« Nathalie »
Ainsi s'appelle celle qui, à partir de cet instant, faciliterait le père Agreste quant à sa fuite face à ses deux fils. À peine sont-ils entrés dans cette nouvelle maison que Gabriel s'éclipse dans la pièce dont il ne ressortira que très, très rarement. Il ne fallut que dix petites secondes pour qu'Adrien perde définitivement tout espoir de renouveau. Lorsque la porte claque, Adrien sursaute, ferme les yeux et essuie une énième déchirure dans son cœur émietté. Un sentiment inédit prend naissance dans sa poitrine. Il n'a pas envie de pleurer. Il n'a pas envie de crier. Ni de cogner contre cette fichue porte qu'il déteste déjà.
Il a envie de vomir. Mais pas ce petit-déjeuner qu'il s'est forcé à avaler sous l'œil sévère de son père. Il a envie de vomir son ras-le-bol. Il veut extérioriser cette douleur, ce mal-être qui ravage sa famille. Il a envie d'hurler que sa mère est certes partie pour toujours mais que lui est toujours là, bien vivant et qu'il a besoin de son père.
Mais il ne peut pas. Ce malaise meurt dans sa gorge, encombre ses jeunes épaules prêtes à céder sous ce poids que nul ne devrait éprouver. À la suite de son frère et de Nathalie, il monte les escaliers menant aux chambres. La secrétaire de Monsieur Agreste affiche l'air familial. Elle a un nez droit, de grands yeux bleus, des cheveux sombres et une mèche bordeaux relevés en un chignon strict l'a vieillissant. Elle donne l'heure fixe des repas, leur fait visiter d'une voix monotone leur nouveau chez eux puis les abandonne devant leurs chambres respectives.
Sans s'en rendre compte ou sans le vouloir, Adrien ouvre la porte devant lui. Il avance dans un tout petit couloir puis il arrive dans une gigantesque chambre. Il y a un panier de basket (et assez de place pour une moitié de terrain), un grand canapé d'une blancheur surnaturelle, un baby-foot, des machines à jeux, un bureau avec trois écrans et une immense télé, un lit double parfaitement fait et un escalier en colimaçon. Au bout de celui-ci, une mezzanine avec deux murs entiers recouverts de livres. Il y a même des prises d'escalades de différentes couleurs. Il redescend au premier avec la rampe en rappel. Il découvre la salle de bain et son dressing, d'une immensité absurde comme tout dans cette maison.
Il ne se plaint pas de tout cet espace. Mais il ne ressent aucun engouement, aucune satisfaction pour quoi que ce soit. Pourtant il y a tout ce qu'il aime. Matériellement parlant, il ne pourrait rêver mieux. Malgré les dizaines d'activités qu'il pourrait faire ne serait-ce que dans sa chambre, il se dirige vers la fenêtre posée sur tout un mur. Il appuie sa tête contre celle-ci et soupire de nouveau. Il soupire longuement pour atténuer cet étouffement intérieur qui tue le meilleur de lui-même à petites foulées.
– Viens. On sort.
Une voix s'est élevée derrière lui. Adrien ne prend même pas la peine de changer de position. Il n'a pas besoin de reconnaître le timbre de voix pour l'identifier. Personne ne se soucie de lui à part son grand frère. Personne d'autre n'entrera dans sa chambre.
– Père ne nous laissera jamais sortir.
– Il n'est pas obligé de le savoir. Et de toute façon...
Théo laisse sa phrase en suspens. Il n'a pas besoin de la finir, ils savent tous deux où il veut en venir. Adrien délaisse sa fenêtre. Il dessine un sourire brisé reconnaissant. Son cœur s'émeut, se retourne et murmure un mot lourd de détresse ; « Merci ».
**
Marinette s'est empressée de quitter sa classe à peine la fin des cours sonnée. Toute la journée, Chloé Bourgeois a fait les éloges de la famille Agreste et de ses merveilleux fils dont elle est « vraiment, vraiment très proche ». Et toute la journée, Marinette a levé les yeux au ciel, soupiré d'agacement et grimacé derrière le dos de cette...cette... Elle est si remontée qu'elle ne trouve même plus les mots pour l'insulter.
