Chapitre 2 : Nature destructrice

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Et s'il y avait quelqu'un là-bas ? Oui, et après ? Qu'est-ce que ça changerait ?! L'aider ? À quoibon ? Personne ne m'avait aidé ! Depuis que tout ça était arrivé, je n'avais vu personne aider qui que ce soit. Les plus forts avaient exploité les plus faibles. Les plus chanceux et les plus malins avaient survécu en faisant comme moi, en disparaissant aux yeux de tous.

Si j'avais survécu jusqu'à maintenant, c'était en évitant tout contact avec le monde, en observant de loin, en me cachant, j'avais vu beaucoup de gens mourir, se faire tuer, se donner la mort, j'avais vu beaucoup d'atrocités, caché dans l'ombre, luttant uniquement pour ma propre survie, j'avais perdu tous ceux qui m'étaient chers, j'avais vu celle que j'aimais se faire violer, égorger et décapiter.

J'avais perdu toute humanité au fur et à mesure que son sang coulait sur le bitume, forcé d'assister à cet acte indescriptible de barbarie, sa dépouille profanée sous mes yeux, incapable d'agir, hurlant à la mort, priant Dieu de mettre fin à ce carnage, sous les regards amusés de mes tortionnaires hilares devant une foule indifférente.

Ils m'avaient épargné et étaient partis, je suppose que me tuer était moins amusant que de me voir pieds et mains liées, ramper sur le sol tentant de me rapprocher de ma femme.

Et ce fut une fois la menace écartée, le danger loin que la bravoure et le courage fussent arrivés...
J'entendais les gens parler, se grouper, m'entourer comme s'ils regardaient un spectacle de rue.
Il avait fallu un certain moment avant que quelqu'un n'ait eu le courage et la force de venir me libérer de mes liens, qui eut été assez fort pour délivrer un homme se tortillant sur le sol à côté du corps sans vie de sa femme mutilée après avoir été spectateur de cette immonde scène.

_ Je suis sincèrement désolée...

En pleurs, en rage, la peur et la mort au ventre, je m'étais levé, le visage ensanglanté et tuméfié.

_ VOUS N'ÊTES QUE DES LÂCHES ! PERSONNE N'EST INTERVENU ! VOUS ÉTIEZ PLUS NOMBREUX ! POURQUOI ? POURQUOI VOUS N'AVEZ RIEN FAIT BANDE DE LÂCHES !

Je m'étais agenouillé devant le corps de ma femme tandis que la foule se dissipait, je l'avais prise dans mes bras, je l'avais portée, son sang coulait abondamment sur mon torse, je tournais sur moi-même, cherchant désespérément un sens à tout ça. Ils étaient repartis avec un trophée, une partie de ma femme qu'ils exhibaient fièrement.

_ NOOOOON ! NOOOOOOON !

Ce fut à ce moment que je m'étais tourné vers cette foule qui tournait les talons devant un acte abject qu'ils auraient pu éviter en jurant qu'un jour, ce serait moi qui serais le témoin de leur mort et que je ne bougerais pas, qu'importerait la violence, je ne serais que spectateur de ce théâtre morbide.

Le soir même, je brûlais la dépouille de mon épouse, recouverte d'un simple drap taché de sang, posée sur un lit de bois improvisé, imbibée d'essence et de produits inflammables. Je rendis un dernier hommage à celle qui avait survécu à mes côtés, celle qui m'avait donné la force de me battre, que malgré la chute de ce monde qui n'était devenu que cendres et folie, vivre, survivre avait un sens. L'Amour nous avait sauvés et préservés, mais tout ça était en train de partir en fumée.

Les flammes montèrent, haut, si haut, les braises incandescentes virevoltèrent dans un funeste ballet aérien.

J'étais resté assis devant ce brasier, à regarder son corps se consumer sur la place où sa mort était survenue. Ça avait commencé et ça s'était terminé ici, c'était ici que j'étais mort, sur le parvis d'une église, sous les yeux de Dieu, cet imposteur, cette imposture devrais-je dire. Invention de l'homme pour justifier la cruauté au nom de quelque chose sans en assumer les conséquences. La vérité était tout autre, l'Homme est un animal, le plus redoutable qui n'eut jamais foulé cette terre, Terre qu'il avait menée à sa destruction la plus totale.

La lance, le mousquet, la mitrailleuse pour finir par la bombe atomique. L'évolution de l'espèce humaine n'avait eu pour but que de dominer et imposer ses croyances, le monde ravagé par la folie de ses dirigeants manipulateurs et avides de contrôle et de pouvoir, le pouvoir de tuer en restant assis dans un bureau, une grotte, ou au fond de l'eau dans un sous-marin nucléaire. Le pouvoir de tuer hommes, femmes, enfants et peu importait si l'on faisait brûler la moitié de la planète au passage uniquement au nom d'un homme, d'une patrie, d'un idéal.

Après avoir vu le monde brûler à la télé avant que tout ne s'arrête, je voyais à présent tout ce qu'il y avait de bon en moi brûler sous mes yeux. Une odeur d'essence et de chair brûlée flottait dans l'air, le jour se levait, mes yeux étaient bouffis par le chagrin, la fatigue et la haine. Je m'étais levé endolori, je m'étais avancé en direction de l'arbre au milieu de la place.

_ PITIÉ... Je vous en prie ! ! Aidez-moi !

Perché sur un tabouret, au pied d'un arbre défroqué, un homme, la quarantaine, ligoté nu, la corde au cou implorait qu'on lui vienne en aide.

_ Je n' veux pas mourir ! Seigneur ! AIDE-MOI !

J'avançais, boitant, m'approchant de l'échafaud où l'homme luttait pour garder son équilibre et éviter une mort tragique et humiliante.

_ S'IL VOUS PLAÎT... AIDEZ-MOI...

Ne me laissez pas, pour l'amour de Dieu.

Je passais à côté, sans réagir, ni même regarder, pour moi, ce n'était qu'un cadavre au bout d'une corde, le cadavre d'un lâche qui suppliait qu'on sauve sa vie alors qu'il ne lèverait pas le petit doigt pour contribuer à en sauver une autre. La mort planait dans cette ville, l'anarchie, la terreur et la peur régnaient en maîtres et quiconque se dressait sur son chemin finissait crucifié, décapité ou pendu au bout d'une corde sur la voie publique.

Peu importait la façon, nous étions tous condamnés, ce n'était qu'une question de temps, les plus chanceux auraient une mort rapide, les moins chanceux, une mort lente et douloureuse, la corde, une balle dans la tête ou les radiations, piètre choix de possibilité. Et il y a les autres, ceux qui comme moi on eu la chance d'être loin des points d'impact des bombes nucléaires, mais qui avaient subis les dommages résiduels, souffle, incendie de masse et autre missile en tout genre.

Mais entre nous, qui étaient les veinards ? Ceux qui étaient morts sans rien avoir vu venir ou ceux qui avaient survécu à cet hiver nucléaire, car peu importait où je me trouvais à ce moment-là, la fin du monde avait tout de même frappé à ma porte.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 06, 2021 ⏰

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La dernière rose après la fin du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant