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Je comprends ma mère lorsqu'elle a appelé mon père et sa chérie monsieur et madame parfait.

Hier soir la bouffe était dégueulasse, pas salée et pâteuse. "Un bon dîner, sain et parfait" m'avait dit mon père avec un grand sourire. On était tous dans la salle à manger, assis à la table en bois d'acajou, un gros bout de bois long et massif. Je me trouvais en face de Nathalie alors que mon père occupait la place du bout.

Ils me regardaient tous les deux manger comme des tueurs en série ayant caché des somnifères dans la nourriture de leur prochaine victimes. J'avais vite mangé en me forçant à ne pas tout recracher et nous étions allés nous coucher à vingt-et-une heures,
"L'heure pour être en forme le lendemain" m'avait dit Nathalie avec un grand sourire. Comme quoi, les deux font une bonne paire.

Je dormais dans une chambre de petite fille. Les murs rose pâle et le lit taille enfant me montraient bien que mon père ne m'avait pas vu grandir. Il avait d'ailleurs dit avec un sourire gêné qu'on allait changer le lit ce samedi.

Je me lève à six heures, trop tôt. Pour être tout à fait honnête, les changements ne me font pas tellement de bien. Le stress m'endort quand je suis éveillée et me réveille quand je dors.
Aujourd'hui, je commence à huit heures d'après ce que m'a dit Nathalie. C'est elle qui s'est occupée des démarches administratives pour mon changement d'école. Je dois passer chez le CPE avant d'aller dans ma classe. En voilà un autre de changement. Changer de lycée en terminale, non mais quelle blague. J'aurais pu vomir tant je suis dégoutée de ne pas pouvoir passer ma journée avec Alix.

Le petit déjeuner est un peu meilleur que le repas d'hier, j'ai droit à des céréales. Pour aller au lycée, je dois marcher. On m'a préalablement montré le chemin du bout du doigt, c'est à cinq minutes à pied. Ça me fait chier, je n'avais pas envie de marcher.

Je me retrouve devant le bâtiment ancien. Une montagne de jeunes se trouve dans la cour centrale. Tous les mêmes, les mêmes yeux, les mêmes cheveux, la même peau. Seuls quelques gosses se démarquent un peu. On dirait des taches de peinture sur une toile blanche. Les cheveux sont un autre marqueur : roux, brun, blond, rose, bleu, ça part dans tous les sens.

Je me faufile dans la masse d'élèves jusqu'à atteindre le bureau des CPE, je ne sais pas ce que je dois faire, personne pour m'aiguiller. J'ai dû me repérer avec les rares panneaux mis dans des coins sombres de l'école. Si ça, ce n'est pas du foutage de gueule.
Je me rends donc jusqu'à une porte portant la mention BVS. J'y entre et me retrouve asphyxiée par l'odeur de café dans la pièce. On dirait qu'ils pataugent dedans, ça pue la mort. Il y a toujours cette ambiance dans les bureaux des écoles, comme si les élèves ne sont pas les bienvenues. Je peux encore comprendre dans la salle des profs, mais un endroit fait pour aider les élèves, j'ai du mal.

Une dame qui a, elle aussi, trempé dans le café au vu de son chemisier taché confirme mes pensées.

- Je peux vous aider ?

Aucun sourire, sa question sonne même agressive.

- Je cherche le bureau du CPE, je suis nouvelle.

Elle pointe une autre porte de son doigt et me fait une grimace de politesse. Je chuchote un merci, qui me brûle les lèvres tant je ne veux pas le prononcer, et me dirige vers ladite porte avant de toquer. Une voix féminine m'autorise à y pénétrer.

- Bonjour jeune fille, me dit une dame ayant surement la quarantaine.

Je la regarde en silence et prononce un "bonjour" empreint d'impatience, je n'ai pas envie de rester vingt ans dans son bureau pour qu'elle m'explique chaque consigne de l'école en détail. J'ai déjà le malheur de venir en plein milieu d'année alors, j'aimerais qu'elle m'épargne et mon temps avec.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 11, 2024 ⏰

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