Regard

10 1 0
                                    

Alors que je le regarde simplement dans les yeux, les miens s'humidifient et je ne peux retenir mes larmes. Il s'approche de moi alors que son sourire s'estompe et essuie doucement les gouttes de mes joux avec ses petits doigts habiles. « Pourquoi pleurs-tu ? » J'aimerais lui dire la vérité mais il est encore bien trop naïf et fragile pour que je lui raconte la brutalité qui l'attend lorsqu'il aura l'âge d'être lucide et d'avoir une terrible vision objective de ce monde. Je lui réponds simplement que je suis fatiguée et qu'il est l'heure d'aller se coucher. Il se lève, prends ma main et se dirige vers sa chambre. Ses petits doigts entourant mon poignet, la douceur de sa peau m'apaise autant qu'elle me brise. Qu'en adviendra-t-il lorsque les phalanges de ses grandes mains seront rouges, abimées par la colère qui se logera dans sa poitrine dès qu'il comprendra l'injustice. Il grimpe difficilement dans son lit avec son irrésistible sourire en coin et moi je l'admire, lui et son innocence. « Bonne nuit mon grand. » Il m'embrasse et je sors en prenant soin de laisser la porte entre-ouverte au cas où des monstres se cacheraient quelque part, il pourrait s'enfuir rapidement. Voudra-t-il fermer sa porte lorsqu'il comprendra que les vrais monstres ne sont pas sous son lit mais sur un trône noyés dans leur richesse ? Et s'il la ferme, osera-t-il la rouvrir un jour ou bien s'enfermera-t-il sur lui-même jusqu'à la fin de son adolescence, ignorant tout ce qui se passe à l'extérieur ? Pourquoi ce bouclier de candeur ne peut pas tout simplement nous protéger jusqu'à la mort ? Tout serait tellement plus simple. La douleur resterait purement physique, l'amour ne serait qu'insignifiant, la mort n'existerait pas et on trouverait du bonheur que dans les choses les plus simples. Je dois me réfugier dans ce petit visage angélique alors je fais demi-tour et retourne doucement dans sa chambre, il est déjà endormi. Je me mets en tailleur devant son lit, croise les bras sur ses draps et cale ma respiration sur la sienne, cela est si apaisant. A chacune de ses expirations, il me transmet un flux de bonheur, une poudre de jeunesse qui me ramène sur le nuage de mon enfance et mon cœur entouré de pierre fond. Où irais-je me réfugier lorsque lui se perdra dans une drogue quelconque ? Si seulement la vie ne nous imposait pas d'être adulte dans l'esprit, notre cœur vivrait dans la douce naïveté de l'enfance et l'envie de m'enfuir ne serait pas constante dans ma poitrine, peut-être même que je serais heureuse. Je regrette ces années où je rêvais d'être adulte et princesse, maintenant, mes seuls rêves sont les images destructrices et cruelles que mon cerveau crée la nuit. De quoi rêve-t-il là maintenant ? J'aimerais lui dire tellement de choses, lui apprendre la vie, lui parler de l'amour et de l'amitié, lui parler des peines et des douleurs, des déceptions et des désillusions et lui dire à quel point il est et sera toujours aimé. Tout cela est trop complexe pour une personne à la fleur de l'innocence, alors je dis tout simplement : « Fais des beaux rêves petit ange. »

Avant la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant