IV. Marc et Balthazar

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Marc écoutait Balthazar ruminer dans son coin depuis près d'une demi-heure, tout en buvant tranquillement son vin coupé d'eau accompagné de miel, comme tout bon.ne romain.e. Comme toujours, voire Balthazar rager sans pouvoir rien lui dire -après tout, qui était-il contre un dieu, fût-ce son amant ?- était un spectacle des plus amusants, assez, en tout cas, pour son esprit d'immortel. Le propriétaire du stade n'était pas content du tout que Mars l'ai à nouveau forcé à acheter un esclave dont il ne savait quoi faire, juste pour assouvir ses désirs. N'était-il pas suffisant pour lui ? Même s'il avait toujours préféré ne pas se mêler de ce que faisait Mars en dehors de ce qui se passait dans son -ou leur, à force- lit, le fait qu'il assouvisse ses fantasmes (ou quoi que ce soit, Balthazar avait préféré ne jamais l'interroger plus que nécessaire, voire pas du tout) avec son argent ne lui plaisait pas du tout. Ça l'agaçait et Mars le savait parfaitement. Même, ça l'amusait, cet idiot ! Car ils avaient beau partager la plupart de leurs nuits depuis maintenant quelques années, Balthazar ne pouvait jamais rien lui reprocher, à cause de son statut divin. Et l'ancien militaire haïssait ça. Ça le ramenait à sa condition de mortel, lui rappelant que bien que demi-dieu et supérieur à la plupart de ses semblables, il n'en restait pas moins horriblement faible face à celleux qui étaient né.e.s avec le seul mérite d'avoir un fil doré.

« Et qu'est-ce que tu vas faire de ce gosse, Mars ? Tu es complètement fou de l'avoir acheté ! Il porte la marque de Mercure, le seul fait de toucher au moindre de ses cheveux serait un affront ! Et pourtant, tu m'as obligé à le traîner jusqu'ici, et tu sais bien que le chemin que nous lui avons imposé et la pièce où nous l'avons enfermé n'ont rien d'agréable ! »

Il rêvait de lui dire ça, mais il ne pouvait décemment pas s'y risquer. Le seul fait d'avoir ce gosse dans sa demeure l'angoissait. Ces yeux seuls auraient dû suffire à le prévenir du malheur qu'il apportait avec lui ! Mais non, comme toujours, Mars n'en faisait qu'à sa tête, s'amusant de la détresse des mortel.le.s. Après tout, que risquait-il, au pire ? Une petite embrouille avec son demi-frère, et encore ? Alors que Balthazar, lui, risquait tout. Il connaissait bien le côté inconstant et hors de contrôle de Mercure et n'avait aucune envie de se risquer dans ces eaux-là.

« Qu'est-ce que tu feras de lui, Mars ? »

Il serra les dents en voyant le dieu hausser des épaules tout en sommant l'esclave présent dans la pièce d'aller lui chercher plus de vin. Celui-ci sursauta, comme à chaque fois que le dieu lui parlait -il était l'un des rares à connaître sa nature divine, mais un analphabète à la langue coupée était le moins susceptible de parler, après tout- et se dépêcha d'aller trouver ce vin coupé d'eau au miel que Mars appréciait tant, disparaissant de la pièce.

« Je ne peux pas le laisser comme ça, et tu le sais aussi bien que moi. Qu'est ce que tu veux que je fasse d'un gringalet comme lui ? Il n'a rien à faire ici, les autres vont commencer à se poser des questions. »

Là encore, il serra les dents en entendant Mars éclater d'un rire rauque et grave, semblable aux siens quand lui aussi s'y adonnait, ce qui était plus que rare.

« Tu sais bien que les autres n'oseront rien dire. Je ne sais pas, fais en un gladiateur, ou ce que tu sais si bien faire. »

« Je ne sais pas ? Comment ça je ne sais pas, Mars ?! Tu te fous de ma gueule, c'est ça ? Tu me colles une propriété divine sans même savoir quoi en faire ? Tu dépasses les limites ! J'en ai marre de tous tes petits jeux ! »

Encore une fois, il resta silencieux, ne pouvant rien contre son amant, qui se trouvait bien au-dessus de lui dans la chaîne alimentaire. Il faisait partie de celleux pouvant faire ce qui leur semblait sans en subir (ou presque) les conséquences, agaçant Balthazar. Et lorsque le jeune esclave muet revint avec sa carafe de vin et que Mars posa une main sur une de ses hanches, l'ancien militaire sut qu'il devrait se plier à ses désirs encore cette nuit. Il n'avait pas son mot à dire dans cette relation, ce n'était pas quelque chose d'égal à égal. C'était juste un dieu qui prenait son dû parmi ce monde qui se pliait au moindre de ses désirs. Personne ne pouvait s'en réchapper, car tou.te.s étaient ses proies. Si sa présence ne l'angoissait pas, Balthazar aurait même pris l'esclave qu'il avait acheté plus tôt en pitié, car qui sait ce que Mars lui ferait subir. Il avait beau ne pas comprendre ce qu'il trouvait à tou.te.s ces mortel.le.s, au fond, il savait que le regard du jeune homme était le fautif. C'étaient les iris d'un guerrier. Ou peut-être était-ce juste la marque qui se trouvait sur sa cheville, histoire que Mars montre en toute immaturité à quel point il pouvait se saisir de ce qui était à son frère sans remords. 

"Béni" des dieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant