Chapitre 19

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Dimanche 9 janvier 2013

Paris (Gare de Lyon)

22:29

__Esther__

La guichetière prit les billets que je lui tendis puis après quelques secondes qui me parurent durer des heures, elle me donna enfin nos deux allers pour Lyon. Harry, qui c'était vautré dans un siège en métal à quelques mètres de moi, se leva en me voyant m'approcher de lui. 

« Il part dans quinze minutes.
- Parfait. » 
bredouilla-t-il en regardant tout autour de lui, pas rassurés du tout.
Cette gare ne me revenait pas non plus. Je lui prenais sa main et on se dirigea vers le quai.

Le TGV transperçait l'obscurité à toute allure. On avait quitté Paris vingt minutes auparavant. La voiture 5 où nous nous trouvions était à moitié vide et personne ne faisait attention à nous. Harry et moi nous étions installés face à face dans un petit coin à quatre sièges. Nous avions deux heures devant nous avant d'arriver à Lyon. En ce moment, Ethan et Chuck avaient peut-être eu vent de la supercherie. En sachant qu'il leur serait impossible d'arriver à Lyon avant nous, je poussai un long soupire. Harry tourna la tête vers moi une seconde avant de reposer son front contre la vitre froide. 

J'attrapai le sac en plastique à côté de moi qui contenait les friandises que j'avais acheté au bar du TGV. Sans un mot, Harry prit un paquet de Skittles qu'il ouvrit avec des doigts tremblants. Pendant ce temps, j'entrepris de me remaquiller, afin de masquer les légères égratignures que j'avais sur le visage. Quand ce fut fait, je me laissai retomber sur mon dossier et fermai les yeux. 

« Tu comptes dormir ? »
J'ouvris les yeux. Harry me fixait avec surprise.
« Essaye de te reposer. Même si tu ne dors pas, ce n'est pas grave.
- Ok, et après tu m'expliqueras ce qui se passe car je sais toujours pas pourquoi j'ai failli être tué par deux malfrats surexcités... » 

Le reproche sous-jacent dans ses mots était perceptible.
« Tu devrais essayer de te reposer. A Lyon, on t'expliquera tout. » dis-je simplement, ignorant le sentiment de culpabilité qui m'avait envahi.

23:39

__Harry__

Depuis que le train avait quitté Paris, je pensais beaucoup aux autres. Que faisaient-ils tous en ce moment ? Notre sortie du théâtre avait été tout sauf discrète. Notre disparition avait dû être signalée et pourtant, ça ne semblait pas inquiéter Esther. J'étais persuadée que si la police française nous retrouvait, ça serait un jeu d'enfant à Ethan et son copain d'attraper Esther et de lui faire... ce qu'ils voulaient d'elle. Au fait, que lui voulaient-ils ?

Elle était immobile sur son siège depuis plusieurs minutes, les yeux fermés, les traits de son visage totalement détendus. Impossible de savoir si elle dormait ou pas. Elle est aussi en piteux état que moi mais au moins, ses raccords maquillage avaient néanmoins dissimulés une grande partie de ses blessures. Maintenant que nous étions en sécurité dans ce train, mon cerveau recommençait à fourmilier de milliers de questions ? Une, surtout, revenait sans cesse.

« Tu penses que... qu'ils nous retrouveront là-bas ? demandai-je dans un murmure peine audible.
- Je n'en sais rien... répondit-elle d'une voix pâteuse en gardant les yeux fermés. Mais au moins, on aura quelque part où se cacher. 
- Tu parles d'Interpol ? »

Elle releva la tête brusquement en ouvrant les yeux. 
« C'est ça ? On va à Interpol ? » insistai-je.
Elle ne répondait toujours pas, se contentant de me fixer avec stupeur. Puis elle poussa un soupire. 
« Sam. C'est elle qui t'as dit ça. »
Je n'affirmai pas. Ce n'était pas le meilleur moment pour lui avouer que je m'étais introduit chez elle en douce un après-midi d'octobre. Elle frotta son visage avec ses mains qu'elle passa dans ses cheveux noirs.
« C'est ça. On va à Interpol, dit-elle en pointant ses yeux dans les miens.
- Et eux ? C'était qui ?
- Ça serait trop long à t'expliquer...
- Ça m'est égal. 
- Harry...
- J'ai tout mon temps.
- Je suis désolée que tu sois embarqué dans tout ça avec moi. Je te jure que c'est la dernière chose que je voulais. C'est pour ça que je ne vous ai rien raconté à tous. Vous auriez été aussi en danger. 
- T'as bien dit des trucs à Sam... 
répliquai-je sur un ton boudeur.
- Le strict nécessaire... Franchement Harry, tu ne-
- J'aimerai bien moi aussi le connaitre ce ʺstrict nécessaireʺ. Parce que tu le veuilles ou non, je suis impliqué maintenant ! J'ai deviné qu'ils te voulaient toi et qu'ils ne s'attendaient pas à me voir. Qui sont-ils ? »

Elle se mordilla les lèvres.
« Tu les as déjà vus ? insista-t-il.
- Chuck, c'était en décembre dernier. 
- Le mec du supermarché, je me souviens de lui. »

Si elle fut surprise d'apprendre ça, elle ne le montra pas.
« Et Ethan ?
- Son visage me disait quelque chose. Enfin, plus particulièrement ses yeux. Mais je ne savais pas qu'il pouvait être lié à tout ça. 
- Pourquoi ils te veulent du mal ? 
- Ce n'est pas à moi qu'ils en veulent, c'est à mon père. »

Behind SchwartzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant