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Je brûle.

Je brûle de l'intérieur, et mon esprit entier s'embrase d'un un feu né dans ma gorge. J'ai mal, je respire mal, tout se bouscule dans mon crâne, tout ne forme plus qu'un Chaos sans nom qui aurait effrayé les premiers dieux. Je ne réfléchi plus. Je n'y arrive plus. A moins que je ne réfléchisse trop. Je ne sais plus, je ne sais plus, la raison m'a quitté. Mes poumons se remplissent désespérément d'air sans que l'oxygène n'atteigne mes veines, mon coeur n'est plus qu'une masse vide qui tambourine sans bruit. Mon corps est parfois secoué de légers tremblements qui trahissent mon angoisse. Le silence devient un bruit assourdissant. Je dois m'échapper, je dois sortir de ma tête.

Je mets quelques vêtements chauds, une veste, j'allume mon système de diffusion auditive, ou SDA, et lance cette musique qui tourne en boucle dans ma tête telle une mauvaise comptine pour enfant. J'attrape mes clefs, et dévale les escaliers menant au dehors avec le peu de forces qu'il me reste.

Je sais, je n'apprend pas vite. Il y a quelques jours à peine j'étais chez les Soignants suite à mon agression, et me revoilà déjà dehors, de nuit. Mais je ne peux pas rester chez moi. Je dois, j'ai besoin de sortir. J'aimerais parler avec quelqu'un, mais je suis seule, et je me résigne donc à la place à noyer mon esprit dans les vapes d'un alcool peu cher et beaucoup trop fort.

Je respire. Je commence à aller mieux. Marcher me fait reprendre conscience de mon corps. Ma musique atténue le silence qui me rendait dingue. Mais mon esprit continue de s'agiter dans les brumes d'un chaos infernal, et je sais, je sens qui si je baisse la garde, je vais de nouveau perdre le contrôle.

Je dois avancer.

Je me dirige vers ce bar, situé pas très loin de chez moi. Il n'est pas plus glauque que n'importe quel autre établissement de cette ville, et je connais le patron, ainsi que la majorité des employés. J'y serais relativement en sécurité. En plus, je peux y payer moins cher les boissons.

Je me trouve donc enfin devant cet escalier luisant d'eau, de sang, d'urine, et d'autres liquides que je ne préfère pas avoir à identifier. J'arrive tout juste à distinguer, en contre-bas, une porte, blindée et faite d'un métal froid, dernier rampart à ma délivrance, sur laquelle les quelques néons blafards encore en état de marche de l'enseigne balancent une faible lumière inquiétante. Je descend les escaliers, et avant même d'avoir eu le temps de frapper, le videur situé derrière m'ouvre. Il me salue, prévient son patron que je suis ici, et me fait signe d'avancer, un sourire qui se veut charmeur accroché aux lèvres. Dommage pour lui, je ne cherche pas les plaisirs de la chair aujourd'hui.

J'arrive au bars, et demande à celle qui le tient ce soir de me servir ce qu'elle a de plus fort. Elle me tend une boisson à l'air douteux, et je l'avale d'un trait. Je vois qu'elle essaye de me parler, mais elle abandonne rapidement en remarquant la petite diode allumée sur ma tempe, indiquant que je suis plongée dans la musique. Je préfère me concentrer sur la brûlure que trace l'alcool dans ma gorge, avant de venir éteindre les flammes qui s'y trouvaient, et, peu à peu, je sens enfin la boisson me plonger dans ses brumes, et mon esprit s'apaiser.

Je prend le temps de regarder de plus près celle qui me sert ce soir. Elle est belle, magnifique même, avec ses grands yeux verts surplombés d'un nez fin, et trônant sur une bouche pulpeuse teintée d'un rose pâle. Son visage est lui aussi fin, délicat, et parfaitement encadré par de longs cheveux roux reposant sur une poitrine discrète. Son corps, maigre, élancé, à l'évidence celui d'une personne assez sportive, est parfaitement moulé dans une robe d'un rouge carmin lui seyant à merveille. Ses poignets, si fragiles qu'ils sembleraient pouvoir être cassés comme une brindille, sont parsemés d'une multitude de bracelets, et dans son décolleté trône en pendentif une bague retenue par une petite chaîne dorée. Elle avait choisi d'être assez discrète sur ses Augmentations, et seules quelques veines grises trahissaient leur présence. Elle était décidément à couper le souffle. Peut-être que je pourrais finalement être intéressée par un peu de compagnie ce soir.

Je décide d'éteindre mon SDA, et de commencer à daigner lui parler. Au bout de quelques heures, et quelques verres en plus pour ma part,  elle m'annonce que son service se termine bientôt, et qu'elle serait ravie de lutter contre le froid des grandes nuits en ma présence. Nous partons donc chez moi, et concluons dignement cette soirée ayant si mal commencé.

KOù les histoires vivent. Découvrez maintenant