Le Café

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Appuyé contre le comptoir, Mark souffla pour soulever ses cheveux de son front. Il les avait fraichement décolorés en honneur de l'été dans un blond cendré, ce dont il était plutôt fier. La nouvelle coloration rendait son visage plus lumineux, un peu plus joyeux, et Mark aimait bien.

Il porta sa main à sa frange pour la remettre en place, et ses doigts moites de transpiration se collèrent aux mèches fatiguées, ce qui lui fit pousser un soupir et il abaissa sa main rapidement, sans grande attention. Une grande douleur lui traversa le poignet quand il heurta le bord froid en métal du comptoir et il siffla, avant de lâcher une vague de jurons contre sa maladresse. Un peu comme d'habitude, en fait. Sa mère lui avait toujours dis que ses étourderies seraient sa perte. Et Mark était forcé de se résigner à cela, après vingt ans d'existence, son nombre quotidien d'accidents n'avait pas baissé.

Il s'affala alors lourdement sur la surface vide, jetant un rapide coup d'œil à l'horloge rose bonbon du petit café dans le quel il travaillait depuis maintenant trois étés. Il ne lui restait plus que deux heures avant la fin de son service, et il s'ennuyait à mourir. Et pour cause, il était bientôt quatorze heures trente, et le flot de clients qui rentrait était minime comparé à celui qui sortait. Malheureusement, Mark était, comme tous les deux jours, à la caisse pour les commandes et non pour les payements.

Mais il avait tellement hâte de pouvoir enlever son tablier et de rentrer chez lui, manger une glace tout en allant se baigner dans la mer avec ses amis, pour profiter du soleil et se débarrasser de la sueur désagréable amenée par les hautes températures.

Il fit la moue. Comme il était jaloux de son frère et de ses amis, qui n'avaient pas à travailler pendant les grandes vacances ! Ce foutu boulot lui mangeait les trois quarts de sa pause estivale, et l'empêchait de profiter à fond de Jeju, de toute sa bande, et des nombreuses activités proposées pour la ville. Ah, si ses parents ne le forçaient pas à faire cela, qu'aurait-il fait aujourd'hui ? Il serait surement allé au marché dans le centre ville au petit matin, pour acheter plein de petites bricoles, ses pâtisseries préférées et un énorme sac d'olives vertes fourrées aux anchois et aux poivrons.

Vers dix heures trente, il se serait rendu à la bibliothèque de la ville pour bénéficier de la climatisation et assouvir sa soif de livre, il aurait dévoré le rayon nouveauté que les pauvres bibliothécaires s'efforçaient de renouveler régulièrement, avant d'en emprunter les trois quarts, dans un acte purement égotiste, il en concède. Mais extrêmement vitale. À vrai dire, Mark était un jeune homme occupé par ses études littéraires tout au long de l'année, et son seul moment de répit était le mois d'Août. Soit la date que ses parents choisissaient pour l'envoyer, lui et son frangin, à Jeju, dans leur maison de vacances.

Ensuite, pour l'après midi, il aurait lu ses nouveaux trésors sur le transat de la terrasse, à l'ombre de l'énorme parasol fleuri de chez grand-mère, en attendant que le soleil diminue, puis il se serait rendu à la mer, accompagné de Lucas, Hendery, Xiaojun et Jungwoo pour se baigner et rigoler dans les vagues. Il y aurait aussi retrouvé son petit frère, Jeno, sur sa planche de surf, accompagné de son intrépide compagnon d'aventure, Na Jaemin. Ils y seraient restés jusqu'au soir, peut être auraient-ils prévus un pique-nique sur la plage, et comme toute bonne soirée musicale, elle aurait été accompagnée de sa fidèle guitare.

Eh bien, maintenant Mark était encore plus ennuyé, conscient de toutes les bonnes choses qu'il manquait en restant derrière ce comptoir de fer. Ne vous méprenez pas, il aimait son petit job d'été, bon dieu, c'était même lui qui l'avait choisi, mais les heures creuses était toujours très peu attrayantes, et elles passaient lentement puisque les horribles aiguilles roses ralentissaient soudainement leur avancée.

Non, non, Mark n'était pas fou, il ne s'imaginait pas des choses. Il était réaliste, et après trois été, depuis ses dix-huit ans donc, à travailler dans ce café, il avait découvert certaines choses, qu'il pouvait maintenant affirmer avec confiance. Et de toute évidence, les aiguilles de l'horloge au dessus de la porte ne l'aimaient point, et pour se venger, elles ralentissaient le temps.

Le Garçon d'ÉtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant