L'arbre à textes

DEUX NEMESIS SOUS LA PLUIE

Nous étions là, seuls, à regarder le ciel s'assombrir. Les gros nuages gris ne présageaient rien de bon. Bien évidemment, nous étions loin de tout. Seul un parapluie pouvait nous protéger, à condition que nous nous serions l'un contre l'autre. À voir la grimace que faisait Malefoy, il ne semblait pas prêt à s'y résoudre. Ses yeux gris fixaient le ciel avec un air désapprobateur. Je ne disais rien, le regardant avec malice. Il dut s'en rendre compte parce qu'il me lança un regard en maugréant de sa voix traînante :

" Quoi ?- Rien rien, répondis-je avec un sourire narquois. Tu es amusant à observer.- Amusant ? Je vais au choix devoir partager un parapluie avec toi, ou tomber malade à cause du froid.- Si jamais tu devais tomber malade, je m'engage à venir te voir tous les jours pour t'apporter les cours. Ça y est, il était furieux. Il me lança un regard assassin avant de cracher son habituel venin.- Je préfère ma mère, si tu vois ce que je veux dire Potter. Rien ne remplace un sourire doux de sa mère et ses caresses. Enfin, toi, tu ne dois pas savoir ce que ça fait."

Un nouveau sourire étira mes lèvres. Depuis le temps qu'il lançait des piques sur le fait que ma mère était morte, je m'étais habitué. C'était même devenu un jeu. Le faire craquer le plus tôt possible. Autant vous dire que Drago Malefoy était l'un des élèves le plus réceptif à la provocation à Poudlard. Mon sourire l'agaçait encore plus. Il me prit le parapluie des mains pour se protéger avec. Je sentis des gouttes glacées couler sur mon visage, dans mon cou puis mon dos. Je frissonnait. Il me regardait avec un sourire goguenard :

" Ne t'attends pas à ce que je vienne t'apporter les devoirs si tu devais être malade. J'ai bien mieux à faire."

Je ne répondis rien. Encore une fois, je ne savais pas quoi répondre. Dans le fond, je m'en fichais pas mal. Quand enfin Malefoy regarda dans une autre direction, je me glissai derrière lui, sous le parapluie, et je posai mes mains sur ses hanches :

" Je te propose que nous partions tous les deux, loin de tout. La fuite est notre seule solution, ai-je susurré dans le creux de son oreille.- Qu'est-ce que tu racontes Potter ? Éloigne-toi de moi !"

Je partis dans un grand éclat de rire. Il avait violemment sursauté lorsque je l'avais enlacé. Je riais tellement que mes yeux pleuraient. Je ne me souvenais pas d'avoir ri ainsi depuis longtemps. Comme il fallait s'y attendre, Malefoy était hors de lui. Il me menaçait, me hurlait dessus, mais rien n'y faisait. Tout à coup, je me sentis plaquer contre le tronc d'un arbre, le coude de Malefoy sur ma gorge et mon envie de rire s'éclipsa aussitôt. Ses yeux gris avaient une teinte sombre, de mauvais augures :

" Encore une blague de ce type Potter et je te fais la peau. Tu as compris ? Pour encore quelques semaines, nous sommes à Poudlard. Mais bientôt, ce seront les vacances et tu devras rentrer chez toi. Tu seras alors vulnérable. Et tes amis aussi. Si tu ne veux pas qu'il arrive quelque chose à ta Weasmoche, tu as plutôt intérêt à te tenir à carreau. Je sais que Greyback a quelques vues sur sa jolie nuque."

Je frissonnais. Le coude s'enfonçait dans ma gorge et m'empêchait de respirer. La lueur folle dans son regard suffit à me convaincre que je devais me méfier. Docilement, je hochai de la tête. Il retira son coude, prit le parapluie et s'éloigna de moi de quelques pas. Le sol était trop glissant pour que nous puissions remonter au château.

J'avais bien compris que cette fois ce n'était pas un jeu. Malefoy était prêt à tout pour se venger de moi. Et si en plus de me ramener à son maître, il pouvait tuer quelques Weasley, il serait très certainement en haute estime pour Voldemort. Mal à l'aise, je massais ma gorge. Maintenant, j'en avais la certitude. Sa manche s'était légèrement relevée quand il m'avait plaqué contre l'arbre. J'avais pu y voir le bout d'une queue de serpent en tatouage. J'avais raison depuis le début. Malefoy était devenu un mangemort. Cette idée me glaçait le sang. Nous étions désormais deux Némésis.

L'un luttant pour le bien et l'autre pour les ténèbres. Certes, je n'avais pas Malefoy en très haute estime. Mais je n'avais jamais cru qu'un jour nous devions nous affronter.