couvert d'une fine mousse brune, que je devinait aisément être du café, tandis que ses bras gracieux laissaient s'écraser sur la couverture toutes sortes de gâteaux et de sucreries. Je la contemplais, toujours époustouflée par sa tendre beauté, avant de concentrer mon attention sur le café, et le fin fumet qui s'en dégageait.

Cette odeur m'étais si familière, qu'il me semblait en avoir été abreuvé toute mon enfance. Bien que je n'ai aucun souvenirs de cette dernière, toute la période précédant mes 13 ans ayant été mystérieusement effacée de ma mémoire, la tasse chaude entre mes mains semblait faire remonter de la surface certaines bribes perdues de mon passé. Ce n'était rien de plus que quelques images floues aux couleurs chatoyantes, associées à une sensation de profonde paix, mais cela semblait suffisant pour parachever mon apaisement.

Après avoir créé un petit nid au creux du lit pour toutes nos sucreries, ma douce compagne avait décidé de me rejoindre, avant de me serrer tendrement dans ses bras, ma tête reposant sur sa poitrine galbée. Ses doigts parcouraient eux aussi mon corps, traçant ses contours, mais se heurtaient fréquemment à une plaie, ou une vieille cicatrice. Il semblait évident que je n'avais pas été taillée dans un marbre aussi fin que celle qui m'accompagnait, mais cela ne semblait en aucun cas la déranger, et c'est avec admiration qu'elle dessinait du doigts chacune de mes aspérités.
Parfois, de sa voix cristalline elle me demandait d'où venaient ces vieilles plaies, soulignant le fait que j'aurais pu les faire soigner, et n'en garder aucune trace, mais ses questions restaient vaines. En effet, soit j'avais oublié d'où la plaie venait, soit l'histoire de la cicatrice ne valait pas la peine d'être contée.

Et dans cette douce atmosphère s'écoulèrent une journée entière, puis deux, trois, et les jours se transformèrent en semaines. Le premier jour, j'apprenais son nom, Gabrielle, et son histoire dans les grandes lignes, et par la suite, c'est tout son passé qu'elle me dévoilait, ses rêves, ses envies, ses craintes et ses peines. De chacune de ses paroles coulaient des litres d'éloquence, et plus le temps passait, plus je percevais dans son regard l'infinité que cachait son esprit. Elle était intelligente, brillante même, drôle, forte, tant physiquement que mentalement, et d'une créativité sans faille. La musique était son art, et elle semblait à l'évidence être une véritable génie dans ce domaine. Nous parlions librement, sans crainte du jugement de l'autre, et j'étais sans cesse étonnée par sa bienveillance. Avec elle je me sentais bien, en sécurité, et j'espérais que cela soit réciproque. Plus le temps passait, plus nos liens s'étoffaient.

Un soir, un peu avant qu'elle ne parte travailler, comme à son habitude, je lui posais enfin une question qui me taraudait. Je lui demandais comment une personne comme elle pouvait se retrouver à travailler aux côtés de soûlards dans un bar miteux. En guise de réponse, elle me lança un sourire énigmatique, avant de me dire que ses idées novatrices avaient pu gêner quelques personnes hauts-placées dans sa ville d'origine, et que vivre ici, en travaillant dans ce bar, était une façon de faire profil bas. Elle ajouta également qu'elle appréciait l'ambiance chaotique de ces bars reculés, à la fois havres de paix et bouches des enfers, et qu'aujourd'hui, elle souhaitait continuer d'y travailler.
Puis, de son habituel balancement de hanches langoureux, suivis du vol gracieux de ses longs cheveux, elle se retourna, et sorti de l'appartement que désormais nous partagions à deux.

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⏰ Dernière mise à jour : May 27, 2021 ⏰

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