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Confessions d'une ex pick me (ou presque)

Je me présente Daykel, 40 ans et mère d'enfants. Je suis une diwo au grand désespoir de ma mère. Ce n'est pas un drame en soit, mais dans mon monde de hp c'est une tragédie et une salissure à la respectabilité que je suis censée véhiculer tout au long de mon existence. Oui, je suis femme noire, peule et divorcée. Peu importe mes diplômes ou ma profession ça ne vaut rien si je ne suis pas mariée.

La respectabilité c'est ce qu'on t'enseigne alors que tu n'es pas encore au stade de conception. On fait des projections de comment tu vas permettre à tes parents de briller, respectablement parlant encore plus. Tu t'apprêtes à découvrir, si tu ne le sais pas encore, comprendre et devoir accepter que tu es le prolongement de toutes les aspirations de tes parents. Eh oui, ils estiment t'avoir donné la vie et donc pouvoir en disposer comme bon leur semble et toi dans tout ça ?! Voyons réfléchis !! Tu t'oublies pour leur bon plaisir. Moi je connais la chanson par coeur car je l'ai vécu et j'y baignais depuis la naissance et il n'y a pas si longtemps que je m'en suis sortie. Mais la rechute me guète a chaque prise de décisions. C'est difficile de se défaire du conditionnement de toute une vie.

Bref j'écris ceci simplement pour que d'autres puissent s'y retrouver et savoir donc qu'elles ne sont pas seules et aussi je livre ce que j'ai mis en place pour m'en tirer sans y laisser trop de plumes. Je précise que se sortir de ce conditionnement de pick n'est pas une question de volonté mais bel et bien de prise de conscience et d'opportunité. Ne dit-on pas que l'occasion fait bien le larron.

S'il y avait eu un concours de pick me, je l'aurai gagné haut la main, tellement je suis douée pour paraître à la perfection.
Je précise que ceci n'est pas une attaque contre les pick me, que nenni ! C'est juste mon récit.

Donc j'ai 40 ans et j'évolue en milieu peul depuis la naissance. La culture peule est riche, belle et formidable, et j'en suis fière, mais hélas, elle a de terribles travers qui peuvent tuer aussi sûrement qu'un silencieux.

 
Ma mère m'a très bien éduquée, et je crois sans mentir, représenter le rêve de toutes les mamans hp. En effet, je maîtrise la langue maternelle alors que j'ai grandi en France, je suis capable de recevoir et discuter avec  des gens,  de sujets qui ne me concernent en rien, mais que j'ai appris à étudier à force de les observer et de les écouter. Et bien évidemment, je suis une excellente maîtresse de maison, je sais cuisiner tout les plats traditionnels de chez moi et ça, c'est pour les parents, c'est le meilleur des diplômes. Je sais donc parfaitement naviguer en milieu hp et c'est une  fierté pour ma mère. Le fait d'avoir de bonnes notes a l'école c'est bien, mais savoir cuisiner le thieb, le servir, et socialiser avec les invités du vendredi, ça c'est encore mieux. En clair tout ce qui peut augmenter le capital respectabilité, a une valeur inestimable. Et les meilleures occasions pour toutes ces yummiraabe de prouver à quel point, elles ont fait un travail éducationnel de qualité, ce sont toutes les rencontres permettant de socialiser et de parader en sociétés : les mondanités incluants donc les mariages, les baptêmes, les décès ( oui durant ces moments la aussi, il faut briller, et montrer que tu pleures mieux que les autres ! Pas de repos pour les guerriers !). oui les réceptions de monsieur l'ambassadeur sont toujours un succès, mais pas uniquement grâce à Féréro Rocher

Je vais commencer par le début car si je devais vous citer tout ce qui fait la respectabilité on en finirait jamais surtout chez les peuls.


Je ne saurais dire avec exactitude quand j'ai cessé d'être une enfant, car j'ai l'impression de jamais l'avoir été vraiment.

J'ai déjà expliqué que tout est respectabilité, de la manière dont je parle à la manière dont je ris, de la manière dont je m'habille à la manière dont je marche et m'assois.  Et même jusque dans la manière de souffrir : toujours en silence et avec le sourire. C'est une discipline de chaque instant. Tout doit être contrôlé. Le scandale est l'ennemi numéro un, il faut donc s'en éloigner le plus possible et cela passe évidemment par les gens que l'on fréquente et cela dès la petite enfance. 