L'unique classe de seconde se dirige vers la sortie en pestiférant. Si les élèves étaient emballés à l'idée d'avoir des célébrités dans leur école, les savoir aussi proches de Chloé la bourgeoise a refroidi les esprits.
Chloé est la peste par excellence. Fille unique du maire de la ville et d'une grande styliste, elle se pense supérieure à tout le monde et n'est que mépris, hautain et égoïsme. Elle possède des ongles parfaitement manucurés, de longs cheveux blonds et des lèvres continuellement pincées par son dédain. Elle considère sa meilleure amie, Sabrina, comme son larbin et excède chaque personne qui a le malheur de la croiser.
Depuis le collège, Marinette est dans sa classe. Heureusement que cette année, Alya est arrivée et est devenue sa meilleure amie.
— Je te jure, si j'avais un super-pouvoir je la transformerai en crapaud. Ou en pot de crème, fulmine-t-elle.
— Et moi je t'aiderai à l'envoyer à l'autre bout du monde, certifie Alya.
— Regarde les itinéraires les plus longs, moi je file. Je dois aller chercher le cadeau de mon père.
Marinette dévale les escaliers devant son école et rejoint sa grande sœur. Malgré qu'elles soient en plein hiver, le temps est bizarrement doux. Les sœurs Dupain-Cheng décident de marcher jusqu'à la boutique de l'autre côté de la Seine. Elles discutent, s'échangent des potins, Marinette trébuche, elles achètent des crêpes à un marchand ambulant sur un pont.
À quelques mètres derrière elles, se trouvent les frères Agrestes. Eux marchent dans un silence rempli de quiétude. Ils redécouvrent Paris, profitent du vent effleurant leurs mèches blondes et surtout jouissent de cette liberté. Ils se sentiraient presque bien.
Les Dupain-Cheng tournent à droite puis prennent la première rue à gauche. Les Agrestes continuent tout droit.
Soudain, la même scène se joue malgré la différence d'endroit.
Une voix faiblarde, plaintive se fait entendre dans un vieil immeuble délabré. Norah et Théo tendent l'oreille. Marinette et Adrien s'immobilisent.
— À l'aide. Venez m'aider.
Les deux fratries lèvent les yeux et remarquent une colonne de fumée grise se fondre dans le ciel. Les deux aînés se précipitent à l'intérieur sans la moindre réflexion et sous les appels de leurs cadets. Adrien suit son frère au cœur de ce trouble. Marinette prend beaucoup plus de temps et d'hésitations avant d'entrer. Elle monte jusqu'au deuxième étage, noyé sous la fumée.
Elle retrouve sa grande sœur dans la pénombre avec une jeune femme sur les épaules. Marinette se place à leurs côtés et les aident à redescendre. En bas, les pompiers prennent le relais pendant que d'autres déploient la grande échelle pour éteindre le feu. La jeune femme adresse quelques mots en chinois auxquelles l'aînée Dupain-Cheng répond.
De l'autre côté de la rue, Théo et Adrien sortent une vieille femme de ce bâtiment en proie aux flammes. Ils la confient à l'unique camion de pompiers qui démarre immédiatement.
Les deux fratries regardent l'ambulance partir au loin mais ils détournent le regard avant de voir celles-ci disparaître.
Note d'auteur :
Comment avez-vous trouvé ce second chapitre ? Il n'est pas trop rapide ? Les descriptions ? Je crois que c'est la première fois que je décris comme ça...
J'avoue que mon style d'écriture m'auto-surprend. Est-ce ce qu'on appelle trouver sa voie/voix?
Au plaisir de vous retrouver pour de prochains chapitres. N'hésitez pas ^^.
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Chassés Croisés [Miraculous]
FanfictionUn incendie lia et destina deux plumes, une lune et un soleil à un glorieux mais périlleux destin. Après deux siècles d'inutilisation, les Miraculous vont être donnés à de nouveaux porteurs. Une nouvelle force du mal, répondant au nom de "Papillon"...