Noreen,
Si en ce moment même vous lisez cette lettre, c'est qu'il est sans doute déjà trop tard. Je suis sûrement déjà partie. Partie loin, très loin. Assez loin pour fuir ces six abrutis qui ont gâché ma vie pendant les quatre dernières années.
Aujourd'hui s'annonce pour plusieurs comme pour moi la fin d'une ère.
Les examens sont passés et l'étape du lycée sera bientôt derrière nous. Ils partiront de leur côté et j'en ferai pareil du mien. Certains choisiront de faire de plus longues études alors que d'autres non. Peu importe. Dans moins de dix minutes, ils franchiront la barrière qui retient leur liberté. Dans moins de dix minutes, ils deviendront adultes.
Parchemin en main, tenue bleue marine enfilée, ils sont surexcités. La salle est pleine à craquer et les familles attendent avec impatience de les voir pour les féliciter de leur travail assidu. Eux, chers étudiants du Baekho High School enfin diplômés et récompensés de leurs nombreux efforts.Personnellement, j'ai toujours su que jamais je n'allais franchir cette barrière.
Lorsque j'ai mis les pieds pour la première fois à Baekho, jamais je n'aurais cru devoir vivre ce calvaire que j'ai enduré tous les jours. À l'époque, j'étais une nouvelle élève. J'espérais pouvoir repartir à zéro et enfin me faire des amis. C'est lui qui m'avait dit que c'était possible.
« Tu verras Brook' ! Pour toi, c'est un tout nouveau départ ! Ce sera magnifique, je te le promet ! »
Mais s'il savait... si Tobi savait à quel point c'était le contraire et à quel point je souffrais à l'intérieur.
Chaque jour, j'avais cette boule au ventre lorsque je marchais en direction du lycée. J'avais peur de les croiser dans les couloirs, dans la cafétéria, dans les vestiaires... J'avais peur d'eux; de lui en particulier. J'étais terrifiée par Zed et sa bande. J'étais devenue l'une de leur souffre-douleur, je le savais. Ils se moquaient et me taxaient. Ils me frappaient, même. On aurait dit que c'était comme une putain de passion : me faire souffrir le plus possible. Alors que pour moi c'était l'horreur, pour eux, cela semblait être le plus grand des bonheurs.
J'espère juste qu'au fond ils savent à quel point chaque parole lancée en l'air pouvait être meurtrière. Parce que, oui, je me sentais mourir à chacun des mots qui sortaient de leurs bouches.Ces gens sont peut-être riches, mais leur valeur profonde est pauvre et pathétique.
J'imagine que c'est pour ça que je refusais d'en parler à quelqu'un. J'étais en détresse, c'était incontestable. J'avais besoin de quelqu'un pour m'aider à redécouvrir la vie, à nouveau respirer la tête hors de l'eau sans avoir peur d'étouffer. J'avais besoin de quelqu'un qui, au milieu mes nombreuses idées noires et intempéries, allait être ma bouée de sauvetage. Quelqu'un à qui m'accrocher.
Cette personne, je l'ai trouvée... Non. En fait, j'ai cru pendant un moment l'avoir trouvée. Durant une période, j'ai été heureuse, très heureuse même. La seule chose qui a fini par nous tuer, c'est le mensonge. Mais ça, c'est une autre histoire. Une autre histoire aussi triste que les autres qui me sont tombés sur la tête.« Si cette personne n'était pas capable de m'aimer sincèrement, alors qui le pouvait ? »
Vous.
Vous mademoiselle Lawson, vous le pouviez. Mais ce n'était suffisant. Vous m'aimiez, mais pas suffisamment, et c'est parfaitement compréhensible. Ce n'était pas ce dont j'avais besoin à ce moment précis. J'avais besoin d'elle. De cette autre personne.
Mais elle, elle ne voulait pas de moi.Quand je me suis rendue compte que j'étais au plus bas et qu'il n'y avait plus rien à faire pour me sortir de là, j'ai fini par baisser les bras. C'était déjà trop tard.
Les mains comme menottées dans le dos, j'étais prisonnière. Prisonnière de ces pensées noires qui, chaque jour, me montaient à la tête. Finissant par prendre le dessus sur ma raison. Je savais que c'était fini. Ces idiots ont gagné, et moi j'ai perdu. C'est tout. Je dois en assumer les conséquences qui en découlent. C'est enfin la fin de mon calvaire. Des mes pleurs silencieux en plein milieu de la nuit et de mes souffrances permanentes.Pardonnez-moi mademoiselle, peut-être devrais-je vous en dire un peu plus ? J'aimerais bien, mais je manque d'encre et de temps. Parce que oui, bien qu'il soit précieux, il y'a déjà bien longtemps que je le regarde s'écouler patiemment. Et c'est le moment.
Envoyer cette lettre sera ma dernière action avant de me rendre là bas. Là ou autour de moi, il n'y aura plus rien que du vide. Sauf peut être le son de mon cœur bâtant la chamade. Y'aura-il cette même chanson qui joue dans mes oreilles à cet instant précis ? J'imagine.
Tout ce que je sais, c'est qu'il ne devrait me rester que peu de temps avant de me lancer dans le vide, les yeux aveuglés par les nombreuses larmes qui couleront le long de mes joues. Lorsque mon corps sera transporté par les vagues, mes poumons remplis d'eau et mon âme transportée par le vent, alors à cet instant présent, ça sera définitif.Je serai tombée dans l'océan.
À ma mémoire,
Brooklyn Fletcher.🌸🌊
NDA :
J'ai des lecteurs fantômes ici ? 👀
Si oui, ce chapitre est un segment important pour moi dans Fletcher que j'ai adorée écrire... j'espère qu'il vous a plus autant qu'à moi 🥺Mercredi : chapitre 4 écrit par EmmaClarke- !
— Lysa 🎐
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FLETCHER Don't Forget Her ;
RomanceDes souvenirs, une chaise vide et un carnet. Voilà ce que laisse Brooklyn Fletcher lorsqu'elle prend la décision de ne plus faire parti de ce monde. Les mois passent et la triste tragédie s'estompe, emportant avec elle ses secrets les plus sombres...