Chez nous les enfants sont considérés comme étant de minis adultes. Donc en tant qu'enfant, il est normal de chercher l'approbation de ses parents et des siens, et voyez-vous, c'est précisément là que le piège se referme. Petit à petit on te façonne selon ce qui est respectable. Et cela jusque dans ta façon de jouer, tu es en complète performance, en représentation 7/7 24/24 non stop. Je me souviens que j'adorais faire du vélo et grimper aux arbres, j'ai du arrêter non car j'aurai pu me blesser, non !!! Plutôt car ça ne faisait pas assez convenable pour une petite fille de mon âge. Sachez qu'il y a un âge où on a plus le droit de jouer et d'être un enfant, moi ce fut à l'âge de 10 ans je crois. A 12 ans je savais déjà faire la vaisselle, le ménage et certains plats et j'étais fière de savoir faire tout ça. 

J'ai tellement cuisiné, que je préfère me laisser mourir de faim que de devoir cuisiner même pour moi. C'est vous dire le traumatisme lol. Je ne me rendais pas compte que mon enfance me filait entre les doigts, car j'étais trop occupée à devenir parfaite et a être une jeune fille peule de France comme il faut (J'ai eu la faiblesse de grandir naitre en France ! Et cela, croyez moi, personne ne me laissait l'oublier). J'étais trop contente de jouer mon rôle de fille parfaitement bien éduquée et maîtrisant les codes, les us et coutumes de chez moi. Trop contente d'être hissée au rang de fille de bonne famille de l'année, et d'exemple à suivre. 

C'était amusant pour moi. Ça a commencé à ne plus l'être quand j'ai commencé à entrer en conflit interne avec moi même. Mon moi interne ne s'accordait pas avec l'exigence de la vie Hp, et donc avec le moi extérieur que tous voyaient. Je me sentais en phase avec moi-même mais plus avec la société Hp. Donc je ne faisais plus choses par plaisir mais simplement car il fallait faire respecter les apparences. Et sans bien en prendre conscience, je sombrais petit à petit dans une dépression. Je ne savais juste pas ce qu'était ce spleen soudain, cette mélancolie qui désormais ne me quittais plus. On a commencé à me parler de mariage beaucoup plus. Mais que sait-on vraiment des implications d'un mariage quand on 16, 17 ans, 20 ans tout au plus ? Rien ! Si ce n'est ce qu'on entend les mamans se raconter lors de réunions de villages. On ne nous dit jamais que divorcer sera une bataille sans fin, surtout si on a des enfants. On ne nous dit jamais à quel point, on est seul, et triste, et vide au sein de son mariage, de son foyer. Et qu'il faut tout accepter et tout tolérer au nom de la respectabilité et de l'éventuel malédiction qui ne manquera pas de s'abattre sur sa progénitures en cas de manquement. On ne nous explique pas à quel point le mariage chez nous est dévastateur et cruel. Le silence est le seul à nous écouter penser. 

On se retrouve comme prise au piège. Et l'aspect le plus vicieux c'est quand, comme dans mon cas, on a finit par dire oui pour avoir la paix. Je dis que c'est vicieux car vous pensez simplement que comme vous avez dit oui, vous êtes responsable de tout ce qui peut arriver après ce oui. Et donc vous n'osez vous plaindre à personne, car après tout, faut bien prendre ses responsabilités. Et naïvement vous pensez que tout est totalement normal. Que dans tous les mariages c'est comme ça. Le viol conjugale, n'existe pas, car le mari a droit de vie et de mort sur son épouse. Et dans ma société, la mort physique n'est rien en comparaison de la mort mondaine, de la mort réputationnelle. Il y a une telle pression pour nous autres femmes, que mourir socialement est pire que mourir tout court. 

On nous enseigne depuis la nuit des temps, que la réputation est tout. Les hommes ayant bien compris et jouissant de leurs privilèges de mâles, en usent et abusent dès qu'ils souhaitent museler une femme ayant soif de « liberté », désobéissante... une mauvaise épouse. Ils ne se gênent pas pour mentir ,calomnier, diffamer la future ex épouse, peu importe les conséquences. Au nom de leurs égos bafoués, ils sont prêts à toutes les bassesses. Et en claquement de doigt, la divorcée est mise de côté de toute part. Une pariât pire qu'un acteur qui n'est plus banquable.

Oui c'est une société riche, belle, intéressante, mais ô combien dure et cruelle si l'on veut s'émanciper de ses règles intenables et constamment mouvantes au gré des situation et du public.

Bien sûre qu'il existe des exceptions, elle me donne du courage parfois même. Mais ces exceptions sont une anomalie chez nous. Elles sont souvent attendues au tournant et gare à elles si d'aventure ça ne va pas, car les Hp leur feront payer cela au moment opportun.

Confessions d'une ex pick me (enfin presque)Where stories live. Discover now